Pour être fidèle à son fil conducteur, Jean-Paul Barrès a déniché les fils de cuivre caractéristiques d’objets insolites : les Vestibules, créations originales d’une artiste anglo-saxonne et qui vit et travaille maintenant à Sète, Vanessa Notley. Artiste baptisée « reine animale », surnom dont vous saisirez mieux le sens quand vous aurez visité l’exposition qui lui est consacrée au 1, Place saintes-Scarbes à Toulouse.
Une fois n’est pas coutume, nous commencerons ces quelques lignes par ce qui vous attend, au sol, quand vous pénètrerez dans la galerie. En effet, le type d’œuvres étant aussi peu courant, il mérite qu’on s’y penche, c’est le cas de le dire, dessus tout de suite. Il suffit de reprendre alors les quelques infos données, et qui suivent :
Les Vestibules / acier et fil de cuivre/ 2016-2017
Un vestibule est une pièce ou un couloir qui donne accès à un intérieur. En anatomie, le vestibule se trouve dans certains organes, comme la cavité de l’oreille interne.
C’est une antichambre qui filtre, un espace dont l’accès peut être accepté ou refusé, un entre-lieu qui permet d’hésiter. En anglais, « mudroom » désigne un lieu de débarras, où on laisse ses bottes boueuses.
Comme Ellsworth Kelly j’aime le caractère de l’objet, son assise, la place qu’il occupe et l’espace qu’il dessine. L’acier noir utilisé dans ces sculptures se prête à la netteté et à la précision de la ligne, son façonnage est simple ; coupé, plié, soudé. Les fils de cuivre qui s’entrelacent et s’entremêlent à l’intérieur et à travers la surface sont parfois tendus, tordus, bouclés, ébouriffés. Ils augmentent et épaississent le volume et le corps de l’acier à l’intérieur et à l’extérieur.
Pour donner un caractère … élaboré, embarrassant, drôle … et narratif.
Dans son livre, Les putes voilées n’iront jamais au paradis, Chahdortt Djavann fait dire à Golnâz, une prostituée iranienne : « Il y a des tas de clients qui se donnent de l’importance en faisant des phrases… Moi je les regarde, mais ne les écoute pas, parce que nous ne sommes pas payées pour qu’ils fassent entrer leurs phrases dans nos oreilles. »
Les vestibules intitulés Golnâz, Les Anglaises, Hairy Mary et I Will renvoient à l’image d’une passoire : un réceptacle qui peut ou pas filtrer (ou laisser passer) les paroles et le discours des autres.
Maintenant, passons à tous les travaux présentés, comme il se doit, sur les murs. Au sol ou aux murs, ils ont tous comme point de départ, des textes, ou une histoire particulière à partir d’un mot, ou un sens figuré pour un mot banal de vocabulaire. Ainsi, dans la série les Arguments, encre de chine sur papier, notre attention se focalise sur un ensemble occupé par… le lapin, ou le lièvre ? notre interrogation trouve réponse dans les quelques lignes qui suivent :
– Intriguée par l’imagerie du lièvre, le caractère et les qualités qu’on lui attribue, je l’utilise dans ces dessins comme une sorte de reprise de la parole, l’argument à la fois plastique et conceptuel.
Dans les mythologies, le lièvre est une créature silencieuse, lunaire, ténébreuse, dotée d’associations païennes, sacrées et mystiques. Considéré comme rusé, porteur du mauvais augure ou bien fou, il apparaît à travers des continents et depuis des siècles en art et en histoire : il a été peint, par exemple, dans les caves dès la dynastie Han en Chine, sculpté en miniature sous la forme des netsukes au Japon, et représenté en vitraux dans les églises européennes…
Il figure dans la littérature, la poésie, dans des maximes et des fables, et il illustre des expressions idiomatiques.
Dans les contes allant de l’Asie à l’Europe, à l’Afrique, à l’Amérique, il peut être une figure ambivalente, amorale, dansant sur le fil entre le vrai et faux, le bien et le mal, le masculin et féminin.
Pour les travaux suivants, il faudra vous approcher de plus près pour les apprécier pleinement, et tout d’abord, les Ducking Stools dont un exemple est l’illustration parfaite avec ce canard sur la chaise. Une impression de loin se doit d’être complétée par une sorte d’examen plus approfondi de près et même de très près. C’est une démarche similaire qui vous est exigée pour tous les tableaux présentant ce cher baudet, toutes oreilles dressées, le trône de ce Sancho Panza, l’animal de compagnie et de labeur de tous les muletiers ou contrebandiers de montagnes, mais aussi “l’âne espagnol“ de triste mémoire pour les milliers de torturés. On préfère garder l’image romantique de la brave bête, cette grosse peluche aux doux yeux et aux longues oreilles, compagnon de route gentil et facétieux de pèlerins de Saint-Jacques. Sa “bouille“ a un côté apaisant du meilleur effet même si tel n’était pas le but, au départ, du travail de Vanessa Notley !
Galerie Jean-Paul Barrès
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1 place Saintes Scarbes • Toulouse
Vanessa Notley
Exposition du 21 mars au 27 avril 2019