Sous la direction de Pascal Rophé, des œuvres de Chausson et de Ravel sont au programme d’un concert de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, qui invite le violoniste Renaud Capuçon, à la Halle aux Grains.
Renaud Capuçon
De nouveau invité à la Halle aux Grains, au cœur de la saison de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse dont il est un habitué, Renaud Capuçon (photo) jouera deux œuvres pour violon et orchestre, lors d’un concert dédié à la musique française dirigé par Pascal Rophé – en remplacement de Tugan Sokhiev, souffrant. Ils interprèteront « Tzigane », rhapsodie de concert composée en 1924 par Maurice Ravel pour la violoniste Jelly d’Aranyi, qu’il avait entendue dans la sonate pour violon et piano de Béla Bartók. S’adressant à Bartok, il assurera : «À l’intention de notre amie, qui joue si aisément, vous m’avez convaincu de composer un petit morceau dont la difficulté diabolique fera revivre la Hongrie de mes rêves et, puisque ce sera du violon, pourquoi n’appellerions nous pas cela « Tzigane » ?». Pour les besoins de l’écriture de cette rhapsodie pour violon et piano, Ravel convoqua son amie Hélène Jourdan-Morhange «avec son violon et les vingt-quatre « Caprices » de Paganini», afin d’y répertorier les difficultés techniques et d’égaler les «violonisteries de Sarasate et de Wienawsky».
Pascal Rophé
Hommage à la musique des pays de l’est, cette pièce en un seul mouvement fut créée à Londres par la dédicataire, au printemps 1924, puis adaptée par la suite par Maurice Ravel pour violon et orchestre, pour une création à Paris à l’automne de la même année. Le violon s’y élance dès le départ de manière très libre, telle une improvisation, dans un solo de trois minutes – soit un tiers de la durée totale du morceau, ce qui lui donne une forme rare et particulière. L’instrument annonce alors le thème principal qui sera joué huit fois, parmi d’autres mélodies. Un second thème sera lui aussi repris plusieurs fois durant les trois dernières minutes, conduisant l’accelerando et le crescendo jusqu’à l’apothéose finale, en se mêlant à un motif exposé plus tôt par l’orchestre seul.
Maurice Ravel
Deux œuvres majeures d’Ernest Chausson sont également au programme de ce concert : le « Poème » pour violon opus 25, la Symphonie opus 20. Longtemps considéré comme un compositeur français «mineur», Chausson s’est révélé être un maillon important dans l’histoire de la musique française du XIXe, entre César Franck, dont il fut l’élève, et Claude Debussy, dont il fut l’ami. À la croisée du romantisme d’Hector Berlioz et de Franck, du langage wagnérien et du symbolisme du jeune Debussy, il s’est imposé comme une figure singulière du paysage musical hexagonal. Mort à 44 ans, des suites d’un accident de bicyclette, ce musicien très attachant est l’auteur d’une œuvre puissante, au lyrisme très personnel et à l’écriture raffinée, dotée d’une harmonie brillante, souvent originale et parfois audacieuse.
Dédié à Eugène Ysaÿe, le « Poème » fut composé en 1896, à la demande du violoniste belge. Il fut inspiré à Chausson par la nouvelle d’Ivan Tourgueniev « le Chant de l’amour triomphant », qui fut d’ailleurs le titre initial de la partition. Jusqu’à sa mort en 1883, l’écrivain russe séjournait à Paris durant les années 1870, où il a vécu auprès de la famille Viardot, se liant d’amitié avec de nombreux compositeurs. Publié en 1881, le récit de Tourgueniev met en scène un amour triangulaire à Ferrare, au XVIe siècle, où l’exécution d’une mélodie au violon provoque un envoûtement. Alors qu’Eugène Ysaÿe avait édité en 1893 un « Poème élégiaque » dédié à Gabriel Fauré, certains commentateurs ont vu dans la référence à la nouvelle une possible évocation par Chausson des amours malheureuses de Fauré avec la fille de Pauline Viardot, Marianne. Créé en 1896 par Ysaÿe, le « Poème » de Chausson est une sorte de concerto pour violon et orchestre d’un seul mouvement divisé en trois sections enchainées. Le déploiement des qualités techniques de l’interprète n’y apparaît nulle part comme une vaine démonstration de virtuosité. L’inspiration mystérieuse, empruntée à l’œuvre de Tourgueniev, s’y mêle en effet à une écriture brillante, ce qui en fait une page à la fois poétique et éloquente. La pièce fut également transcrite par le compositeur pour violon et piano.
Créée en 1891, sous la direction de l’auteur, la Symphonie en si bémol majeur d’Ernest Chausson est le fruit d’une époque bénie de l’histoire de la musique française, période de renouveau symphonique au cours de laquelle furent notamment écrites les symphonies de Camille Saint-Saëns, César Franck, Édouard Lalo, Paul Dukas, Albéric Magnard. Découpée en trois mouvements, trop rapidement qualifiée de wagnérienne, cette œuvre concise et lyrique est très représentative du romantisme musical français au tournant du XXe siècle, avec ses lignes mélodiques d’une grande expressivité et le chromatisme de son harmonie. La Symphonie remporta un immense succès au cours de cette décennie. Un auditeur écrivit alors: «J’étais d’autant plus heureux de pouvoir entendre et louer cette symphonie, que j’avais assez souvent critiqué les œuvres précédentes du compositeur, qui me semblait ne pas posséder suffisamment d’indépendance ; à présent, je pense qu’il a révélé sa personnalité, plus sûre, plus claire et plus colorée. Il s’agit en tous cas d’une œuvre significative à l’envergure belle et grandiose, qui fait honneur à notre école.»
Tugan Sokhiev étant souffrant, il sera remplacé par Pascal Rophé pour le concert du samedi 15 février. Le programme reste inchangé
Billetterie en Ligne de l’Orchestre National du Capitole