Jojo Rabbit, un film de Taika Waititi
C’est un challenge presque impossible que de faire rire autour du personnage d’Adolf Hitler. De très grands réalisateurs y ont réussi malgré tout. A leur nombre il faut dorénavant ajouter Taika Waititi.
1945, le Troisième Reich ne le sait pas encore mais il vit ses dernières heures. Cependant l’endoctrinement dans les Jeunesses hitlériennes continue. C’est là que se retrouve Jojo, 11 ans. C’est là aussi qu’il va devoir faire preuve de sa virilité et de son courage au combat pour tuer les ennemis de l’Allemagne. Première épreuve, estourbir un lapin. Jojo, le caressant pour calmer la pauvre bête, ne peut s’y résoudre. Son surnom lui arrive en pleine figure, Jojo Rabbit, tout comme cette grenade mal lancée qui lui ricoche dans les pieds et qui va le défigurer un brin, sans plus tout de même.
Cela va cependant suffire pour que Jojo soit retiré des futures troupes d’élites et se retrouve distribuant des tracts dans les boîtes aux lettres. Et pourtant, Jojo était promis à un grand avenir car il a un ami intime, invisible aux yeux de tous, sauf aux siens bien sûr. Cet ami n’est autre qu’Adolf Hitler (Taika Waititi himself, totalement bluffant). Patatras, voilà que Jojo découvre, lui le bel aryen en devenir, que sa mère Rosie (Scarlett Johansson), sous couvert d’une nationaliste convaincue, cache dans le grenier de leur maison Elsa (Thomasin McKenzie), une petite juive. D’abord épouvanté devant ce crime de lèse nazisme, Jojo va finir par appréhender certaines choses…
Prenant avec panache la suite d’immenses réalisateurs qui se sont approchés de ce sujet ultrasensible au cinéma : Charlie Chaplin, Ernst Lubitsch, Mel Brooks et Roberto Begnini par exemple, le réalisateur maori, de mère juive faut-il préciser, adapte ici à l’écran le roman de Christine Leunens paru en 2007 : Le Ciel en cage. Politiquement forcément terriblement incorrect, son film navigue avec une virtuosité époustouflante entre rire, émotion et réflexion. Les messages sont distillés avec un sens de l’absurde qui fait mouche à chaque instant. Le coup de génie/chance est certainement d’avoir découvert, pour le rôle-titre, un jeune garçon de 11 ans, franco-britannique, de père et mère totalement immergés dans le cinéma : Roman Griffin Davis. Vous n’oublierez pas de sitôt sa petite mèche rebelle, blonde évidemment, et ses grands yeux, bleus encore plus évidemment, s’ouvrant avec stupeur devant la mortelle absurdité des adultes.
Entre parodie et drame, le dernier opus de ce cinéaste se révèle un pari hautement risqué certes mais réussi !
Taika Waititi – l’humour en bandoulière
Ce sont d’abord ses talents comiques qui le font connaître dans son pays, la Nouvelle Zélande. Ce fils de Maori s’intéresse très jeune à la comédie et à l’écriture. Puis la réalisation le démange au point de tourner deux courts-métrages qui seront récompensés au niveau international. Le grand saut vers le long de ses rêves a lieu en 2007. Il a 32 ans. Les films vont alors se succéder au point d’attirer l’attention d’Hollywood qui finira par lui confier rien moins que Thor Ragnarok en 2017, un épisode du héros au marteau marqué ici par la fibre comique de son réalisateur. Tout comme le film sous rubrique d’ailleurs.