On sera surpris de voir enfin arriver sur la scène du Théâtre du Capitole, ce personnage de Lucrèce Borgia, ce mythe, ce symbole, cette légende. C’est l’incarnation même, du temps de la Renaissance, de l’éternel féminin dans sa malfaisance et sa diabolique fatalité, comme une certaine Cléopâtre.
Il aura fallu attendre près de deux cents ans après sa création milanaise, pour que cet opéra, le 35ème, de Gaetano Donizetti arrive jusqu’à notre Théâtre, alors qu’il eut une importance historique et une influence évidentes sur un certain Verdi. L’un des sommets créatifs du compositeur est donc donné sur la scène du Teatro della Scala un 26 décembre 1833 et ce, trois ans après l’étincelle vitale que fut son Anna Bolena. Entre temps, trois ans, il aura écrit…dix opéras !
Opéra seria en deux actes et un prologue, sur un livret du fameux Felice Romani, la première chance, c’est bien le choix de ce librettiste. La gloire soudaine du compositeur avec Lucrezia Borgia a une seconde explication, avec sa rencontre avec une certaine Giuditta Pasta, probablement la plus mythique des cantatrices du bel canto.
Le livret suit de près le drame de Victor Hugo créé à Paris le 2 février 1833, et donc, l’histoire pour le moins “trafiquée“ du personnage par l’écrivain, ce qui nous importe peu. Felice Romani va permettre alors à Donizetti de concevoir une partition originale et forte, d’une originalité se découvrant dès les premières mesures. Un Prologue bref, concis et percutant prépare l’atmosphère du drame avec des procédés thématiques que Verdi adoptera sans faillir. Le rideau se lève sur la nuit : drame nocturne. C’est une des caractéristiques principales de toute la littérature musicale qui va suivre dans cette partition très dense, avec des arias nombreuses, les classiques récitatif /air /cabalette. Sachons que la créatrice du rôle à la Scala le 26 décembre 1833 s’appelait Enrichetta Meric Lalande, ou plus simplement Henriette, née à …Dunkerque, cantatrice à la carrière exemplaire pour la richesse de ses créations et l’importance d’un répertoire typique du bel canto de l’époque romantique. Anecdote : c’est elle, la toute puissante prima donna, qui exigera de Donizetti qu’il lui compose un grand air de bravoure à la fin, qu’elle pourrait chanter sur le corps de son fils Gennaro, empoisonné par sa faute.
La production est celle du Palau de les Arts “Reina Sofia“ à Valence.
La direction musicale est confiée à Giacomo Sagripanti, chef ayant dirigé les troupes à la Halle dans le Stabat Mater de Cherubini il y a quelques mois, un chef lyrique très prisé ayant déjà dans ce domaine, une brillante carrière (par exemple à l’Opéra Bastille). La mise en scène est confiée à Emilio Sagi, déjà venu au Capitole pour Dona Francisquitã et le dernier Turc en Italie. Mon petit doigt m’a dit qu’on en serait très agréablement surpris et donc, qu’il fallait amener des cohortes de lyricophiles au Capitole !! Il est entouré de, pour les décors, Llorenç Corbella, Pepa Ojanguren pour les costumes et Eduardo Bravo pour les lumières, ces lumières qui, maintenant, sont incontournables, et peuvent vous enchanter une mise en scène.
Lucrezia Borgia est interprétée par Annick Massis. On lira avec grand intérêt son entretien dans le numéro du journal du Théâtre, Vivace. Et l’on se remémore les excellents moments d’émotions vécus dans ses prestations passées sur notre scène “capitoline“. Le rôle exige un grand soprano drammatico d’agilità e di forza. C’est l’une des vocalità les plus complexes de l’histoire du chant. Tous les monstres sacrés possédant la tessiture ont voulu le chanter ! Celui d’une jeune femme qui apparaît moins comme une coupable que comme la victime d’un siècle implacable. Sachons que l’artiste qui l’interprète se doit d’être belle, souverainement, qu’elle doit irradier de tout son corps et de son visage la splendeur fatale de ses passions qui aboutissent au stylet, au poison, à la mort violente. Annick Massis sera donc Lucrezia Borgia, c’est évident.
Son époux, le quatrième, Alfonso d’Este, duc de Ferrare est Andreas Buaer Kanabas, voix se rapprochant du grand baryton verdien à venir. Son fils caché, Gennaro, c’est le ténor Mert Süngü au début de carrière très prometteur, tandis que son ami Maffio Orsini, rôle travesti, est chanté par la mezzo-soprano Éléonore Pancrazi. Cette dernière nous offrira un Midi du Capitole à 12h 30 le jeudi 31 janvier entre deux Lucrèce. Une toute jeune chanteuse lyrique, pas encore 30 ans, née en Corse, ce qui ne facilite guère les choses, avoue-t-elle. Mais quand on veut, on…….
Nous avons ensuite les amis de Gennaro, soit Jeppo Liverotto avec Galeano Salas, Oloferno Vitellozzo par François Pardailhé, tous deux ténors. Don Apostolo Gazella, c’est Jérémie Brocard, et Ascanio Petrucci, par Rupert Grössinger. Il y a enfin, comme autres comprimari, Rustighello, le confident du Duc, chanté par Thomas Bettinger, et Julien Véronèse interprétant Gubetta, un rôle d’éminence grise de la Duchesse.
Dans la fosse nous retrouvons les musiciens de l’Orchestre national du Capitole. Enfin, les Chœurs sont ceux du Capitole sous la direction d’Alfonso Caiani.
Ce sera pour 5 représentations à partir du 24 janvier 2019.
Pour ce qu’il en est du synopsis, cliquez ici.
Billetterie en Ligne du Théâtre du Capitole
Théâtre du Capitole
Lucrezia Borgia (Gaetano Donizetti)
Annick Massis © Zakari Babel
Giacomo Sagripanti © Henry Fair
Annick Massis © Gianni Ugolini