Le premier concert de l’année 2022 donné par l’Orchestre national du Capitole a permis de retrouver à Toulouse deux jeunes invités déjà adoptés par les musiciens et le public : le chef d’orchestre Maxim Emelyanychev et le violoniste Aylen Pritchin. Si le premier est devenu au fil des ans un habitué de notre vie musicale toulousaine, le second y a fait des débuts remarqués en mars 2021. Le 7 janvier dernier ces deux amis de longue date exploraient un répertoire germanique réunissant Mozart, Bruch et Schumann.
Rappelons que Maxim Emelyanychev s’intéresse à toutes les musiques. Il pratique aussi bien le clavecin que le piano ainsi que… le cornet à bouquin. Chef principal de l’orchestre baroque Il Pomo d’Oro, il entretient à sa tête une activité foisonnante, au concert comme à l’opéra. En parallèle, sa carrière de chef symphonique a pris son essor au plan international. Son retour à la tête de l’Orchestre national du Capitole conforte son approche dynamique et originale du grand répertoire.
C’est avec Mozart et l’une de ses symphonies les plus brillantes que s’ouvre ce concert. La symphonie n° 31 en ré majeur, baptisée « Paris », constitue le seul élément positif du séjour désastreux du compositeur dans la capitale française en 1778. Séjour au cours duquel la mère de Wolfgang qui l’accompagnait tomba malade et décéda.
Cette partition connut néanmoins un vif succès. Destinée au grand orchestre symphonique dont Mozart disposait à Paris, elle développe, en trois mouvements seulement, sa tonalité lumineuse de ré majeur. Le soin apporté à son exécution fait ici des merveilles. Le chef parvient à combiner l’énergie des phrases triomphales de l’Allegro assai avec la tendresse lumineuse de l’Andantino. Notons que dans l’orchestre se glissent avec finesse les flûtes en bois ainsi que les timbales en peau, parfaitement adaptées au style mozartien. Jusqu’au final, on admire la transparence et la précision des phrasés, la musicalité et la finesses des accentuations.
Le Concerto pour violon et orchestre n° 1 en sol mineur de Max Bruch constitue l’une des partitions pour violon les plus exigeantes du répertoire romantique, celle qui fait encore de nos jours la gloire de son compositeur. Le jeune Aylen Pritchin, lauréat de nombreuses compétitions dont le Premier prix du Concours Long-Thibaud-Crespin en 2014, en est le soliste.
Dès les premières notes de son Prélude, introduites par ce roulement feutré de la timbale, il aborde l’œuvre avec la rondeur lumineuse, la profondeur timbrée de sa sonorité. Les difficultés techniques de la partition n’intimident visiblement pas le soliste qui lance le dialogue musical avec l’orchestre tout en déployant une énergie, une vitalité, une virtuosité sans faille. Il confère en outre toute la tendresse possible aux plages de douceur que ménage le compositeur. L’Adagio chante ainsi avec le lyrisme touchant de son jeu sensible. Le final Allegro energico, sous son archet conquérant, porte bien son nom ! L’admirable soutien de l’orchestre contribue beaucoup à la réussite de ce dialogue au sommet.
Le grand succès recueilli par son interprétation le rappelle pour un double bis réclamé par le public. La Sonate n° 2 en la mineur d’Eugène Ysaÿe, dédiée à Jacques Thibaud, jouée avec une rare intensité, est suivie du Largo d’une Sonate pour violon seul de Johann Sebastian Bach. Pur moment d’éternité…
La seconde partie de la soirée est consacrée à la Symphonie n° 3 en mi bémol majeur, dite « Rhénane », de Robert Schumann. La plus célèbre des quatre symphonies du compositeur, constitue un hommage au fleuve souvent baptisé « Der Vater Rhein » (le père Rhin), lequel accompagne toute l’histoire de l’Allemagne.
Maxim Emelyanychev manifeste ici une passion irrésistible pour cette musique, portée par les élans enflammés de son écriture. Il enchaîne les cinq mouvements avec l’énergie de la jeunesse. Saluons tout d’abord l’irremplaçable contribution du pupitre de cors et de son soliste Jacques Deleplancque. Que serait la musique de Schumann sans les cors ? Symbole de la forêt, mais aussi de l’héroïsme, l’instrument joue ici un rôle primordial. Le chef confère à chaque mouvement son caractère propre tout en réalisant l’unité de l’œuvre. La caractère sacré du quatrième mouvement (Feierlich = solennel) est admirablement souligné par l’intervention des trombones dans leur chant d’un choral luthérien. La vitalité de cette exécution, qui se manifeste de manières différenciée tout au long de l’œuvre, éclate enfin dans le final triomphant. Le chef implique tout son corps dans la conviction qui l’anime. Une conviction qui se transmet à l’ensemble de l’orchestre.
Gageons que nous reverrons à Toulouse ces deux grands artistes à Toulouse.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre national du Capitole