La Cinémathèque de Toulouse consacre une rétrospective de seize films à Spike Lee.
Seize films de Spike Lee sont au programme d’une rétrospective à l’affiche de la Cinémathèque de Toulouse, pour une immersion dans l’œuvre du premier cinéaste noir à avoir construit une carrière d’envergure aux États-Unis. Également scénariste, producteur, mais aussi acteur dans ses propres films, Spike Lee s’est installé durablement dans le paysage cinématographique mondial depuis le succès de « Nola Darling n’en fait qu’à sa tête », réalisé en 1986, après la fin de ses études à la Tisch School of the Arts de New York. D’une grande liberté de style et de ton, ce récit des amours libres d’une jeune Noire fait à la fois preuve d’humour et d’un sens aigu de la critique sociale.
Serge Kaganski rappelle que c’est alors «la première fois qu’un cinéaste noir filme de l’intérieur les préoccupations de la jeunesse noire américaine. Le film crée un effet de surgissement, comme si d’un seul coup se dévoilait au regard du grand public international tout un pan de la société américaine jusque-là maintenu dans les marges de la représentation cinématographique. Spike Lee est tellement conscient de ce déficit historique de représentation qu’il n’aura de cesse de vouloir le compenser frénétiquement, de filmer avec l’obsession de “rattraper le retard”, notamment durant la première partie de sa carrière.»(1)
Depuis, avec une grande régularité, il enchaîne les tournages, alternant quasi systématiquement succès et échecs commerciaux. Créant parfois la polémique, ses films abordent le racisme intercommunautaire et la violence urbaine (« Do the Right Thing », 1989 ; « Chi-Raq », 2015), la musique jazz (« Mo’ Better Blues », 1990), le couple mixte (« Jungle Fever », 1991), les luttes antiracistes (« Malcolm X », 1992 ; « Get on the Bus », 1996), le racisme de la société américaine (« The Very Black Show », 2000 ; « BlacKkKlansman », 2018), l’univers de son enfance dans un récit autobiographique (« Crooklyn », 1994), les femmes à l’épreuve des fantasmes masculins (« Girl 6″, 1996), le pouvoir de l’argent dans le basket américain » (He got Game », 1998), la communauté italo-américaine du Bronx en proie à la violence d’un serial killer dans les seventies (« Summer of Sam », 1999), la politique sécuritaire et paranoïaque de l’Amérique des années Bush (« Inside Man », 2005), la Seconde Guerre mondiale (« Miracle à Santa-Anna », 2007), etc.
Mais, si cette imposante filmographie est profondément marquée par des thématiques liées aux minorités, Serge Kaganski rappelle que «l’intérêt du cinéma de Spike Lee ne se réduit pas non plus à une affaire de communauté ou de couleur de peau. L’auteur de « Malcolm X » (photo) est aussi un peintre de la ville de New York, un portraitiste des relations de couple, un sensualiste qui a toujours intégré une dimension physique dans ses films, un cinéaste à l’oreille musicale, un citoyen dont les préoccupations ont su dépasser les limites communautaires, un héritier des genres hollywoodiens. Si la question noire est centrale chez Spike Lee, de même qu’elle est plus aiguë dans la conscience et l’espace public américains que dans notre vision française, le cinéaste aura su la rendre universelle, puis la dépasser.»
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros
(1) cinematheque.fr
Cinémathèque de Toulouse
Rétrospective Spike Lee • du 1er au 29 juin 2019