524 livres ont vu le jour en cette nouvelle rentrée littéraire. Beaucoup diront certains, mais voilà surtout l’occasion de trouver le roman qui vous fera frissonner.
Le mystère de la forêt
Monica Sabolo campe son histoire aux abords d’une forêt bien étrange. Des monstres la peuplent et des catastrophes s’y déroulent. Non, ce n’est pas un thriller, mais un roman envoûtant qu’on ne lâche pas une seule seconde. Nita vit dans une sorte de réserve depuis son enfance, elle observe Lucy qui vient de s’installer près de chez elle avec son père. Lucy n’a pas peur de la forêt, contrairement à Nita qui la tient pour responsable de la disparition de son père. Mais Lucy ne sait pas le danger qui la guette. Elle est retrouvée nue et mutique dans les sous-bois, dès lors, la vie change pour Nita et les habitants de la réserve.
Monica Sabolo signe le roman le plus troublant de la rentrée. A la frontière entre réalité et fantastique, entre enfance et monde adulte, entre douceur et violence. Le livre captive par son atmosphère énigmatique et son style d’écriture d’une esthétique absolue. Un vrai coup de cœur pour ce roman envoûtant !
Monica Sabolo, Eden, Gallimard, 288 p.
Portrait d’une enfance rebelle
Restons dans le monde de l’adolescence avec le dernier roman de Kaouther Adimi qui confirme son talent de conteuse. Les petits de Décembre, c’est l’histoire d’Inès, de Jamyl et de Madhi. C’est surtout l’histoire d’un terrain vague dans une cité algérienne. Un lopin de terre, à priori sans importance, mais qui devient sujet de lutte. Pour les jeunes, c’est un repère, le seul, ils y jouent au foot ou ils y traînent en refaisant le monde. Jusqu’au jour où deux généraux décrètent que cet espace abandonné serait parfait pour construire leur maison. Consternation, colère. Les habitants sont indignés, ils rechignent, mais quasi aucun adulte n’agit. Ce seront alors les jeunes, portés par le trio d’amis, qui vont mettre en place une résistance.
Kaouther Adimi montre la solidarité, la lutte de toute une génération prête à faire entendre sa voix. Une génération qui met en lumière les incohérences des puissants, leurs abus et les pouvoirs qu’ils s’octroient. Un texte émouvant et poignant qui regarde toutes les réalités en face. Après Nos Richesses, Kaouther Adimi ne cesse de surprendre. Une jeune auteur à suivre, sans modération !
Kaouther Adimi, Les petits de Décembre, Seuil, 256 p.
« L’enfer, c’est les autres »
Cécile Coulon ne contredit pas cette maxime avec son dernier roman, Une bête au Paradis. Emilienne élève seule ses petits-enfants, Blanche et Gabriel. Leurs parents sont morts dans un accident de voiture. Dès lors, un destin ombrageux semble s’acharner sur la ferme familiale. Dans cette famille de peu de mots, seule la terre compte. Celle qui ancre, rassure, emprisonne aussi. Blanche grandit, découvre la vie hors de la ferme, tombe amoureuse d’Alexandre et, soudain, l’histoire se referme sur elle. Alexandre décide de partir, Blanche sait qu’elle ne pourra jamais quitter le Paradis. La rupture est inévitable. Pour Blanche c’est une rupture dans tous les sens du terme. Son existence se morcelle et Blanche s’enferme dans le quotidien. Jusqu’au retour d’Alexandre et l’espoir de reprendre l’histoire là où elle s’est fissurée. Mais Blanche n’est pas au bout de ses peines…
Le huis clos que met en scène Cécile Coulon est passionnant, dérangeant, on pressant la fausse note, le chaos à venir et pourtant la lecture se poursuit dans l’angoisse de cette chute et la curiosité de découvrir jusqu’où va la noirceur des personnages. Une fois le livre ouvert, il est difficile de quitter ce Paradis.
Cécile Coulon, Une bête au Paradis, Ed. de L’iconoclaste, 352 p.
La pépite réjouissante de Julia Deck
Rêvez-vous d’une petite maison de banlieue, d’un quartier résidentiel ou de devenir un propriétaire responsable et respectable ? Eh bien, ne lisez pas le dernier roman de Julia Deck. Ou si, à la réflexion, lisez-le attentivement pour découvrir ce qui pourrait vous attendre. Un couple de citadins avait tout prévu pour s’assurer une vie paisible loin de la ville et de l’agitation. Ils ne savaient pas encore à quel point ils étaient sur le point de faire l’erreur de leur vie. Rien ne se passe comme prévu. La cause principale : les voisins. Des voisins envahissants, bruyants, sans gêne. La vie en collectif s’avère de plus en plus compliqué, impossible à vivre. Adieu la vision paradisiaque d’un avenir doux !
Le roman est drôle, authentique, cynique. Absolument la meilleure comédie romanesque de la rentrée !
Julia Deck, Propriété privé, Les Editions de Minuit, 176 p.
Et Dieu créa….Amélie Nothomb
Audacieux, philosophique et absolument humain, voilà les premiers adjectifs qui viennent à l’esprit après la lecture de Soif. Le dernier opus d’Amélie Nothomb est une vraie réussite. Une prouesse ! Un roman qui revient sur la crucifixion de Jésus, il fallait oser ! D’autres ont déjà évoqué la vie du Christ, dira-t-on, mais rendre Jésus aussi humain, aussi proche de nous, il fallait du talent et une plume parfaitement ciselée pour que cela paraissent réel. Un défi hautement relevé par Amélie Nothomb qui n’a plus a prouvé son talent et son originalité. Le résultat est bluffant, délicieux.
Impossible de lâcher le roman, il fait réfléchir, il émeut et, surtout, il secoue. Alors, à ceux qui crieraient au sacrilège, il ne manquerait plus que de reprocher à la littérature d’ouvrir le monde des possibles.
Amélie Nothomb, Soif, Albin Michel, 162 p.
Côté littérature étrangère…
Les deux coups de cœur de cette rentrée littéraire au rayon littérature étrangère partagent un point commun : l’évocation de sujets extrêmement difficiles. D’un côté, la perte d’un enfant, de l’autre, les jeunes filles enlevées par Boko Harem.
Rester debout
Dans La douceur de nos champs de bataille, Yiyun Li revient sur le drame de sa vie : le suicide de son fils. Comment raconter l’inimaginable ? Yiyun a trouvé la réponse en poursuivant, dans ce livre, le dialogue qu’elle entretenait avec son fils. Un dialogue, certes imaginaire, mais qui paraît réel tant il retranscrit les émotions encore vivantes, la verve des deux protagonistes, leurs émotions et encore mieux leur humour et leur tranchant. Si bien qu’au fil des pages on oublie le postulat initial, ce drame sensé briser le dialogue. Les mots rendent vivant le disparu, lui redonne une place.
On imagine le courage, la force d’esprit et le talent qu’il fallait pour réussir ce roman et en faire une leçon d’amour universelle.
Yiyun Li, La douceur de nos champs de bataille, Belfond, 160 p.
Destins brisées
Après une longue inspiration, il est possible d’ouvrir ce roman dont le thème peut effrayer. Il est question de guerre, de terrorisme, de djihadistes, mais aussi d’histoires intimes. Celles de jeunes filles enlevées par les troupes de Boko Haram. Kidnappées, séquestrées, violées, les jeunes filles innocentes des premières lignes deviennent aussitôt des victimes, des proies d’une barbarie sans nom. Alors oui, il faut tenir le coup et poursuivre la lecture, car la plume d’Edna O’Brien réussit à trouver de la grâce même dans le pire du pire. Une grâce portée par la pulsion de vie de Maryam. Jeune fille prisonnière qui s’échappera dès qu’elle le pourra, avec une amie et son bébé né dans le bush. Maryam veut vivre, oublier, retrouver les siens. De cette détermination, naît une force qui laisse bouche bée, admiratif. Pourtant Maryam n’a pas fini de souffrir, d’être trahie, déçue, déchirée et ce même par son clan qui ne la regardera plus jamais pareil.
L’histoire d’un combat épatant comme il est rare d’en lire. Edna O’Brien signe une histoire bouleversante qui ne laisse pas une seule seconde insensible.
Edna O’Brien, Girl, Sabine Wespieser, 256 p.
Quelques rendez-vous du mois…
10/10 – Michel Quint, dans le cadre de « Polars du Sud », Privat, 17h30. 11/10 – Alex Marzano-Lesnevich, L’empreinte (Prix Elle 2019), dans le cadre de «Polars du Sud», L’Autre Rive, 19h. 11 au 13/10 – Festival « Polars du Sud », Programme ici. 17/10 – Jim Fergus, les Amazones, Cherche Midi. Ombres Blanches, 18h. 18/10 – Yves Ravey, Pas dupe, Minuit. Ombres Blanches, 17h. 18/10 – Joffrine Donnadieu, Une histoire de France, Gallimard, Privat, 17h. 22/10 – Jane Birkin, Post-scriptum 1982-2013, Fayard. Ombres Blanches, 20h. 25/10 – Beata Umubyeyi – Tous tes enfants dispersés, Autrement, Privat, 17h. 26/10 – Mathieu Arnal – Ces Toulousains qui ont fait l’histoire, Papillon Rouge Éditeur, Ombres Blanches, 17h. |
Photo : Amélie Nothomb © Jean-Baptiste Mondino.