Le toulousain, Denis Faïck publie Au rendez-vous des âmes libres, aux éditions Fleuves. Une longue confession entrecroisée de souvenirs de guerre.
Eugène, homme solitaire, reçoit la visite régulière d’une infirmière. Un jour, celle-ci s’attarde plus que de coutume. «Ça vous embêterait de me raconter autre chose Eugène ? Ça me fait du bien», avoue la jeune infirmière. Et celui-ci, surpris mais surtout heureux par cette demande, acquiesce immédiatement. En l’espace d’une phrase, le lecteur est alors plongé dans un temps pas si lointain : la seconde guerre mondiale. Mais ce que raconte Eugène, c’est la guerre de l’intime, celle vécue par lui et par sa bande. Car Eugène fait partie d’un réseau de résistants. Des jeunes idéalistes qui refusent d’abandonner, qui refusent de capituler malgré la peur d’être torturé ou tué, et parmi eux, il y a Eva. La belle Eva au destin tragique. Eugène l’aime, l’admire, se promet de le lui dire, mais le chaos et la timidité le retiennent dans sa pudeur.
Les voix anonymes
La force de ce texte réside dans la mise en abyme qui permet de faire remonter à la surface de la mémoire les destins brisés, fêlés, mais aussi les petits bonheurs en temps de guerre. Noirceur et espérance flirtent et se déchirent dans ce temps incertain. Eugène raconte ses peurs, ses inquiétudes, mais aussi les moments d’espoir qui font battre le cœur et font croire à un avenir possible. Il donne également la parole à d’autres résistants. De courts chapitres scandent le texte et décrivent le quotidien de ceux qui libérèrent la France. On y découvre les relations familiales, les premières amours et les combats contre l’ennemi. Les descriptions, justes et réalistes, permettent de capter les émotions de cette période sombre. Car le récit s’approche au plus près de la réalité, évite tous les écueils manichéens déjà rencontrés concernant la guerre. Au contraire, Denis Faïck montre le flou des frontières, la tension des situations et la duplicité de certains personnages. En cela des passages sont très durs à lire, comme la scène d’ouverture qui décrit la belle Eva dans un moment de détresse. Mais la réalité était telle et la décrire fidèlement c’est montré le courage et la force de ceux qui décidèrent d’en finir avec la haine.
Denis Faïck nous immisce dans l’intimité d’Eugène et de l’infirmière. L’oreille tendue nous découvrons tout ce qui peut bâtir la vie d’un homme qui n’a jamais renoncé.
Denis Faïck, Au rendez-vous des âmes libres, Fleuves, 288 p.
Photo : Denis Faïck © Melania Avanzato