Oreste, ce rare pasticcio (pastiche) de Haendel, sera donné en version concert à la Halle, le jeudi 1er juillet 2021 à 20h dans le cadre du Cycle Grands Interprètes de cette saison. Distribution de rêve avec à la direction et au clavecin, Maxim Emelyanychev, l’orchestre Il Pomo d’Oro et Franco Fagioli en Oreste. Mais oui……
Franco Fagioli © Igor Studio
Parmi les dizaines d’ouvrages lyriques écrits par Haendel, la vie d’Oreste ne pouvait lui échapper. Ce sera chose faite, en 1734, composé en quelques jours. L’orchestre est celui d’Il pomo d’oro, orchestre tout jeune, de notoriété grandissante et devenu maintenant incontournable pour ce type d’ouvrages. Orchestre déjà accueilli il y a cinq ans, à ses tout débuts, ici, à la Halle, dans un concert intitulé « concerti per l’Imperatore » le lundi 3 février 2014. Et applaudi, à nouveau, dans le Serse de Haendel. Il est dirigé bien sûr, par Maxim Emelyanychev, ce toujours jeune chef constituant un événement à lui tout seul, extraordinaire musicien, pianiste et fin claveciniste, ayant fait ses débuts comme chef d’orchestre à l’âge de …12 ans ! Il dirige ici le tout du clavecin et joue debout. Deuxième événement en lui-même, c’est le rôle d’Oreste, interprété par Franco Fagioli, le contreténor argentin qui ne peut se comparer qu’à une…Cecilia Bartoli. Phénoménal sur scène, il est fantastique, même en concert, avec un visage “bourré“ d’expressivité. La scène de la folie du fils d’Agamemnon en proie aux furies devrait lui aller “comme un gant‘ et va vous surprendre, tout autant que celle de la folie de Serse il y a quelques années. Les fous, eux, de baroque seront tous là. « Certains sont tellement impressionnés d’entendre un homme chanter aussi haut qu’ils ne se soucient plus de savoir si le son est beau. », nous confie-t-il.
Il Pomod’Oro © Julien Mignot
C’est le moment de vous plonger ou de replonger dans la mythologie grecque et de vous familiariser avec justement la famille la plus connue, celle des Atrides. Le hasard du calendrier des festivités lyriques dans notre chère Tolosa fait que, entre Elektra, opéra de Richard Strauss donné au Théâtre du Capitole fin juin, et Oreste de Haendel, pasticcio-opéra à la Halle, vous ne réviserez pas vos classiques pour rien.
Maxim Emelyanychev © Elena Belova
Les protagonistes sont :
Oreste, fils d’Agamemnon et de Clyemnestre, frère cadet d’Ifigenia et d’Electre (et de Chrysothémis)
Franco Fagioli, contreténor
Ermione, cousine et épouse d’Oreste
Inga Kalna, soprano
Ifigenia, sœur d’Oreste, la vierge grecque sauvée du sacrifice auquel la destine Agamemnon, devient prêtresse de Diane.
Siobhan Stagg, soprano
Pylade, cousin et ami d’Oreste
Krystian Adam, ténor
Toante, roi de Tauride, tombé amoureux d’Ermione, celui qui immole tout étranger échouant sur ses terres
Biagio Pizzuti, baryton-basse
Filotete, capitaine de Toante. Il convoite fort Ifigenia et est prêt alors à trahir son roi.
Margherita Maria Sala, contralto
L’opéra est en italien, bien qu’il ait été écrit et joué en Angleterre. Le rôle principal a été composé pour le castrat Giovanni Carestini. Il est désormais interprété le plus souvent par un contreténor dit mezzo-soprano ou alto.
Oreste est un pasticcio dont le livret est adapté par Haendel de L’Oreste (1723) du librettiste romain Giangualberto Barlocci, lui-même inspiré de l’Iphigénie en Tauride d’Euripide, ainsi que de l’Electre de Sophocle et Les Euménides d’Eschyle. Il fut représenté seulement trois fois, le 18 décembre 1734, au Covent Garden Theatre de Londres, puis les 21 et 28 décembre.
Georg Friedrich Haendel
Le 6 juillet précédent, le contrat de cinq ans liant Haendel à Johann Jacob Heidegger pour l’occupation du King’s Theatre, sur Haymarket, était parvenu à son terme. Pour se plier aux bonnes grâces du prince de Galles, fils du roi, le propriétaire lui offre l’usage de son théâtre et pousse donc le compositeur dehors car le fils du roi est fâché avec son père, fervent support financier de …Haendel !!. Haendel passe alors un accord avec John Rich pour l’utilisation du Covent Garden, salle un peu “à tout faire“. Il y disposait d’un petit chœur, d’un chorégraphe et du corps de ballet de Marie Sallé, française venue s’installer à Londres. L’opéra-ballet Terpsichore y aura un grand succès durant l’année 1734. Tout cela car il faut produire, produire pour ne pas laisser la place à d’autres !
Haendel avait dû également reconstituer sa troupe de chanteurs, la plupart ayant été recrutés par une nouvelle maison d’opéra : l’Opera of the Nobility où régnait son concurrent principal, un certain Porpora. Arrive aussi à Londres, un redoutable compositeur, Hasse, de très grand talent, engagé lui aussi au Nobility. La concurrence est rude et c’est aussi un temps où les compositeurs doivent s’occuper de tout, du lieu, des chanteurs, de l’intendance. Pour Oreste, le compositeur réussit à réunir la distribution suivante ; ainsi, le castrat Giovanni Carestini en pleine gloire (Oreste), la soprano anglaise Cecilia Young (Iphigénie), la soprano Anna Strada del Po, la seule restée fidèle à Haendel (Hermione), l’alto Maria Caterina Negri (Filotete), le ténor anglais John Beard (Pylade), la basse allemande Gustav Waltz (Toante). Oreste présente aussi des scènes avec ballet. À ce sujet, on dit que pour attirer plus de public aux représentations d’Oreste, Marie Sallé dansa avec un costume qui l’a faisait évoluer un peu trop dévêtue pour les mœurs de l’époque !!! ce qui lui aurait même valu d’être obligée de quitter Londres…
Si l’on aborde le sujet des “emprunts“, à lui-même comme à son entourage, Haendel montre à la fois son invention, sa curiosité musicale et sa capacité à se dépasser. Oreste constitue un excellent exemple d’emprunt à lui-même puisque tout l’ouvrage n’est qu’une suite de passages picorés dans ses propres opéras. Les récitatifs et les parties des danses sont les seules parties composées spécifiquement pour cette œuvre.
Mais, son trait de génie, c’est bien sûr de choisir les morceaux qui ont pu avoir le plus de succès et éventuellement de les modifier pour qu’ils soient plus enthousiasmants encore. Il jouera, sur la musique, ou sur le texte, ou sur les deux à la fois. Un seul objectif, l’efficacité dramatique pour conduire à un pasticcio étourdissant.
Benjamin West – Oreste et Pylade devant Iphigénie
Synopsis
Au matériau mythologique adapté d’Iphigénie en Taurine d’Euripide, Oreste ajoute le personnage de la femme d’Oreste, Hermione, qui cherche à l’aider dans sa quête de guérison pour son esprit torturé et retrouver sa tranquillité d’esprit. Haendel ajoute également un autre personnage, Filotete, absent de la pièce d’Euripide.
L’action de l’opéra se déroule sur un seul jour.
Nous sommes en Tauris, dans l’antiquité légendaire, disons la Crimée actuelle. La conscience bousculée par les crimes qu’il a commis, matricide puis le dernier amant de maman, Oreste a perdu la raison et subit quotidiennement les cruelles tortures des Erinyes. Accompagné par son fidèle compagnon Pylade, il s’est rendu en Tauride afin de s’y offrir à Diane en sacrifice. Dans la légende il est dit qu’Apollon le chargea, par l’intermédiaire de l’oracle de Delphes, de voler le portrait de la déesse et de le rapporter en Grèce. Il serait ainsi délivré de ses obsessions. Iphigénie, sa soeur, est prêtresse du temple de Diane en Tauride, car, alors que son père Agamemnon voulait la sacrifier pour obtenir de Diane un vent favorable permettant à sa flotte de regagner Troie, cette dernière avait enveloppé Iphigénie dans un nuage et l’avait amenée en Tauride. Toante est roi de Tauride et il lui avait été annoncé qu’Oreste provoquerait sa chute. C’est pourquoi, ne connaissant pas Oreste, il avait ordonné, à titre préventif, de sacrifier sur le temple de Diane tous les étrangers arrivant en Tauride.
Acte I
Bosquet sacré de Diane avec une statue de la déesse. Iphigénie trouve Oreste dans le bois sacré de Diane, sans savoir qu’elle se trouve face à son frère. Elle veut le prévenir du sacrifice qui menace sa vie et Filotete, capitaine de Toante, qui est amoureux d’elle, la soutient afin de gagner son amour. Entre-temps, à la recherche de son époux, Hermione, l’épouse d’Oreste, arrive dans le port. Elle “tombe“ sur Pylade, le fidèle ami d’Oreste, et ils sont tous deux arrêtés par Filotete, car ils sont étrangers et donc condamnés à mort. Mais Toante s’éprend d’Hermione et souhaite la posséder. Hermione le repousse violemment.
Acte II
Le parvis du temple de Diane. Oreste se trouve dans l’avant-cour du temple lorsque Pylade est entraîné par les gardes. Il intervient en sa faveur mais Toante ordonne aussi son exécution. Oreste est prêt à se battre quand Iphigénie veut l’arracher à son funeste destin et interdit le combat ; il se livre. Elle se sert de l’amour que lui porte Filotete, et avec son aide, délivre Oreste, incarcéré à son tour.
Jardin royal avec une porte qui mène à la mer. Ifigenia libère ainsi Oreste et lui indique le chemin menant à la mer, mais ce dernier hésite à fuir sans son fidèle Pylade. Enfin, suivant les traces de son époux, Hermione finit par rencontrer Oreste. Toante surprend leur étreinte, entre époux, se méprend et les fait arrêter.
Acte III
La chambre du roi. Toante dit à Hermione qu’il est prêt à laisser Oreste en vie et à le libérer mais à une condition : qu’elle accepte de lui appartenir. Elle rejette son offre et préfère les chaînes.
Le temple de Diane avec un autel et une statue. Toante presse Iphigénie de tuer Oreste sur l’autel du sacrifice. Mais Hermione s’interpose et exige d’être exécutée ; on l’éloigne derechef du temple. Pylade se fait alors passer pour Oreste pour mourir à sa place. Ce dernier refuse son sacrifice et tous deux affirment être Oreste. On ramène Hermione pour qu’elle identifie Oreste, mais même menacée de mort elle s’y refuse. Pour ajouter encore à la confusion, Hermione fait savoir qu’elle est la sœur d’Oreste. Lorsque, à la suite de cela, Toante exige que Ifigenia tue Pylade et Oreste, elle menace de le tuer en premier. Pour “marquer des points“, Filotete prend son parti et le conflit s’envenime. Le combat s’engage et Toante est tué par Oreste. Le peuple est libéré, Oreste et Hermione sont réunis, le frère et la sœur se retrouvent, les tourments de l’âme sont vaincus. Ouf !!
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Les Grands Interprètes