Cette belle production d’Olivier Py avait déjà eu bien du succès au Théâtre des Champs Élysées à Paris, et au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles en 2013. La grande élégance stylisée des décors et des costumes y est pour beaucoup. La force également qui se dégage des éclairages et des mouvements puissants des décors à vue marquent durablement les esprits. Le jeu des chanteurs-acteurs est toujours sobre. Il y a comme une certaine distanciation en permanence qui évite toute émotion trop forte. L’intelligence, les symboles sont lisibles et le contexte historique de la Révolution Française est présent.
Au Capitole, de beaux Dialogues … mais un peu froids
Mais il y une distanciation très contemporaine avec le tragique des faits historiques qui nuit à l’émotion forte de certaines scènes. Les faits historiques sont exposés et compris mais non vécus. Il faut dire que la présence du Chœur dans les loges de part et d’autre de la scène ou dans le côté du théâtre avec une présence très forte en habits contemporains, a minoré l’impact émotionnel de la sublime scène finale. En effet le bourdon trop présent a couvert le dénuement qui gagne le chant des moniales au fur et à mesure que la guillotine s’active. Même la scène de la mort de la prieure dans un habile dispositif, a gardé comme une distance avec l’ émotion.
Pourtant l’engagement des chanteurs a été notable. En particulier la jeune Anaïs Constans qui est une Blanche de la Force impressionnante de présence tant vocale que scénique. En Mère, Marie, Anaïk Morel a su trouver la dureté du personnage avec une voix comme minérale. Janina Baechle est une première prieure plus humaine que certaines avec une mort presque trop polie. Catherine Hunold en nouvelle prieure sait de sa voix homogène mettre le moelleux nécessaire à la dimension maternelle du rôle. Jodie Devos incarne tant vocalement que scéniquement la force de vie du rôle de Constance avec beaucoup de naturel et de charme. C’est elle qui délivre le chant le plus porteur d’émotion, surtout durant le final.
Les hommes n’ont pas démérité sans s‘imposer particulièrement. Les petits rôles sortis du Chœur ont tous été excellents, tout particulièrement Catherine Alcoverro très émouvante en Jeanne.
L’orchestre du Capitole a été parfait. Les nuances ont été parfois un peu trop présentes sans mettre en danger les chanteurs. Jean-François Verdier développe la dimension symphonique de la partition. Lui aussi en accord avec la mise en scène appuie la clarté du discours, la perfection formelle des équilibres sonores. Mais cette élégance, comme celle de la mise en scène nous a semblé manquer d’émotion.
Ces dialogues ont donc été bien accueillis par le public, mais sans beaucoup d’yeux humides…
COMPTE-RENDU, opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole , le 26 Novembre 2019. Françis Poulenc (1899-1963) : Dialogue des Carmélites. Opéra en trois actes et douze tableaux ; Texte de la pièce de Georges Bernanos, adapté avec l’autorisation d’Emmet Lavery ; D’après une nouvelle de Gertrud von Le Fort (La Dernière à l’échafaud) et un scénario du Rév. Raymond Leopold Bruckberger et de Philippe Agostini ; Édité par CASA RICORDI MILANO ; Création le 26 janvier 1957 au Teatro alla Scala de Milan. Coproduction Théâtre des Champs Elysées et du Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles. Olivier Py : mise en scène ; Pierre-André Weitz : décors et costumes ; Bertrand Killy : lumières Avec : Anaïs Constans, Blanche de la Force ; Anaïk Morel, Mère Marie de l’Incarnation ; Janina Baechle, Madame de Croissy, première Prieure ; Catherine Hunold, Madame Lidoine, nouvelle Prieure ; Jodie Devos, Constance de Saint-Denis ; Jean-François Lapointe, Le Marquis de la Force ; Thomas Bettinger, Le Chevalier de la Force ; Vincent Ordonneau, L’Aumônier ; Jérôme Boutillier, Le Geôlier / Thierry / Monsieur Javelinot ; Chœur du Capitole, Alfonso Caiani direction ; Orchestre national du Capitole ; Jean-François Verdier direction.
Photos © Patrice Nin