Nouveau directeur du Théâtre du Capitole, Christophe Ghristi a mis huit productions lyriques à l’affiche de la prochaine saison de l’opéra toulousain.
La première saison lyrique conçue par Christophe Ghristi pour le Théâtre du Capitole, qu’il dirige depuis septembre 2017, s’ouvrira avec « la Traviata ». Pas entendu depuis vingt ans dans ces murs, le célèbre opéra de Giuseppe Verdi sera dirigé par le chef grec George Petrou et mis en scène par Pierre Rambert. Danseur, musicien et ancien directeur artistique du Lido de Paris, ce dernier s’est associé à deux artistes renommés : le décorateur Antoine Fontaine (« La Reine Margot » de Chéreau, « Marie-Antoinette » de Coppola, « L’Anglaise et le Duc » de Rohmer, « Casse-Noisette » de Kader Belarbi au Capitole, etc.), et le couturier Franck Sorbier. Dans l’une des deux distributions qui se succèderont sur scène, on retrouvera dans le rôle-titre Anita Hartig, déjà appréciée ici dans « Faust » de Charles Gounod. Créé en 1853, « la Traviata » («la dévoyée») est doté d’un livret signé Francesco Piave, d’après « la Dame aux Camélias » d’Alexandre Dumas fils, l’histoire de Violetta, courtisane à la santé fragile, qui choisira de renoncer à sa vie mondaine parisienne par amour pour Alfredo Germont. Le personnage de Violetta est inspirée de la vie d’Alphonsine Plessis, dite Marie Duplessis, maîtresse d’Alexandre Dumas fils et de Franz Liszt, morte à Paris en 1847.
Production du Palau de les Arts Reina Sofia de Valence, « Lucrezia Borgia » de Gaetano Donizetti sera présenté dans la mise en scène par Emilio Sagi qui a déjà sévi à Toulouse avec « Doña Francisquita » et « le Turc en Italie ». Pour son retour au Théâtre du Capitole, la soprano française Annick Massis abordera pour la première fois ce rôle-titre d’une grande exigence dramatique, avec à ses côtés la basse allemande Andreas Bauer Kanabas et le jeune ténor d’origine turque Mert Süngü. Le livret de Felice Romani, inspiré du drame de Victor Hugo, raconte comment la diabolique Lucrèce Borgia, croyant supprimer ses ennemis, empoisonnera son fils illégitime, seul homme à trouver grâce à ses yeux. La direction musicale sera assurée par Giacomo Sagripanti qui fera ses débuts dans cette fosse. Créé à la Scala de Milan en 1833, « Lucrezia Borgia » n’avait jamais été à l’affiche du Théâtre du Capitole.
Tout comme « la Ville morte », opéra d’Erich Wolfgang Korngold présenté à Toulouse dans la production de l’Opéra national de Lorraine, signée Philipp Himmelmann, et dirigé par le Britannique Leo Hussain. Créé simultanément à l’Opéra de Cologne et au Stadttheater de Hambourg, en 1920, l’ouvrage est composé sur un livret de Julius et Erich Wolfgang Korngold – alias Paul Schott –, librement adapté du drame « le Mirage » que Georges Rodenbach transposa de son roman « Bruges-la-Morte ». Bruges, à la fin du XIXe, où Paul s’enfonce dans la mélancolie depuis la mort de sa jeune femme Marie et vit dans le passé en refusant d’affronter sa vie sans elle. Au cœur de ce tourbillon orchestral incessant, sombre, obsédant, on appréciera de nouveau le talent du ténor allemand Torsten Kerl, qui brilla sur la même scène dans « Rienzi », de Richard Wagner.
Après « la Voix Humaine » en 2010, retour également de Stéphanie d’Oustrac dans le rôle du Compositeur pour une nouvelle production signée Michel Fau d’ »Ariane à Naxos ». Créé à Vienne en 1916, le troisième ouvrage commun de Richard Strauss et du librettiste Hugo von Hofmannsthal a pour cadre la demeure d’un riche bourgeois viennois, au XVIIIe siècle, où se prépare la création de l’opéra « Ariane ». Dans cette mise en abîme du théâtre dans le théâtre, le Strauss de la violence et de la tragédie cohabite avec le Strauss élégant du « Chevalier à la rose » (1911) ou de « Capriccio » (1942) qui trouve dans le rococo le moyen d’exprimer son raffinement. La jeune soprano française Catherine Hunold fera ses débuts au Capitole dans le rôle-titre et Jessica Pratt chantera pour la première fois le rôle de Zerbinetta, sous la direction d’Evan Rogister – jeune chef qui dirigea « Ernani » la saison dernière.
La plus célèbre des opérettes de Hervé, créée en 1883, « Mam’zelle Nitouche » (photo) marque le grand retour du genre au Capitole dans une production du Palazzetto Bru Zane – Centre de Musique romantique française, en coproduction avec six maisons d’opéra, dont le Théâtre du Capitole. La mise en scène de Pierre-André Weitz donne trois rôles à Olivier Py, sous son identité mais aussi celle de Miss Knife, son double travesti qui s’est déjà produit au Théâtre Sorano… Le livret de Henri Meilhac et Albert Millaud s’inspire de la vie de Florimond Rongé, dit Hervé, qui fut durant huit ans organiste à Saint-Eustache le jour, comédien et chanteur dans le répertoire comique le soir. Dans « Mam’zelle Nitouche », Célestin est un respectable professeur de musique au couvent des Hirondelles qui devient chaque soir Floridor, compositeur adulé de la scène parisienne ! L’histoire s’emballe lorsque sa timide élève Denise de Flavigny brûle les planches et triomphe sous l’identité de Mam’zelle Nitouche…
Unique opéra de Paul Dukas, inspiré de la pièce de Maurice Maeterlinck qui est aussi l’auteur du livret, « Ariane et Barbe-Bleue » entrera au répertoire du Théâtre du Capitole sous la direction de Pascal Rophé. Le dramaturge y souligne la signification symbolique du conte de Charles Perrault dont il reprend les principaux éléments : personnage central et sixième épouse de Barbe-Bleue, Ariane tente en vain de délivrer les précédentes femmes de son mari qui refuseront toutes la liberté. L’une d’entre elle porte le nom de Mélisande, hommage au « Pelléas et Mélisande » que Claude Debussy composa à partir d’un autre drame célèbre de Maeterlinck – Dukas reprend le thème qui lui est associé dans la partition de Debussy. Créé en 1907, à l’Opéra Comique, l’ouvrage conjuguant puissance dramatique et beauté sonore se classe alors parmi les réalisations post-wagnériennes au même titre, pour le répertoire hexagonal, que « Fervaal » de Vincent d’Indy (1897), « Pelléas et Mélisande » de Claude Debussy (1902), « le Roi Arthus » d’Ernest Chausson (1903) et « Pénélope » de Gabriel Fauré (1913). Dans cette nouvelle production de l’Italien Stefano Poda, la mezzo-soprano française Sophie Koch (« Le Roi d’Ys », « Le Chevalier à la rose », etc.) retrouvera la scène lyrique toulousaine, aux côtés de Vincent Le Texier (« Les Pigeons d’argile »).
La saison s’achèvera avec « Werther », de Jules Massenet, l’un des ouvrages français les plus représentés dans le monde depuis sa création en 1892, à Vienne. Adaptation par Édouard Blau, Paul Millet et Georges Hartmann des « Souffrances du jeune Werther », l’opéra s’émancipe du roman épistolaire de Goethe pour adopter les codes du genre. Le compositeur y envisage l’orchestre comme un personnage, et irrigue sa partition de motifs caractéristiques pour soutenir l’émotion : s’inspirant de Charles Gounod pour surligner des sentiments contrastés et de Richard Wagner pour déployer des leitmotivs, il approfondi cette démarche jusqu’à atteindre d’infimes nuances dans la description des états d’âme des personnages. Ancien clarinettiste de l’Orchestre national du Capitole, Jean-François Verdier dirigera cette partition lors de la reprise de la production de Nicolas Joel conçue en 1997. Ce sera l’occasion de retrouver la mezzo-soprano Karine Deshayes – dix ans après « la Périchole » – aux côtés du ténor Jean-François Borras qui chantera le rôle-titre après ses performances remarquées à New York et à Vienne.
Enfin, en coproduction avec le Festival d’Automne à Paris, « Kopernikus : Un rituel de mort » sera présenté dans une mise en scène de l’Américain Peter Sellars. Créé à Montréal en 1980, cet opéra du Canadien Claude Vivier, chanté en français et dans une langue imaginaire, navigue entre rêve et réalité, et convoque Lewis Carroll, Merlin, une sorcière, la Reine de la nuit, Tristan et Isolde, Mozart et Copernic. Ces êtres mythiques gravitent en rêve autour d’Agni dans un parcours initiatique la conduisant vers la purification totale et lui faisant atteindre l’état de pur esprit. L’opéra sera interprété au Théâtre Garonne par les musiciens de l’ensemble L’Instant Donné et par les chanteurs de l’ensemble Roomful of Teeth.
Outre les six récitals programmés dans le cadre des Midis du Capitole, on pourra également entendre les récitals des barytons Nicola Alaimo, Christian Gerhaher, Matthias Goerne et Stéphane Degout, de la basse Roberto Scandiuzzi, des sopranos Stéphanie d’Oustrac et Béatrice Uria-Monzon, du contralto Marie-Nicole Lemieux. Un récital réunissant plusieurs solistes célèbrera Claude Debussy, et le Chœur du Capitole interprètera des œuvres de Lili Boulanger et la « Petite Messe solennelle » de Rossini. Enfin, le répertoire baroque sera défendu par le célèbre contre-ténor croate Max Emanuel Cenčić qui chantera des airs de Nicola Porpora et de Georg Friedrich Haendel, avec l’ensemble Armonia Atenea dirigé par George Petrou. Ensemble de cuivres anciens de Toulouse, Les Sacqueboutiers proposera un voyage sur les traces de Fernando Cortès, etc.
Jérôme Gac
Théâtre du Capitole
Saison 2018 / 2019
« Mam’zelle Nitouche » © Frédéric Stéphan
Christophe Ghristi © Pierre Beteille