Dans le cadre du Cycle Grands Interprètes, Marc Minkowski et ses Musiciens du Louvre sont de retour à la Halle aux Grains, le lundi 2 décembre, à 20 h. Ils donneront, en version concert, l’opéra Ariodante de G.F. Hændel avec une très belle distribution vocale.
Distribution dans laquelle on remarque, entre autres, dans le rôle-titre, autrefois dévolu aux castrats, la jeune mezzo-soprano, native de Béziers, Marianne Crebassa, et le contreténor ukrainien Yuriy Menenko, assez sensationnel Acis dans le Polifemo de Porpora récemment, tout autant que dans le rôle de Lel dans Snegourotchka de Rimski-Korsakov à Opéra-Bastille. Il est Polinesso, le duc qui veut à tout prix accrocher à son tableau de chasse Ginevra. Il est donc le méchant, prêt à tuer pour assouvir son désir.
Nouvelle recrue, la soprano Ana Maria Labin qui chante Ginevra, amoureuse d’Ariodante et qui lui est promise par son père, le roi d’Écosse, la basse James Platt. Ginevra va être abusée par sa suivante, l’incrédule Dalinda chantée par Caroline Jestædt, amoureuse du peu recommandable Polinesso. Il y a aussi le ténor Valerio Contaldo dans le rôle de Lurcanio, frère d’Ariodante, qu’il sauve du suicide, et amoureux transi de Dalinda qui va enfin le remarquer. Un second ténor, Paco Garcia est le favori-confident du roi.
Enième ouvrage de George Frideric Hændel, l’écriture de cet opéra est commencé pendant l’automne 1734 et sa création le 8 janvier 1735 au Royal Théâtre de Covent Garden. Il marque une évolution certaine dans le style du compositeur. Les circonstances l’y obligent avec changement de salle et de protecteur, le contrat avec le King’s Theatre touchant à sa fin. Elles l’amènent à refondre le modèle de ses opéras à l’italienne et à s’assurer le concours de nouvelles voix. Stimulé par de nouveaux engagements, il va produire alors un nombre d’œuvres effarant. À ces voix nouvelles, avec Ariodante, Haendel va offrir une suite de récitatifs et d’airs les plus étourdissants les que les autres, d’une virtuosité et une variété parfois exubérantes, sans parler des duos. Le rôle-titre est écrit pour un chanteur hors limite, le castrat mezzo-soprano Giovanni Carestini dit Il Cusanino, en lutte contre la star de la salle adverse, le prodigieux Farinelli.
Le livret s’inspire de Ginevra, princesse de Scozia de Giacomo Perti, lui-même tiré du Orlando furioso de l’Arioste, cette vaste épopée de chevalerie médiévale, source de tant et tant d’opéras. Si on compare Ariodante avec certains ouvrages précédents, on remarque une intrigue plus simple et moins pompeuse, sans événements secondaires qui encombrent l’action principale et vous font perdre le fil avec facilité. Haendel procède implacablement de situation en situation jusqu’à l’heureux dénouement. Il y a comme un désir de fraîcheur, de spontanéité qui apparaît tout au long de cette histoire d’amour qui se déroule en plein air et en habits de fête. Moins de récitatifs, plus d’airs et d’ensembles, l’ouvrage serait-il presque parfait ?
Six personnages principaux, tous amoureux sur des modes différents, chantent plusieurs airs de types divers, répartis sur trois actes. Les chanteurs ont tout loisir d’ajouter des traits, des ornements, des vocalises, des notes soutenues, se servant de la musique comme d’une trame. On remarquera que l’orchestration à proprement parler est réduite. Mais les spécialistes vous diront qu’Haendel trouve toujours le moyen d’amener un certain angle de modernité à son propos, jouissant d’une faculté exceptionnelle d’adaptation, modifiant même l’attribution de telle ou telle mesure en fonction des musiciens et donc, des instruments disponibles.
Synopsis : Ginevra est fiancée à Ariodante avec la bénédiction de son père, le roi d’Écosse. Mais, et il faut bien un « mais », Polinesso, duc d’Albany est déterminé à posséder Ginevra qui le repousse. Il va jouer de l’amour que lui porte la suivante Dalinda pour monter un stratagème et abuser Ginevra, en même temps que son amoureux éperdu, Ariodante. C’est ainsi que la veille des noces, il persuade la tendre et crédule Dalinda de s’affubler des habits de sa maîtresse. Elle apparaîtra sous le balcon, la nuit, et fera quelques roucoulades à Polinesso, fort malignement accompagné d’Ariodante qui “gobe “ le quiproquo. Ce dernier est désespéré et songe au suicide. Ginevra va apprendre la fausse nouvelle de la mort d’Ariodante tandis que le roi d’Ecosse mis au courant va répudier sa fille pour impudicité. Mais il y a un témoin de trop, Dalinda, instrument involontaire de la tragédie. Celle-ci est poursuivie par les sbires de l’odieux Polinesso qui doivent la supprimer, mais elle est sauvée par Ariodante qui rôde autour du palais. L’intrigante lui raconte tout et il jure de se venger de Polinesso. C’est au cours d’un tournoi que Lurcanio, frère d’Ariodante, et amoureux transi de la suivante suivante, va tuer Polinesso. Tout finira bien. Le digne et chaleureux roi, mis au courant des turpitudes du Duc pardonne à sa fille et à Dalinda qui regarde maintenant d’un œil plus favorable, le valeureux Lurciano.
La version concert nous privera du spectaculaire ballet des Songes qui clôture le second acte. On ne peut pas tout avoir !!
À propos du compositeur :
Il est rare, dans l’histoire de la musique, de trouver un compositeur qui fut, comme Haendel, aussi populaire auprès de ses contemporains qu’aux yeux de la postérité. Dès ses débuts, cet homme plein d’énergie, de compassion et d’humour, fut remarqué par tous : en Allemagne par la Cour et par ses professeurs, en Italie où il remporta ses premiers succès dans l’opéra, et enfin en Angleterre où il devint rapidement « the great and good Mr Haendel ». Il sera le premier grand musicien à vivre confortablement de son art durant une vie, relativement longue – soixante-seize ans -, jalonnée de succès. Il meurt en 1759 après un désastre d’intervention chirurgicale suite à une cataracte.
Contrairement à Vivaldi, qui mourut, oublié, en 1741, à Rameau dont la réputation ne grandit que lentement, à Bach qui attendit presque un siècle pour que son génie soit reconnu, Haendel fut acclamé sur les scènes internationales bien avant sa disparition, et sa renommée ne s’éclipsa jamais même si bon nombre de ses partitions se firent longtemps extrêmement discrètes. Pour ce théâtre lyrique “haendélien“, le XIXème siècle sera oublieux, le XXème résolument vengeur et ces dernières années résolument enthousiastes. Haendel est à nouveau sur toutes les scènes avec sa galerie mouvementée de personnages vigoureux, aux cœurs bouillants, au chant étoilé, aux passions ordonnées, aux désordres exquis, témoins d’un siècle qui ne plaçait que le divin au-dessus de la voix.
Pendant près de cinquante ans, il compose des œuvres appartenant à tous les genres : des opéras (quarante-deux dits italiens !), de la musique de chambre, des pièces pour petit et grand orchestre, ses célèbres concertos pour orgue, et enfin des oratorios, dont fait partie Le Messie, oeuvre grandiose, écrite en vingt-quatre jours, qui décidera de sa renommée internationale.
Brillant, infatigable à la tâche, humaniste à l’esprit indépendant, mais animé également d’une foi profonde, Georg Friedrich Haendel a su musicalement assimiler tous les styles et toutes les traditions de son temps, et les transformer en un style personnel, alliant le sérieux de l’Allemagne, la suavité mélodique de l’Italie et la grandeur française, auxquels il ajouta la vitalité et l’audace qui lui étaient propres. Un vrai caméléon aux dons musicaux hors du commun. Dans ses “emprunts“, à lui-même comme à son entourage, il montre à la fois son invention, sa curiosité musicale et sa capacité à se dépasser. Si un Rossini, sentant son heure passée, abandonnera toute écriture nouvelle d’opéra à tout juste la quarantaine, Haendel, lui, ira jusqu’au bout et négociera ses aptitudes en tenant compte de l’évolution des goûts du public. Il fut le premier à introduire les clarinettes dans l’orchestre, à utiliser les rythmes et les couleurs sonores des instruments pour soutenir les effets dramatiques et les émotions. Ses mélodies sont incomparables et ses arias sublimes, expressives, pathétiques, simples ou joyeuses. Il est capable d’exprimer la gaieté et la légèreté, comme la gravité la plus sombre, transcendant le langage musical par la profondeur poétique. Avec Haendel, des castrats eurent des heures de gloire telles qu’on ne peut les imaginer de nos jours. Toutes les pages interprétées durant cette soirée n’en seront que la démonstration la plus éclatante. La palette est éblouissante.
Marc Minkowski
Bassoniste de formation, Il aborde très vite la direction d’orchestre et fonde à l’âge de 19 ans Les Musiciens du Louvre, ensemble qui prend avec lui une part active au renouveau baroque, et avec lequel il défriche le répertoire français mais aussi Haendel, avant d’aborder Mozart, Rossini, Offenbach et Wagner. Les barrières du baroque sont franchies allègrement.
Actuellement, il est Directeur Général de l’Opéra National de Bordeaux depuis 2016. Il a fondé le Festival Ré Majeure en 2011. Il fut le Directeur artistique de la Mozartwoche de Salzbourg de 2013 à 2017. Il est aussi Conseiller artistique de l’Orchestre de Kanazawa (Japon).
Ses principaux projets de la saison 19/20 incluent des nouvelles productions – Les Contes d’Hoffmann à l’Opéra National de Bordeaux, Les Huguenots au Grand Théâtre de Genève, une première collaboration avec Bob Wilson – Le Messie à Salzburg, ainsi que la reprise de la Trilogie Mozart à l’Opéra National de Bordeaux.
En concert, il retrouve Les Musiciens du Louvre pour une tournée Ariodante de Handel, et dirige en Asie les orchestres de Kanazawa, le Tokyo Metropolitan Symphony Orchestra et le Seoul Philharmonic Orchestra.
Il a collaboré ces dernières années à l’opéra avec notamment des metteurs en scène réputés comme Laurent Pelly, Olivier Py, Dmitri Tcherniakov, Krzysztof Warlikowski, Bartabas, Sir Richard Eyre, Klaus Michael Grüber, Ivan Alexandre, Vincent Huguet.
Il est régulièrement à l’affiche à Paris : Platée, Idomeneo, La Flûte enchantée, Ariodante, Giulio Cesare, Iphigénie en Tauride, Mireille, Alceste (Opéra National de Paris) ; La Belle Hélène, La Grande-Duchesse de Gérolstein, Carmen, Les Fées (Théâtre du Châtelet) ; La Dame blanche, Pelléas et Mélisande, Cendrillon de Massenet, La Chauve-Souris de Strauss, Mârouf de Rabaub et Manon de Massenet (Opéra Comique). A l’Opéra National de Bordeaux, il dirige Pelléas et Mélisande, La Vie Parisienne, Il Barbiere di Siviglia et Manon.
De même qu’il est invité à diriger de nombreux orchestres symphoniques parmi les plus prestigieux, il est aussi invité pour la direction d’opéras dans les plus grandes maisons et festivals d’opéras dans le monde. Sans parler des concerts donnés pour des œuvres de musique sacrée qu’il affectionne d’autant.
Les Musiciens du Louvre
L’ensemble est fondé en 1982 et les musiciens jouent sur instruments d’époque.
La saison 2019-2020 fera la part belle à l’opéra. Marc Minkowski en dirigera trois : La Périchole (Offenbach), Ariodante (Handel) et Mitridate (Mozart). La musique sacrée sera aussi à l’honneur. Sous la baguette de Marc Minkowski, La Passion selon saint Jean (Bach) et Le Messie (Handel) partiront en tournées européennes tandis que Francesco Corti dirigera le Stabat Mater (Pergolesi) à Grenoble.
Parmi ses récents succès lyriques, on remarque : Le Bourgeois Gentilhomme (Montpellier, Versailles, Pau), Manon (Paris), Orfeo ed Euridice (Salzbourg, Paris, Grenoble), Les Contes d’Hoffmann (Baden-Baden, Brême), La Périchole (Bordeaux), Le Nozze di Figaro (Wien, Versailles), Don Giovanni (Versailles), Così fan tutte (Versailles), Alceste (Paris) ou Der fliegende Höllander de (Versailles, Grenoble, Wien).
Billetterie en ligne des Grands Interprètes
Les Grands Interprètes
Crédit photos : Marc Minkowski © Georges Gobet • Les Musiciens du Louvre © Benjamin Chelly • Ana Maria Labin © Tim Dunk • Caroline Jestaedt © Stefano Padoan • Paco Garcia © Florian Bouchier • Marianne Crebassa © Simon Fowler / Erato – WarnerClassics