J’accuse, un film de Roman Polanski
Malgré les affaires qui s’accumulent sur son chemin, Roman Polanski sort aujourd’hui son dernier opus et nous livre magistralement l’un des plus insupportables scandales d’état français.
Cour de l’Ecole militaire, Paris le 5 janvier 1895. C’est là que le capitaine Dreyfus va être dégradé publiquement. Son tort : être traître à son pays en ayant communiqué des informations à l’Allemagne. Condamné au bagne sur l’Île du Diable au large de Cayenne. Normal. Dans l’assistance, impassible, le lieutenant-colonel Picquart. Peu de temps après, ce dernier est nommé à la tête du Renseignement français, sorte de placard poussiéreux à peu près inutile.
Mais voilà, Picquart est un homme qui a le sens du devoir bien fait. Et le voilà reprenant quelques dossiers dont celui de l’affaire Dreyfus car il se doute un peu que sous ces tonnes de poussière doivent bien se cacher quelques vérités soigneusement dissimulées. Bingo ! Le traître en question qui fait les cent pas au large de Cayenne n’est pas le coupable. Accumulant les preuves, Picquart finit par soulever un lièvre qui pourrait lui coûter la vie. Malgré une hiérarchie qui le somme d’arrêter là, Picquart continue ses investigations. Composé des vieilles badernes qui déjà nous ont valu Sedan et qui bientôt enverront des millions de jeunes français mourir dans l’enfer des tranchées, l’Etat-Major essaie d’étouffer l’affaire afin de sauvegarder son statut mais aussi « l’honneur » de la Grande muette. Et puis, après tout, Dreyfus est juif et dans cette France antisémite jusqu’à la racine des cheveux, où est le problème ? C’est compter sans la pugnacité de Picquart et l’arrivée dans l’histoire d’un écrivain, Emile Zola. C’est lui qui va publier dans L’Aurore les 13 janvier 1898, sous la dictée du jeune officier, ces pages qui entreront dans l’Histoire. La suite, nous la connaissons tous.
Dans une reconstitution d’une exemplaire précision et entouré de la fine fleur des comédiens français (Jean Dujardin, Louis Garrel, Grégory Gadebois, Melvil Poupaud, Didier Sandre, Michel Vuillermoz, Vincent Pérez et bien d’autres), Roman Polanski signe ici un film parfaitement abouti, quasiment exemplaire sur le sens du devoir, qui n’est pas sans faire, hélas, et sur bien des points, écho à notre temps.
J’accuse – Réalisation : Roman Polanski – Avec : Jean Dujardin, Louis Garrel, Grégory Gadebois…
Roman Polanski – Malgré les affaires…
Né à Paris, ce rescapé du ghetto de Varsovie, où il a passé toute son enfance, réalise son premier long en 1962, il a alors 29 ans. C’est le début d’une immense carrière internationale multi-récompensée au plus haut niveau (Berlin, Venise, Cannes…). Mais les « affaires » débutent dès 1977 avec une condamnation pour viol d’une adolescente qui l’amène à fuir les Etats Unis. Alors ne fait que commencer un chassé-croisé judiciaire américano-européen qui ne l’empêche pas de continuer à tourner. Et il faut bien reconnaître, au vu du film sous rubrique, la pertinence de sa démarche artistique. Pour le reste, la justice suit son cours. Selon la formule.