So Long, My Son un film de Wang Xiaoshuai
Le cinéaste chinois nous convie, au travers d’un drame familial, à scruter près d’un demi-siècle d’histoire de l’Empire du Milieu. Bouleversant.
Début des années 80 du siècle dernier. En Chine, la politique de l’enfant unique bat son plein, avec les dérives catastrophiques aujourd’hui mises à jour : baisse drastique du taux de fécondité, stérilisations et avortements forcés, abandons de bébés en particulier de sexe féminin, enfants cachés, lourdes amendes, infanticides, déséquilibre garçon/fille dans la population chinoise, trafic d’êtres humains…
Yaojun et Liyun ont le bonheur d’avoir un petit garçon. Bonheur de courte durée car le gamin va se noyer dans des circonstances qui seront révélées in fine. Pour l’heure ce jeune couple est atterré. Wang Xiaoshuai commence alors à nous promener dans un ballet spatio-temporel fait d’ellipses et de flashbacks au cours duquel le temps va s’étirer puis se contracter. Nous allons être témoins des profonds bouleversements sociaux, culturels et politiques de ce pays, toujours par le prisme de ce couple et de leurs amis. Un jeune garçon va apparaître dans leur univers, un jeune garçon que l’on aura de la difficulté à cerner. Qui est-il vraiment ? Un fils de substitution ? Certes il porte le prénom de leur fils défunt, mais… Ce n’est peut-être pas le plus important. Le plus fondamental est certainement le regard que portent Yaojun et Liyun sur ce jeune homme assoiffé de liberté et de culture occidentale tout en restant pétri des traditions qui l’ont vu naître. L’abrogation de cette politique de l’enfant unique va faire surgir des remords inextinguibles chez ses thuriféraires. Il y avait là matière à une fresque tragique. Le réalisateur opte pour un mélodrame dans lequel l’intime se conjugue avec l’universel de ce pays, un mélodrame empreint d’une profonde douceur. Il faut être un vrai génie pour, de cette manière, nous parler de carcans politiques, de fracture sociale, de révolution culturelle et, en même temps, de travail de deuil, de résilience, d’empathie, de pardon enfin. Porté par deux acteurs récompensés à juste titre par un Ours d’Argent à Berlin cette année : Wang Jing-chun (Yaojun) et Yong Mei (Liyun), ce film d’une poignante intensité, traversé de fulgurantes émotions, ne vous lâche pas pendant plus de trois heures que, je vous l’assure, vous ne compterez pas. C’est ça le talent !
Robert Pénavayre
So Long, My Son – Réalisateur : Wang Xiaoshai – Avec : Yong Mei, Wang Jing-chun…
Wang Xiaoshuai – Le cinéaste rebelle
Ce diplômé de l’Académie du cinéma de Pékin réalise son premier long en 1993. Il a 27 ans ! Salué par la critique occidentale, ce film déplaît souverainement au Régime chinois qui fait derechef de cet artiste sa bête noire. Entre censures et interdictions, la filmographie de Xiaoshuai a de la peine à survivre. Heureusement récompensé au plan international (Berlin, Cannes…), ce réalisateur a fini par s’imposer au sein du gotha planétaire du 7è art.