Après une création mondiale de Montovani, il y a peu, l’Orchestre du Capitole offrait à son public une création française.
Le compositeur chinois Qigan Chen était présent dans la salle. Il s’agit d’un musicien majeur qui reçu les dernières leçons de composition que Messiaen a donné. Sa célébrité dépasse la Chine et il est très aimé dans le monde entier. Son désir de composer repose sur une idée simple mais très difficile : rester original et lui même en toute circonstance, entre Extrême-Orient et occident. Son concerto pour violon porte un titre terrible : La joie et la souffrance. Il fait référence au deuil de la perte de son fils. Le concerto est d’une extraordinaire délicatesse, tout en finesse et effets recherchant l’immatérialité. Le violon avec un jeu parfois non vibré et un archet désincarné sait évoquer la Chine et même l’au-delà. Le violoniste Chad Hoopes semble complètement faire sien cet univers de pure poésie qui incite au voyage dans le temps et l’espace. Son jeu d’une délicatesse infinie dans des nuances infimes rend perceptible le lien entre la musique savante européenne et la musique de la Chine intemporelle. Des son délicats, des moments d’harmonisation des plus bouleversants, avec des couleurs et des effets d’orchestration très originaux permettent au soliste et l’orchestre d’ouvrir un dialogue des plus intimes. Le chef chinois Long Yu est très concentré, il donne toutes les entrées et met en place un dosage des plus précis en ce qui concerne les dynamiques. Il est impossible d’analyser plus avant cette œuvre très belle qui appelle une écoute renouvelée, hélas impossible à ce jour. Il a été très émouvant de voir sur scène le compositeur, Qigan Chen venu à Toulouse pour cette création, qui avec une modestie et un vrai bonheur vécu de l’intérieur est venu féliciter le violoniste américain si sensible et si délicat. Le public a eu conscience de vivre un grand moment. Un moment de poésie et de partage qui fait une excellente ouverture vers la musique de Mahler si fasciné par la Chine et pas uniquement dans le Chant de la Terre.
En deuxième partie la superbe quatrième symphonie de Mahler a été éclairée par la direction lumineuse de Long YU. Le chef chinois dirige plusieurs orchestres symphoniques en Chine mais est également invité en occident par les plus grands orchestres. Sa connaissance de cette symphonie est assez incroyable. Certes l’Orchestre du Capitole connaît lui aussi très bien cette œuvre et la joue avec un plaisir évident, mais le chef a su obtenir une précision et une limpidité de timbre et de spatialisation assez remarquable. Thèmes, contre chants et effets d’orchestration si uniques ont particulièrement mis en valeur par cette direction si précise. Mais Long Yu sait aussi nous emmener loin dans une construction très aboutie de toute la symphonie. Cette symphonie est la plus lumineuse de Mahler, elle se termine par une évocation, pleine d’esprit, du paradis vu par les enfants. Ainsi la soprano doit avec candeur et simplicité rendre à ces mots d’enfant leur vérité et leur profondeur. La belle voix de soprano de Yuanming Song fait merveille. Mais c’est surtout sa compréhension du texte et sa parfaite diction qui en font une interprète remarquable de ce lied final. Elle arrive à transmettre quelque chose de la joie infantile, et sa voix pulpeuse est un baume pour les oreilles.
La Chine convient bien à Mahler ce soir, c’est indéniable, pourtant c’est la découverte du très beau concerto de violon de Chen qui reste comme le moment le plus précieux.
Hubert Stoecklin
Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 16 juin2018. Qigang Chen (né en 1951) : La joie et la souffrance, concerto pour violon ; Gustave Mahler (1860-1911) : Symphonie n°4 en sol majeur ; Chad Hoopes, violon ; Yuanming Song, soprano. Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Long YU, direction musicale.