Ça y est, le déconfinement récent a fait son œuvre : nous voilà avec dans nos musettes de spectateurs friands, les rituelles présentations de saison des théâtres de la ville, qui prennent cette année de nouvelles formes. Cette semaine le Théâtre Sorano, le Théâtre Garonne et le Théâtredelacité dévoilent en avant-programmes et en ligne le contenu de ce qu’ils ont concocté pour la saison prochaine. Au Garonne comme ailleurs, le COVID aura écourté la saison en cours et bousculé la prochaine, modifiant les habitudes du lieu et re-dessinant les contours de nos (très prochaines) retrouvailles en chair et en os. Le point avec Stéphane Boitel.
Retour vers le futur
SB : « Au Garonne, le confinement nous a cueillis en plein festival de printemps : In extremis venait de commencer et à peine une semaine plus tard il n’était plus possible d’accueillir de public. A ce moment-là, la priorité a été de trouver des solutions de report : 8 spectacles sur 10 ont pu l’être, mais il a fallu malgré tout passer par une phase de réorganisation, finir d’annuler la saison en cours tout en portant une attention particulière à ce que les compagnies et artistes soient payés, surtout dans les pays où leurs droits sont moins garantis qu’en France, et caler ce qui pouvait l’être de la prochaine. On fait des métiers où entre parfois une bonne dose d’optimisme et de naïveté donc c’est vrai qu’on a mis un bon moment à comprendre que ça allait durer. Qu’on allait devoir rester chez nous, télétravailler et inventer des solutions pour éviter à une saison 20/21 déjà fragilisée d’être complètement démantibulée ».
Pas que du mauvais
SB : « On est entré depuis quelques semaines dans de la science fiction, chaque jour on fait des hypothèses et au fil du déconfinement et des prises de paroles gouvernementales, on s’adapte. Quelles seront vraiment demain les conditions d’accès aux théâtres ? Comment allons-nous collectivement nous habituer à tout ça ? Ces nouvelles données modifient notre rapport les uns aux autres, elles demandent d’être plus attentifs aux autres et ce n’est pas un mal. Elles nous obligent à faire évoluer nos pratiques professionnelles. Elles modifient la temporalité des projets, et c’est très bien que soit un peu foutu en l’air l’usage qui s’était imposé au fil du temps d’être de plus en plus en avance tout le temps sur tout, pour des raisons de logique financière et de système. Une vraie course à l’échalote où l’on perdait toute spontanéité ».
Propositions alternatives
SB : « Très vite on a décidé de continuer, de tenir ce qui était prévu et de maintenir ce qui pouvait l’être même sans avoir toutes les garanties sur la rentrée qui s’annonce. On a travaillé sur un programme, des spectacles qui sont à découvrir dès maintenant sur notre site internet mais en cours de route on est restés attentifs et on va le rester désormais à toutes les possibilités et à développer les solutions alternatives. Les conditions sanitaires nous obligent à repenser la question du public, la composition des salles, le fait d’accueillir moins de monde mais nous incitent aussi à imaginer des formes et des propositions différentes, des parcours parallèles dans les modes de production, à imaginer devoir renoncer à l’échelle internationale et du coup à repenser l’articulation avec le local, etc. »
Réflexions créatives
SB « On veut bien aller manger du jambon et du fromage mais on ne veut pas renoncer à ce qui fait l’art. Dans notre secteur qui est moins directement en première ligne que les soignants par exemple, j’espère bien que ces circonstances-là ont provoqué une réflexion créative durable parce que si on a un job à faire au théâtre c’est bien essayer d’aider à penser le monde. D’aider à imaginer ce que sera demain : In extremis 2021 va faire bouger les lignes en proposant du théâtre dans des lieux pas forcément théâtraux, en accueillant des artistes locaux, régionaux, nationaux, internationaux dans des familles où ils seront logés. On a envie de déplacer nos marques et de poser la question de l’hospitalité, de voir ce que provoque l’arrivée d’un « étranger » dans de petites communautés. Comment les conditions de représentations changent radicalement un projet et du coup changent aussi la typologie du public qui le reçoit ».
Le monde d’avant / le monde d’après
SB : « Méfiance sur les termes, mais c’est vrai que la mise à l’épreuve de cette période de confinement nous a encouragé à redéfinir nos priorités, que ce soit à un niveau individuel ou plus large. Elle a ouvert des pistes qui porteront certainement leurs fruits : davantage de souplesse dans l’organisation du travail, des idées pour mutualiser des moyens sur des gros projets, par exemple celui que nous créons autour de Lia Rodrigues en 2021 qui va tourner sur 16 salles de la Région, organiser un fonds d’urgence avec l’outil du FONDOC (fonds d’aide à la création en région Occitanie NDLR). L’inconnue majeure du monde d’après c’est à quel point les gens vont avoir envie de revenir ».
Propos recueillis par Cécile Brochard
.
QUELQUES JALONS À RETENIR
Premiers rendez-vous dès le 2 juillet
Dès les premiers jours de l’été une série de propositions (formes brèves, spectacles encore à l’étude, concerts formatés pour l’écrin du lieu) va avoir lieu dans les galeries souterraines du théâtre. Une occasion différente, intrigante, pour un petit groupe de spectateurs à chaque fois, plusieurs fois par jour, de reprendre le chemin des spectacles et de retrouver des artistes comme Aurélien Bory qui reprendra Corps noir avec la danseuse Stéphanie Fuster, une installation performance initialement écrite pour le musée Picasso, et créera Garonne un diptyque vidéo sur le fleuve voisin. Baro d’evel en mélange musical avec Nicolas Lafourest dans la Cachette, Adam Laloum et son piano, la compagnie Azkona Tolosa à cheval entre Espagne et Chili, à bas bruits illustre bien l’envie du lieu de retrouver de la permanence artistique au vrai sens du terme.
Une saison rabelaisienne
A l’image d’Olivier Martin Salvan qui l’illustre, la saison 20/21 qui va suivre a quelque chose de gargantuesque : on y retrouvera en effet des ogres comme Damiaan de Schrijver des tg TSAN qui reviennent avec je suis le vent en reprise et Poquelin II, en création, des spécialistes du déséquilibre comme Camille Boitel (ma, aïda), des doux rêveurs comme Pierre Meunier (Securilif), des metteuses en scène attachées aux mythes comme Nathalie Nauzes avec AntigoneS, Silvia Costa revisitant Beckett (Comédie) ou laissant parler leurs désirs (Et puis voici mon cœur d’Isabelle Luccioni en duo avec le musicien Haris Haka Resic). Gwenaël Morin, Dromesko, Kaori Ito, Meg Stuart, Robyn Orlin font partie des fidèles du lieu. La nouveauté d’un calendrier musical conséquent complète cette saison : on imagine en particulier le soleil se lever sur la lila gnawa le 29 mai prochain, après toute une nuit de concerts…
Billetterie en Ligne du Théâtre Garonne