La Halle aux Grains toulousaine reste confinée. Ce 28 novembre dernier elle hébergeait néanmoins un splendide concert offert à l’ensemble des internautes par l’Orchestre national du Capitole. La technique vient ainsi au secours du spectacle vivant. Retransmis en direct sur la chaîne YouTube de l’Orchestre, puis généreusement « podcastable », cette fin d’après-midi accueillait à la tête de la formation symphonique toulousaine le chef d’orchestre hongrois Gábor Káli ainsi que son compatriote le violoncelliste István Várdai, deux jeunes artistes de grand talent. Comme les précédents, ce concert a été retransmis en live sur la chaîne YouTube de l’Orchestre ainsi que sur la page Facebook de France 3 Occitanie.
Le violoncelliste hongrois invité István Várdai – Photo Romain Alcaraz –
Dans une Halle aux Grains vide de spectateurs mais brillamment animée par les musiciens (masqués pour ce qui concerne les pupitres de cordes), le concert s’ouvre donc dans une atmosphère particulière, néanmoins très conviviale et même chaleureuse. Si le contact avec le public ne se manifeste qu’à distance, la spontanéité du direct subsiste. Les regards échangés, l’implication de chaque musicien, du chef et du soliste participent à la vitalité qui anime cette nouvelle rencontre.
Le chef invité, Gábor Káli a récemment reçu de prestigieuses récompenses internationales, comme le fameux prix « Nestlé and Salzburg Festival Young Conductors Award » en 2018. La même année, il a remporté le premier prix de la « Hong Kong International Conducting Competition ». A la tête de l’Orchestre national du Capitole, il accompagne donc le jeune violoncelliste István Várdai, natif de Hongrie comme lui. István Várdai a été récompensé par de nombreux prix internationaux : lauréat du 63ème Concours International de Musique de Genève, 3ème prix et un prix spécial du Concours Tchaïkovski de Moscou (2007), Premier Prix du Concours International Johannes Brahms en Autriche (2006). Il s’est vu attribuer à trois reprises le Premier Prix du Concours International de Musique David Popper à Budapest.
C’est sur les fameuses Variations sur un thème rococo de Tchaïkovski pour violoncelle et orchestre que s’ouvre ce concert de fin d’après-midi. Accueillis par les seuls applaudissements des musiciens, les deux artistes prennent rapidement leurs marques. La chaleureuse sonorité de miel qui émane du violoncelle d’István Várdai n’a d’égal que la pureté de son jeu d’une élégance parfaitement en situation dans cette œuvre qui mêle de manière organique deux éléments particuliers, le style classique du XVIIIème siècle et un certain romantisme intime. Le soliste choisit vraisemblablement de jouer ici la version de Wilhelm Fitzenhagen, le dédicataire et créateur de l’œuvre en 1877.
La tendresse avec laquelle le violoncelliste ouvre la partition évoque une dentelle sonore. Sa technique irréprochable (ses démanchés impressionnants de justesse !) s’accompagne d’un choix de phrasés d’une profonde musicalité. Les variations se succèdent dans une continuité attachante et néanmoins dans le déploiement d’une belle variété de nuances. La vitalité virtuose explose littéralement dans le final. Soulignons la délicatesse avec laquelle l’orchestre, dirigé avec finesse par Gábor Káli, enveloppe le soliste de ses couleurs chatoyantes. Applaudi chaleureusement par ses collègues musiciens auquel il rend d’ailleurs hommage, István Várdai a vraiment marqué sa première apparition toulousaine.
Le chef d’orchestre invité Gábor Káli – Photo Romain Alcaraz –
La seconde partie du concert est consacrée à l’un des « tubes » classiques les plus célèbres du répertoire pour orchestre, le Symphonie n° 9 dite « Du nouveau monde » d’Antonín Dvořák.
Chaque auditeur en possède dans sa mémoire une version de référence. Et néanmoins, chaque nouvelle exécution en révèle de nouveaux aspects. Gábor Káli dirige cette partition avec passion et engagement tout en introduisant des nuances inédites. Sa vision se caractérise par une étonnante liberté des tempi et par l’utilisation d’un rubato organique. Ainsi, après une introduction comme venue de loin, l’animation du premier mouvement se trouve parsemée d’inhabituels ralentissements. Le Largo, qui est abordé dans un tempo soutenu, se trouve néanmoins habité d’étranges et longs silences. La nostalgique mélopée de cor anglais (qui a d’ailleurs inspiré la chanson populaire américaine Going home…), bénéficie de la profonde et belle sonorité de Gabrielle Zaneboni.
La vivacité du Scherzo, festif et animé, s’enchaîne presque sans interruption sur un Allegro con fuoco final qui mérite bien son nom. Une ardeur héroïque pleine de flamme vient conclure le mouvement et la symphonie sur un subtil diminuendo, plein de charme et d’émotion.
Félicitant un à un les musiciens solistes de cette exécution très personnelle, Gábor Káli est également salué par l’ensemble des pupitres de ce bel orchestre que l’on se réjouit de pouvoir suivre encore dans les circonstances exceptionnelles que nous connaissons.
Dernières informations
En raison du contexte sanitaire, les concerts du dimanche 6 décembre à 10 h 45 et du vendredi 11 décembre à 20 h sont annulés.
En revanche, le concert initialement prévue pour le 4 décembre sera diffusé en direct le 5 décembre à partir de 18h en live sur les réseaux sociaux uniquement. Il réunira le chef d’orchestre Cornelius Meister et le pianiste Nicholas Angelich dans un programme comprenant le Concerto n° 5 pour piano et orchestre « L’Empereur », de Ludwig van Beethoven, et le poème symphonique Une vie de héros, de Richard Strauss. A suivre donc !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse