Dans le cadre d’une soirée intitulée « Monsieur Crescendo », alias Gioacchino Rossini, l’un des plus prestigieux interprètes du Cygne de Pesaro se produisait en ce 3 mars 2022 au Théâtre national du Capitole dans un programme de mélodies signées du compositeur du Barbier de Séville, somptueusement accompagné par le pianiste Mathieu Pordoy.
Sans vouloir leur faire offense mais plutôt pour souligner l’esprit festif de cette soirée, nos deux compères avaient tout l’air de deux larrons en foire. Sitôt leur arrivée sur le plateau, Mathieu Pordoy prenait la parole et détendait considérablement l’atmosphère parfois un brin compassée de ce genre de spectacle. La suite ne fut que l’affirmation d’une extraordinaire complicité entre les deux hommes, deux éminents artistes se connaissant sur le bout des doigts car ils parcourent le monde entier ensembles pour des récitals qui font le bonheur des mélomanes.
La grande majorité du programme de ce récital était extraite de ces fameux Péchés de vieillesse que composa Gioacchino Rossini sur la fin de sa vie. En fait des mélodies aux fins d’animer les salons qu’il tenait dans sa demeure de Passy, soirées auxquelles il conviait la fine fleur du chant parisien ou de passage dans la capitale française. D’entrée, le ténor américain dévoile un ambitus d’une imposante longueur, un souffle et un phrasé inépuisables, une coloration vertigineuse, une musicalité fabuleuse ainsi qu’une étourdissante incarnation de chacun de ces textes.
Au fur et à mesure du récital, les mélodies se transforment en véritables airs d’opéra avec toute la virtuosité et l’élan dramatique qui conviennent au genre. Les aigus deviennent stratosphériques, les trilles virevoltent, le médium, appuyé sur un grave somptueux, emplit les murs capitolins de vibrations intenses. Les applaudissements commencent à virer au délire. Littéralement déchaîné, Mathieu Pordoy accompagne Michael Spyres avec une furia rossinienne incandescente tout en préservant, en particulier dans ses morceaux solistes permettant au ténor à reprendre son souffle, des moments d’une poésie, d’une grâce et d’une élégance infinies. Il y a fort à parier que le rythme qu’il a imposé à la célébrissime Danza a dû laisser le public sous le choc. Un feu d’artifice de notes non pas tambourinées comme souvent mais habilement déroulées dans un rythme infernal. Nous nous en doutions, Michael Spyres ne pouvait faire ses débuts dans le temple du bel canto toulousain sans sacrifier à un air d’opéra, ce qu’il fit sans se faire prier, offrant un premier bis avec l’air alternatif d’Almaviva du Barbier de Séville dont il nous chanta l’intégralité, ornementations incluses. Il fallait bien se quitter malgré tout, ce fut sur la Canzonetta spagnuola, de Rossini bien sûr. Une soirée réjouissante entre toutes, un moment d’évasion au cœur d’une actualité…
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse