Dans une basilique Saint-Sernin archi pleine, Michel Bouvard qui sera à la tribune ce mercredi 5 octobre nous explique qu’il va rejouer le programme établi en 1996, pour le concert d’inauguration après une grande campagne de restauration. Ce programme enchante le maître des lieux, le Père Gallois : aux deux extrémités du concert, l’apparition de l’Église éternelle et un requiem, nous présentent des figures différentes de la résurrection. Or ce jeudi soir, c’est une sorte de petite résurrection que nous fêtons, après presque un an de silence pour « relevage » du Cavaillé-Coll, entendre par là sa grosse toilette.
Et c’est donc Messiaen qui résonne en premier sous la voute de Saint-Sernin. Cette apparition de l’Eglise éternelle se présente comme un enchaînement roulant et imprévisible d’« accords Messiaen » qui interrogent et d’accords parfaits qui réconcilient avec le monde. Rien ne peut être anticipé ou deviné. Les accords nous arrivent droit dessus, implacables, dans une procession qui ne semble pas devoir finir. Progression aussi, grand crescendo puis decrescendo, qui s’achève sur la tenue d’un magnifique jeu de 16 pieds au pédalier. J’y vois la pierre, le roc, sur lequel l’Eglise s’est construite. Et super hanc petram, aedificabo ecclesiam meam…
La pièce suivante toujours de Messaien, Alléluias sereins d’une âme qui désire le ciel, propose à nos oreilles ébahies une succession de jeux improbables. Les uns sur les autres ils se juxtaposent, les rythmes se complexifient, tout en gardant à l’ensemble une lisibilité exceptionnelle.
Donner le Kyrie de Vierne est un tour de force : le grand orgue, l’orgue de chœur, un chœur mixte, tous doivent être alignés et ensemble, alors qu’ils sont à près de 100 mètres de distance ! Miracle du relevage ? L’accord est parfait. Le grand orgue, même quand il sonne depuis sa boîte
d’expression fermée, est d’une présence impériale. Ses interventions millimétrées, en alternance avec le chœur et le petit orgue, sont soignées. Et quand il donne de la voix, tout le monde est au garde-à-vous. La pièce de Vierne est un beau faire-valoir de cet équilibre subtil entre ces trois parties.
L’Andante de la Symphonie Gothique de Widor parvient à bien sonner dans la nef romane… une flûte à la fois douce et formidablement présente nous captive d’emblée. Cette pièce, d’une grande simplicité mélodique dans un écheveau complexe, n’est jamais lourde ni lassante.
Enfin, le « tube » de la soirée, le Carillon de Westminster de Vierne, est pris par Michel Bouvard à un tempo assez raisonnable. On est d’emblée saisi par la richesse de la registration qui ne cessera jamais de nous surprendre. L’acoustique de l’édifice permet de saisir chaque détail, le tirage des jeux est millimétré par les compagnons de l’organiste, la pédale d’expression fait des merveilles.
En conclusion de cette première partie où la perfection régnait en maître : Maître Bouvard, le titre vous sied !
Vient ensuite le Requiem de Duruflé, l’un des grands classiques de la musique sacrée du XXème siècle, dans sa version pour chœur et orgue. Pour la première partie du concert, je me suis placé loin dans la nef, à un endroit où l’orgue sonne pleinement et je m’en suis réjouis. Que n’ai-je eu le culot d’aller chercher une place dans les premiers rangs pour la seconde partie… le chœur est vraiment à la peine pour exister sous le grand orgue. Des harmonies qui ne frottent pas, des rythmes parfois flous. J’aimerais être pris par la musique déchirante, être enveloppé, mais je suis un peu dans le brouillard. Quelques moments de grâce tout de même, des pianissimi trouvés dans l’Agnus Dei ou le Lux Aeterna, me réconcilient avec l’œuvre… mais ce ne sera pas l’essentiel de la soirée.
Allez, sursum corda ! Il reste une foultitude de concerts magnifiques dans la suite du festival Toulouse les Orgues. Une certitude : vous me retrouverez au concert « démesure et déraison », Reger en tête, le mercredi 11… Mais ne ratez pas les dizaines d’autres occasions de vous régaler les oreilles !
Thibault d’Hauthuille
du 04 au 15 octobre 2017