La dernière production de Giselle, véritable quintessence du ballet romantique, remonte à, pas très loin, la saison 2015/2016, pour les fêtes en décembre 2015. Elle eut un tel succès que de la retrouver à l’affiche maintenant ne peut que ravir ceux qui la connaissent déjà et y retourneront et tous ceux aussi qui l’ont ratée et qui comptent bien y être.
Sur la musique d’Adolphe Adam, c’est une très belle production due à Kader Belarbi pour la chorégraphie et la mise en scène. Une version comme dépoussiérée de ce fameux ballet, mais toujours avec tutus, heureusement ! Une nouvelle version respectueuse de la tradition, avec le regard de ce que nous sommes aujourd’hui.
Le Directeur du Ballet a su, voir son ITV, s’entourer de Thierry Bosquet pour les décors et d’Olivier Bériot pour les costumes et encore de Sylvain Chevallot pour les lumières, ces éléments devenus incontournables dans toute production.
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Bien sûr, ce sont tous les danseurs et danseuses du Ballet du Capitole qui s’illustrent sur scène, tout comme les musiciens de l’Orchestre National du Capitole sous la direction de Nathan Fifield, un chef qui s’est déjà favorablement produit dans cette fosse.
« Rien ne me plait davantage que cette besogne qui consiste, pour trouver l’inspiration, à regarder les pieds des danseuses » disait Adolphe Adam dont la musique qu’il composa pour Giselle reste le chef d’œuvre vanté par Tchaïkovski lui même.
« La musique de monsieur Adam est supérieure à la musique ordinaire des ballets, elle abonde en motifs, en effets d’orchestre » en disait Théophile Gautier. Si le ballet fit fureur dans le Paris des années 1840, création le 28 juin 1841, c’est effectivement surtout, outre son argument émouvant, pour sa partition sensationnelle: aux personnages et à leurs actes s’attachent des leitmotive intégrés avec habileté au déroulement du drame, y compris par leur instrumentation. Les instruments sont, en effet, toujours en parfait accord avec les situations, telle la flûte avec la folie ou le violon avec l’amour (la danse la plus voluptueuse de Giselle dans l’Acte II est faite sur un alto).
On ne vous racontera pas l’histoire de Giselle, ni la fin pour ceux qui l’ignorent. Une précision tout de même, en 1841, il n’y a guère que Carlotta Grisi, égérie de Théophile Gautier, à pouvoir danser sur pointes. L’irréalité de ses pas éblouit alors. Des gravures la montrent avec des pieds plus menus que des virgules, en apesanteur. Mais lorsque Giselle, disparue du répertoire français, est remaniée quelque vingt ans plus tard par Marius Petipa, toutes les Wilis sont désormais sur pointes et maîtrisent l’arabesque. L’idéal du corps en état d’envol imminent ne cessera plus d’habiter la danse classique.
On espère retrouver le livret-programme élaboré par Carole Teulet, travail d’une extrême richesse et fort bien illustré. Si les contraintes budgétaires l’ont fait passer à la trappe, dommage : les vily ou (wilis) n’auraient eu plus aucun secret pour vous. D’aucuns auront la chance de se replonger dans les programmes de décembre 2015 et même avril 2010.
Kader Belarbi, chorégraphe et metteur en scène, sait de quel ballet il parle, il le connaît par cœur, l’a dansé évidemment, dans des chorégraphies différentes, ce qui ne l’a pas empêché de vouloir en savoir davantage, côté musique d’abord, d’où ses nombreuses recherches, réintégrant avec habileté des séquences musicales passées à la trappe, ce qui lui permet d’envisager, avec un culot de bon aloi, un premier acte bien plus intéressant qu’à l’ordinaire tout en conservant toute la féerie attendue de la deuxième partie. Ce deuxième acte est toujours tout en tutus et voiles blancs tandis que le premier fait référence sans s’en cacher aux peintures d’un certain Pieter Brueghel l’Ancien. « Ces costumes faits de toile grossière, rustique et très colorés doivent servir de repoussoir aux longs tutus vaporeux en tulle de soie blanc de l’acte II, et ce, afin de marquer encore plus le contraste entre réel et féerie, monde paysan et domaine des ombres. » Olivier Bériot, costumier
Le metteur en scène chapeaute tout ce qui est décors, costumes et lumières. « Pas de vendangeurs qui sautent en l’air sous des couronnes de fleurs, mais de gros vignerons qui foulent la terre, affirme-t-il. J’ai tout descendu, j’ai voulu quelque chose de plus rude, presque grossier. » Et les décors et costumes sont à l’avenant. Le contraste entre les deux actes n’en sera que plus saisissant, présentant ainsi un plus pour le public.
On n’oubliera pas que Giselle devient wilien raison de son amour inconditionnel et immodéré de la danse. Enfin, les Wilissont des jeunes filles mortes avant le jour de leurs noces. C’est d’ailleurs pour cela qu’elles reviennent parées de vêtements de noces – les tutus donc et voiles – qu’elles n’ont pu arborer de leur vivant.
Quant à danser le rôle-titre dans Giselle, on sait que c’est le rêve de toute danseuse.
Michel Grialou
Théâtre du Capitole
du 19 au 24 octobre 2017
Giselle © David Herrero
AFFICHE