Le public toulousain aura la primeur mondiale de l’Odyssée du Ring, cet arrangement que le chef a concocté à partir du Ring, l’ouvrage de Richard Wagner qui réunit les quatre opéras de la fameuse Tétralogie. C’est pour le vendredi 5 mai à 20h à la Halle avec, bien sûr, les musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse.
Ce projet, a-t-il confié, ne pouvait que s’envisager avec les musiciens de notre Orchestre qu’il connaît maintenant depuis plus de vingt ans, pour l’avoir surtout dirigé dans Bruckner et Mahler, depuis qu’il a définitivement laissé de côté sa carrière de violoniste pour se consacrer à celle de chef d’orchestre.
Ce projet toujours est né durant la funeste période du confinement qui, avoue-t-il, s’est relativement mieux passé car son “esprit“ était littéralement occupé par les partitions de Wagner. A donc pris naissance l’idée de ramasser en une seule soirée, les plus belles pages des quatre opéras de Wagner constituant L’Anneau du Nibelung ou encore Le Ring des Nibelungen, le véritable “opus magnum“ du compositeur. Assurément, l’œuvre dramatique la plus exigeante de toute l’histoire de la musique et qui ne cesse de constituer une provocation pour le théâtre musical.
Un orchestre qui va jouer du Wagner et plus précisément des pages du Ring, à découvert, en pleine lumière, à l’opposé de Bayreuth et son orchestre invisible, étagé sous la scène en gradins, mais ici, à la Halle, avec une salle qui rejoint de par la répartition du public, l’amphithéâtre de Bayreuth.
Mais encore, faut-il choisir comment s’y prendre pour couper dans ces plus de quinze heures de musique qui constituent cette œuvre monumentale, cette foisonnante saga germanique, qui a occupé son créateur plus d’un quart de siècle de sa vie, de la première esquisse en 1848 au 21 novembre 1874. Swensen veut donc transférer le Ring du théâtre à la salle de concert et passer de 15 à 16 heures à environ deux heures trente. Démonstration sera faite, à coup sûr, que non, l’orchestre wagnérien n’est pas que puissant, mais il peut être aussi d’un raffinement inouï dans le mélange des couleurs sonores. Transparence et luminosité sont bien les maîtres mots. L’histoire épique, elle, devra se contenter de deux personnages soit deux voix. Un vrai tour de force.
C’est là qu’il nous faut bien entrer un peu dans les détails et reprendre les explications de l’arrangeur : « L’histoire s’appuie sur deux couples, chacun formé par une soprano et un ténor : Sieglinde et Siegmund, puis Brünnhilde et Siegfried. Le reste gravite autour. Dans mon Odyssée, les chanteurs commencent en tant que couple central de l’Or du Rhin et de La Walkyrie, et reviennent en deuxième partie en incarnant les amants dans Siegfried et Le Crépuscule des dieux. La place de l’entracte permet ce changement de peau…tout en accordant une pause bienvenue aux chanteurs, qui doivent beaucoup donner vocalement. [……] Il se trouve que ces deux couples se livrent chacun à un duo d’amour absolument merveilleux durant plus d’une vingtaine de minutes. » On n’oubliera pas que paroles et musique ont la même importance aux yeux de Wagner qui n’a laissé à personne le soin d’écrire ses livrets. Quand on sait qu’il va chercher des textes aux allitérations archaïques qu’il réécrit en prose avant de les versifier à nouveau !!
Ce sera un duo avant l’entracte, c’est celui qui a lieu au début de La Walkyrie. L’autre après. Il a lieu à la fin de Siegfried. Ces deux scènes constituent bien les deux points-phares de toute la tétralogie. Rien de tel pour accentuer la sensation et de plonger le tout dans un climax plus qu’intense. C’est l’amour romantique à l’état pur auquel Swensen se dit particulièrement sensible, tout en estimant que Wagner le rend de la façon la plus puissante et émouvante qui soit. Sachons que pour Wagner, l’amour constitue le véritable principe de la vie humaine et que seul peut prétendre à la puissance celui qui renonce à l’amour.
C’est la lourde tâche qui incombe à la soprano Christiane Libor et au ténor Christian Elsner. Le Chœur de l’Opéra national du Capitole mené par son Chef de chœur Gabriel Bourgoin participe à l’Odyssée.
L’entreprise est un peu folle mais elle rejoint celle entendue il y a peu avec, toujours à la Halle et avec les musiciens de l’ONCT, la Suite d’Elektra qui nous a permis de nous rendre compte de l’impact orchestral dans ce monument que représente l’Elektra de Richard Strauss. Là, ce sera avec la musique composée par ce génie total qu’est Richard Wagner, pour tous ses opéras et plus particulièrement pour les quatre faisant partie de la fameuse Tétralogie. Qui sait, peut-être ressentirons-nous davantage avec cet exercice que l’orchestre de Wagner, en s’attribuant le commentaire de l’action scénique et en devenant aussi son moteur principal, joue donc exactement le même rôle que le chœur dans la tragédie grecque. Tiens, encore un clin d’œil avec l’actualité (voir Le Viol de Lucrèce de Britten fin mai au Capitole). Enfin, non, La Tétralogie, ce n’est pas « cette musique ruisselante de sauce » ! À Claudel, préférons Boulez : « L’imagination dans l’emploi et la distribution des timbres dément à tout instant la légende d’un Wagner pâteux. »
Orchestre national du Capitole