La nouvelle saison lyrique du Théâtre du Capitole affiche à Toulouse neuf opéras, dont cinq nouvelles productions et une création.
Traversée par diverses figures de l’innocence, mais aussi par la question de la culpabilité, la deuxième saison lyrique conçue à Toulouse par Christophe Ghristi pour le Théâtre du Capitole met à l’affiche neuf opéras, dont cinq nouvelles productions et une création mondiale. Elle s’ouvre avec « Norma », de Vincenzo Bellini, ouvrage absent de cette scène depuis quarante ans. Il sera dirigé par Giampaolo Bisanti, directeur musical de l’opéra de Bari. Dans l’une des deux distributions, on retrouvera Karine Deshayes aux côtés de la soprano lettone Marina Rebeka en grande prêtresse Norma, rôle exigeant des qualités vocales extraordinaires et plurielles. Si l’ouvrage est doté d’une partition élégiaque et ornée à la manière belcantiste, s’y insèrent également de puissantes phrases déclamatoires aux allures déjà romantiques. Créé en 1831, à Milan, le livret de Felice Romani est l’adaptation de la tragédie d’Alexandre Soumet, « Norma ou l’infanticide », représenté pour la première fois cette même année à Paris, au Théâtre de l’Odéon. L’action débute par une nuit de pleine lune, dans une forêt de la Gaule occupée, vers l’an 50 avant notre ère. Cette nouvelle production a été confiée à Anne Delbée, qui réalisera alors sa première mise en scène lyrique.
En clôture de saison, le « Mefistofele » d’Arrigo Boito sera pour la première fois représenté au Capitole, sous la direction du jeune chef italien Francesco Angelico – directeur de l’opéra de Kassel – qui fera ses débuts en France. Considéré comme le premier grand opéra européen, il a été créé en 1868, à la Scala de Milan, sur un livret du compositeur utilisant des scènes puisées dans les deux « Faust » de Goethe. Opéra grandiose et fascinant, il emploie des chœurs démesurés et fut qualifié par Giuseppe Verdi d’«ouvrage curieux d’un homme qui cherche à être original». Mise en scène par Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies d’Orange, cette production invite la basse française Nicolas Courjal pour interpréter le rôle-titre, aux côtés du sublime ténor français Jean-François Borras (Faust), de la soprano italienne Chiara Isotton (Margherita) et de la mezzo-soprano française Béatrice Uria-Monzon (Elena).
« L’Elisir d’Amore », de Gaetano Donizetti, revient dans une reprise hivernale de la production conçue en 2001 par Arnaud Bernard. Créé avec succès à Milan, en 1832, cet ouvrage s’appuie sur un livret de Felice Romani, inspiré de celui qu’écrivit Eugène Scribe l’année précédente pour « le Philtre », opéra de Daniel François Esprit Auber. Cette comédie tendre est située dans un village basque, à la fin du XVIIIe siècle, où le sergent Belcore et le timide Nemorino se disputent le cœur de la capricieuse fermière Adina. Écrite en quatorze jours, la partition de Donizetti dépasse la truculence des situations et l’efficacité comique pour tisser un harmonieux mélange de farce et de teintes sentimentales. Sous la direction du jeune chef italien Sesto Quatrini, on appréciera dans l’une des deux distributions le ténor géorgien Otar Jorjikia et la Française Vannina Santoni – déjà remarquée à Toulouse dans « Hänsel und Gretel », notamment.
En décembre, à la tête de son ensemble I Gemelli, le ténor Emiliano Gonzalez Toro chantera le rôle-titre de « l’Orfeo », de Claudio Monteverdi, lors de deux concerts bénéficiant d’une mise en espace. Considéré comme le premier grand opéra de l’histoire de la musique, cet ouvrage a été créé en 1607, sur un livret d’Alessandro Striggio, conseiller du duc de Mantoue, commanditaire de l’œuvre. Fable en musique («favola in musica», selon les termes de Monteverdi), « l’Orfeo » nare le voyage du poète Orphée jusqu’aux Enfers pour y retrouver sa promise Euridice que les dieux lui ont enlevée par jalousie.
Le répertoire baroque fait aussi son grand retour sur la scène du Capitole avec un événement printanier très attendu: après un demi-siècle d’absence, la bien naïve grenouille « Platée », de Jean-Philippe Rameau, coassera dans une nouvelle production (avec l’Opéra royal de Versailles) confiée à Corinne et Gilles Benizio, avec la participation du Ballet du Capitole, sur une chorégraphie de Kader Belarbi. Faisant suite aux succès de « la Belle au bois dormant » de Louis-Ferdinand Hérold, à Besançon, « la Belle Hélène » de Jacques Offenbach et « King Arthur » de Henry Purcell, à l’opéra de Montpellier, et « Don Quichotte chez la Duchesse » de Joseph Bodin de Boismortier, à l’Opéra royal de Versailles, ce sera la cinquième collaboration de Shirley et Dino avec l’inénarrable Hervé Niquet, lequel se prête toujours sans retenue à la fantaisie débridée du duo, tout en dirigeant son ensemble Le Concert Spirituel. Créée en 1745, à Versailles, à l’occasion du mariage du Dauphin et de l’infante Maria Teresa d’Espagne, cette œuvre hors du commun est désignée comme une «comédie-ballet» par la partition. Elle repose sur un livret d’Adrien-Joseph Le Valois d’Orville tiré de la pièce « Platée ou Junon jalouse », de Jacques Autreau qui s’était inspirée de l’œuvre de l’historien grec Pausanias. On y suit les aventures insensées de la nymphe Platée, irrésistible de laideur mais persuadée que le Dieu Jupiter est amoureux d’elle et veut l’épouser. La mécanique comique mordante et l’invention musicale foisonnante font de chaque scène un mélange iconoclaste d’airs, de chœurs et de danses qui irriguent une intrigue truffée de rôles et de péripéties secondaires.
L’autre événement de cette saison est la venue, à l’automne, d’une production des « Dialogues des Carmélites », de Francis Poulenc, créée en 2013 au Théâtre des Champs-Élysées et signée Olivier Py – probablement sa meilleure mise en scène lyrique (photo). Basé sur une histoire vraie au temps de la Terreur, le chef-d’œuvre de Francis Poulenc, également auteur du livret, est l’adaptation une pièce de Georges Bernanos qui s’inspire d’une nouvelle de Gertrud von Le Fort. Cette évocation profonde et bouleversante du martyre de religieuses condamnées à mort par la Révolution française connut un immense succès lors de sa création à La Scala de Milan, en 1957. Poulenc, à la fois homme profondément «religieux» et compositeur «moderne», a su rendre dans ces « Dialogues » l’enjeu historique de la foi et du mystère sans en nier les tourments de l’âme et de la chair dans lesquels se mêlent orgueil et humilité, folie et réflexion, peur et don de soi. Sous la direction de Jean-François Verdier, seront réunies au Théâtre du Capitole de jeunes et talentueuses voix, pour certaines déjà appréciées sur cette scène: Anaïs Constans (« Carmen »), Anaïk Morel (« Ariane à Naxos »), Catherine Hunold (« Ariane à Naxos »), Jodie Devos, etc.
Au même moment, on assistera à la création mondiale de « l’Annonce faite à Marie », de Marc Bleuse, d’après la pièce de Paul Claudel, dans une mise en scène de Jean-François Gardeil – également auteur du livret. Fils du compositeur, Pierre Bleuse dirigera à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines Les Sacqueboutiers, ensemble de cuivres anciens de Toulouse, le Quatuor Béla et le chœur Antiphona, parmi les interprètes de cette commande du Théâtre du Capitole.
Le Toulousain Aurélien Bory mettra en scène cet hiver une nouvelle production de « Parsifal », «festival scénique sacré» (Bühnenweihfestspiel) créé à Bayreuth, en 1882. Auteur du livret, d’après l’épopée médiévale « Parzival » de Wolfram von Eschenbach qui narre la légende de Perceval et du Saint‑Graal, Richard Wagner parachève dans cet ouvrage monumental sa réflexion sur le combat entre le bien et le mal. Entre paganisme et christianisme, la partition teintée d’ésotérisme, de références bouddhistes et chrétiennes, est porteuse d’un message universel mais quelque peu mystérieux. Traçant un chemin qui ouvre vers la Rédemption, à la faveur de rencontres et d’épreuves auprès d’une communauté de chevaliers en perdition ou dans le royaume de Klingsor et de ses Filles-Fleurs, la figure de Parsifal évolue de l’innocence à la compréhension de l’Incompréhensible. Dans son voyage, le jeune homme «innocent au cœur pur» croise la troublante et enchanteresse Kundry, à la fois baume et poison, union des extrêmes, grâce à laquelle il prend conscience de lui-même et de sa mission. Au centre d’une prometteuse distribution, on annonce les retours du ténor autrichien Nikolai Schukoff (« Tiefland ») dans le rôle-titre et de Sophie Koch (« Ariane et Barbe-Bleue ») dans celui de Kundry, servante du Graal. On attend également la basse anglaise Peter Rose, pour interpréter le chevalier Gurnemanz, et le baryton allemand Matthias Goerne, sous les traits du roi Amfortas. Directeur musical de l’Opéra de Chemnitz, Frank Beermann fera à cette occasion ses débuts dans la fosse du Théâtre du Capitole.
Directeur musical du Volkstheater de Rostock, Florian Krumpöck dirigera au printemps le drame rural de Leoš Janáček « Jenůfa », à l’occasion de la reprise de la mise en scène de Nicolas Joel. Créé à Brno en 1904, c’est le premier des trois opéras du compositeur à être représenté sur scène. Pour le livret, dont il est également l’auteur, il s’inspire de la pièce « Její pastorkyňa » (1890), de Gabriela Preissová. L’action de déroule dans un petit village de la Moravie du XIXe siècle, où la belle Jenůfa est enceinte de Števa, séducteur qui la rejettera lorsqu’elle se retrouvera défigurée par son amoureux éconduit. Accablée par le poids des pressions sociales et familiales, l’héroïne doit alors subir de terribles épreuves. Marie-Adeline Henry interprètera le rôle-titre aux côtés de la soprano allemande Angela Denoke dans celui de la belle-mère, la sacristine coupable d’infanticide. Portant sur son héroïne un regard de tendresse infinie, le compositeur dépasse l’anecdote du fait divers pour donner à son œuvre la dimension universelle d’une tragédie lyrique. Attaché à sa terre morave, le musicien puise dans le chant populaire et le folklore pour élaborer une fascinante mélodie langagière qui fait entendre le rythme des saisons. Très théâtral, cet opéra est aussi une ode à la femme en quête de liberté.
Après une nouvelle édition du Concours international de chant dès le début de la saison, de nombreux récitals sont programmés, parmi lesquels ceux des sopranos Soile Isokoski, Jessica Pratt, Annick Massis et Elsa Dreisig, des ténors Michael Spyres et Cyrille Dubois, du baryton Ludovic Tézier, etc. Plusieurs concerts sont au programme, en particulier la création mondiale d’un nouveau cycle de mélodies signé Bruno Mantovani, composé sur les mots du poète français de la Renaissance Étienne Jodelle pour la soprano Catherine Hunold. Ensemble de cuivres anciens de Toulouse, Les Sacqueboutiers proposera une série de trois concerts, dont l’un sera dirigé par Jordi Savall avec les membres de son ensemble Hespèrion XXI et la Capella Reial de Catalunya. Pour honorer le style français auquel il se consacre sans relâche, Michel Plasson dirigera les jeunes musiciens issus de l’Académie internationale de musique française qu’il a fondée en 2014. Enfin, le Chœur du Capitole célèbrera le centième anniversaire de Jacques Offenbach en première partie de son traditionnel concert de Noël.
Billetterie en Ligne du Théâtre du Capitole
Concours international de chant de Toulouse :
demi-finale, jeudi 5 septembre, 14h00 (entrée libre) ;
finale, samedi 7 septembre, 20h00.