L’œuvre d’un Georges Bizet de vingt-cinq ans ouvre la saison 2023-2024 de l’Opéra national du Capitole. Elle est interprétée du 26 septembre au 8 octobre au Théâtre du Capitole. Pour cette nouvelle production, toutes les forces vives de la Maison Capitole sont réquisitionnées. Chœur, Ballet, et Orchestre et coulisses.
Au vu de l’engouement pour la production, il est prévu une représentation supplémentaire le jeudi 5 octobre. Décidément !
Christophe Ghristi, Directeur artistique aux commandes tient promesse. Cet ouvrage se devait de revenir au Capitole. Il l’avait programmé pour l’ouverture de saison 2020-21. Las, on ne revient pas sur les événements. Néanmoins, c’est toujours en ouverture, et la plaquette est presqu’à 100% la même. Nouvelle pépite au pupitre avec Victorien Vanoosten, étoile montante parmi les chefs d’orchestre français, mais aussi pianiste. On apprend qu’il y a cinq ans, il fut repéré par Daniel Barenboim qui l’engagea aussitôt pour diriger au Staatsoper de Berlin la production de Wim Wenders d’un ouvrage lyrique, un certain Les Pêcheurs de perles !
Pendant que Thomas Lebrun, chorégraphe de renom, devient pour l’occasion aussi metteur en scène, s’appuyant sur Raphaël Cottin. Responsable de la mise en scène de l’exposition magnifique La Fabrique de l’opéra au Couvent des Jacobins, Antoine Fontaine est chargé des décors. On se souvient de ceux de La Traviata de 2018 reprise en 2023. David Belugou répond présent pour les costumes. Ceux qu’il crée pour l’opéra Ariane à Naxos sont toujours dans les mémoires. La distribution vocale est celle prévue pour 2020. On avait retrouvé auparavant les chanteurs quand ils avaient sauvé l’ouverture de saison 2020-21 en participant à un Cosi fan tutte épique. Antoine Fontaine signait les décors et costumes. Anne-Catherine Gillet, en Foirdiligi, Mathias Vidal en Ferrando, Alexandre Duhamel en Guglielmo étaient au rendez-vous ainsi que Jean-Fernand Setti en Don Alfonso. Ils seront, Leïla, Nadir, Zurga et Nourabad. On aime cet à-propos. N’oublions pas les lumières de Patrick Méeüs qui devraient constituer un atout majeur.
Au sujet de Georges Bizet : Il n’y a pas que Carmen !!! même si c’est cet opéra qui a fait la gloire internationale de ce musicien surdoué, Prix de Rome à 19 ans. Et c’est bien à dix-sept ans, qu’il compose ce petit bijou que constitue sa Symphonie en ut majeur de trente minutes. C’est petit à petit que la totalité de son œuvre s’est affranchie de l’ombre portée par le succès de cet ouvrage lyrique, Carmen. Bizet fut bien l’inventeur en son temps de fascinantes mélodies de caractère et, après Berlioz et avant Ravel, il peut être considéré comme le troisième grand maître français de l’orchestration. Son évolution musicale fut marquée par l’influence de son maître Charles Gounod, fut imprégnée de la musique symphonique de Felix Mendelssohn, des œuvres pour piano de Robert Schumann et des œuvres lyriques de Verdi et d’Offenbach.
« Cette musique de Bizet me paraît parfaite. Elle approche avec légèreté, avec souplesse, avec politesse. […] Cette musique est cruelle, raffinée, fataliste : elle demeure quand même populaire. » Voilà ce qu’écrivait le philologue et philosophe et pianiste et compositeur Friedrich Nietzsche, au sujet de la musique de Carmen, après avoir encensé puis délaissé la musique d’un certain Wagner.
L’opéra Les Pêcheurs de perles est donc en trois actes, sur un livret d’Eugène Cormon et Michel Carré, sur une musique du jeune Georges Bizet né en 1838, et fut composé à Paris courant 1863. L’ouvrage fut créé au Théâtre-Lyrique le 30 septembre 1863. Il ne résista pas au-delà de dix-huit représentations. Son succès ne s’affirmera que bien après sa mort, en 1875. Il fut repris en italien au Théâtre de la Gaieté en 1889, puis quatre ans plus tard à l’Opéra-Comique avec quelques modifications. Des récitatifs parlés, on passe aux récitatifs chantés. Durée d’environ deux heures.
Le livret peut être qualifié de simple, disons conventionnel. C’est une sorte de Norma cinghalaise : une vierge consacrée rompt ses vœux par amour. Mais c’est la musique qui va retenir toute notre attention tout au long de l’ouvrage, avec la succession de mélodies, et les interventions nombreuses des masses chorales. Comment peut-on résister à : « Oui, c’est elle, c’est la déesse », véritable motif conducteur attaché au personnage de Leïla, motif que l’on retrouve, le plus souvent à l’orchestre, aux moments les plus forts de l’ouvrage comme l’arrivée de la prêtresse, son trouble lorsqu’elle reconnaît Nadir, à l’arrachement du voile de Leïla par Nourabad, le mystique absolu, et au moment du don du collier à un pêcheur puis, enfin, au final du dernier acte.
L’intérêt de l’ouvrage, Les Pêcheurs de perles, c’est bien tout d’abord, dans la fosse qu’il naît de par la musique de son compositeur, expressive et colorée, avec une orchestration raffinée. Intérêt qui se poursuit de par le chant pour le moindre élément de la distribution car les qualités vocales priment sur tout le reste. Et si la diction est au rendez-vous, choristes compris, on ne peut qu’être comblé. Gageons par avance, qu’à l’énoncé de la distribution vocale, comblé, on le sera. Des chanteurs possédant à la fois une très grande pureté de style et de brillantes qualités vocales, ils sont là. Quant au chœur, il constitue un vrai personnage, et au vu de sa performance tout récemment dans le Mefistofele, aucun souci. La cerise sur le gâteau, ce peut être le côté théâtre. Et c’est en cela, que le spectacle peut se révéler : TOTAL, et tant pis si le livret ne nous a pas causé disons trop de difficultés de compréhension…
Synopsis
Acte I
Dans un village de pêcheurs de perles sur l’île de Ceylan (Sri Lanka actuel), les villageois se préparent en chantant leur peur de la mer. Zurga leur intime de choisir un chef. Ce sera lui (voix de baryton). Ils lui jurent tous fidélité. Nadir (ténor) revient au village après une année d’absence. Tous deux, très amis, évoquent le souvenir d’une prêtresse hindoue du temple de Candi dont ils étaient amoureux, ce qui a failli détruire leur amitié. Nadir jure qu’il a respecté leur vœu de renoncer à cet amour afin de préserver leurs liens amicaux.
Le grand prêtre de Brahma Nourabad (basse) amène une prêtresse au village. Debout sur un rocher, elle doit chanter jour et nuit pour calmer la colère des flots et chasser les mauvais esprits de la tempête, et protéger ainsi les pêcheurs. Malgré son voile, Nadir comprend immédiatement qu’il s’agit de Leïla (soprano), la prêtresse dont il est toujours amoureux. Zurga ne la reconnaît pas et lui prête serment d’obéissance, sous peine d’être mis à mort. Leïla réitère ses vœux de chasteté et promet de ne jamais quitter le voile.
En remerciement de sa protection des pêcheurs, elle recevra la plus belle perle. Resté seul, Nadir révèle qu’il a retrouvé Leïla en cachette et qu’il l’a suivie jusqu’au village. Il l’écoute chanter ses paroles sacrées et, incapable d’y résister plus longtemps, il l’appelle. Elle s’interrompt et répond à son amour.
Nourabad dit à Leïla que les pêcheurs sont rentrés sains et saufs et qu’elle peut dormir jusqu’au matin dans le temple. Il lui rappelle ses engagements. Pour prouver qu’elle peut tenir sa promesse, elle lui raconte comment, petite fille, elle avait protégé un fugitif. En échange, il lui avait donné un collier qu’elle porte encore à ce jour.
Dans son sommeil, Leïla rêve de Nadir qui est en fait en train de pénétrer dans l’enceinte sacrée. Le couple est réuni. Tandis que la tempête se lève, Nourabad les découvre et les dénonce. Il les accuse d’avoir déchaîné les éléments. Zurga protège son ami du courroux des villageois qui exigent sa mort immédiate. Nourabad arrache le voile de Leïla et Zurga la reconnaît enfin. Il comprend que Nadir a trahi sa promesse. Pris de colère, il condamne à mort les deux coupables.
Acte III
1er tableau : La tempête s’est calmée, mais le village a subi une inondation dévastatrice. La colère a quitté Zurga qui médite sur le triste sort de Nadir. Leïla intervient pour sauver Nadir et Zurga se radoucit. Mais l’amour que Leïla éprouve pour son rival ne fait qu’augmenter sa jalousie. Il autorise Nourabad à l’emmener pour qu’elle soit sacrifiée avec Nadir. Avant de partir, elle confie son collier à un jeune pêcheur de perles et lui demande de le donner à sa mère. Zurga s’en empare en laissant échapper un cri de surprise.
2ème tableau. Les pêcheurs de perles préparent les sacrifices de Leïla et Nadir, qui auront lieu à l’aube, sur un site sauvage où l’on dresse un bûcher. Zurga les interrompt en leur apprenant que, la faute au feu du ciel, le village brûle. En réalité, c’est lui qui a allumé l’incendie. Les villageois se précipitent pour essayer de sauver leurs enfants. Zurga libère alors Nadir et Leïla, et leur explique qu’il a mis le feu au village pour les sauver. Il révèle qu’il était le fugitif que Leïla avait secouru. Nourabad a tout entendu. Les amants prennent la fuite en remerciant Zurga. Celui-ci reste seul face aux conséquences de ses actes. Il est précipité dans les flammes.