On a connu les débuts d’Isabelle Alentour en poésie alors qu’elle éparpillait sur les réseaux sociaux ce qui n’était alors que le miroitement fragmenté de son coming-out en femme écrivant. Une révélation à elle-même, en premier, avant que viennent la reconnaissance des premiers cercles, les publications dans les revues défricheuses, jusqu’au frémissement qui précède la première édition d’un objet-livre adoré. Au coup de cœur de l’éditeur succède le signal fort de libraires qui s’engagent. Comme l’autre semaine à Toulouse. Aujourd’hui, c’est le Salon du livre à Paris.
Je t’écris fenêtres ouvertes a pris forme dans les creux d’un amour naissant.
Dans l’éloignement géographique des premiers mois, l’écriture est apparue comme un flux entre deux pôles distants, électriques ou magnétiques.
Il va me falloir
Ton ombre
L’étirer
M’en draper chaque nuit comme d’une peau de patience
Matin après matin
Abandonner mes heures aux ombres de la nuit
Et faire des mots d’hier le lit des lendemains
L’écriture comme mouvement, tantôt puissant de courants en eaux profondes, tantôt affleurant de caresses légères au corps toujours conscient.
Une poésie libre dit ici la distance du regard sur l’autre autant que la fragilité du soi dans les désordres amoureux. Et les bribes autour, les bruits du monde, les feux de bois, les lumières des jours et:
Un silence en forme d’arbre ou de nudité je ne sais pas
Je t’écris fenêtres ouvertes sur la nuit en attendant que se réveille l’arbre ou que se dévoile la plaine Cette nuit est trop chaude pour un homme qui marche depuis longtemps trop transparente pour un homme nu trop enveloppante pour un solitaire
Le monde ne sera plus jamais le même
Sans doute en va-t-il de toutes les mains et de toutes les peaux et de tous les corps qu’on a frôlés ou caressés Il arrive un moment où on ne les a ni frôlés ni caressés En quelque sorte c’est comme si on n’avait jamais frôlé ou caressé
Le monde n’est déjà plus le même
Dans tout poème se nichent un rythme et une voix.
Le rythme, chez Alentour, semble tenir son harmonie, son évidence d’une connexion quasi-organique avec la respiration, la pulsation du corps et les instants du cœur ; elle explore, affine son écoute jusqu’à la palpitation, au battement du sang. Pour le lecteur, ce transport est bouleversant.
Aussi ne fallait-il pas manquer l’occasion d’entendre la voix de ses poèmes par Isabelle Alentour en personne. Tout texte peut vivre mille vies dans l’interprétation des autres – et chaque lecteur en écrira sa petite musique. Mais sa vibration originelle, dans le jaillissement intime de son auteur, demeure un témoignage singulier.
Une lecture était organisée début mars par la librairie L’Autre Rive à Toulouse, avec un trio de femmes-poètes : Alentour donc, Lili Frikh et Laure Anders, toutes trois portées avec passion par l’éditeur Antoine Gallardo (La Boucherie Littéraire) également présent.
Vu l’affluence, ce fut une première réussie pour L’Autre Rive, dans le genre « poésie ».
Je t’écris fenêtres ouvertes et les publications de La Boucherie Littéraire sont disponibles à la librairie L’Autre Rive, 24 avenue Etienne Billières à Toulouse (St Cyprien / Patte d’Oie).
Cette forme de circuit court est exemplaire – qui voit réunis auteur(s), éditeur, libraire et lecteurs. Elle préserve l’intime et la qualité du partage, c’est ainsi que se goûte la poésie pas vrai ? Souhaitons alors que le témoignage de ces événements réussis encourage d’autres initiatives du genre.
Isabelle est présente au Salon du Livre qui débute à Paris, car son nouveau recueil: « Louise » vient de paraître aux Éditions Lanskine.
Louise est une petite fille qui, comme beaucoup de petites filles, aime les robes qui tournent, les rubans dans les cheveux, et sauter à pieds joints dans les flaques. Grandissant, elle devra apprendre aussi à guetter le bruit de la poignée de la porte de sa chambre. Un texte écrit à la première personne du singulier, disloqué, empli de douleur et de douceur.
Et en juin « Ainsi ne tombe pas la nuit », aux Éditions iXe, qui fera l’objet d’une « Lecture mise en espace », un projet porté par Chloé Bouiller et la compagnie Draoui production.