Le jeune Karl Marx, un film de Raoul Peck
Karl Marx et Friedrich Engels semblent à jamais de vieux messieurs avec des barbes imposantes autant que grisonnantes. Ainsi l’histoire en a-t-elle retenu les portraits. C’est vite oublier qu’ils furent de fringants jeunes gens habités par une même idée dont ils vont faire le but ultime de leur vie et qui prendra le nom de Communisme. Le dernier opus de Raoul Peck, un véritable biopic, nous les fait croiser en 1844.
Karl est âgé de 26 ans et Friedrich de 24 ans. Ce dernier est issu d’une riche famille d’industriel allemand, le premier cité, marié à une noble rhénane qui épousera, aussi, ses idées. Tous les trois, conscients des bouleversements que la Révolution industrielle fait subir à la société, vont prendre fait et cause pour la classe ouvrière, effrayés de son exploitation à la limite de l’esclavage par de riches capitalistes.
Karl et Friedrich, philosophes et téméraires théoriciens d’une doctrine qui bouleversera le monde pour longtemps (aujourd’hui encore…), vont parcourir l’Europe et rencontrer les différents meneurs des courants libertaires œuvrant en faveur de la lutte ouvrière. En quatre ans, ce duo de théoriciens de génie va écrire « Le Manifeste du Parti Communiste », œuvre monumentale par sa pensée et sa nouveauté, œuvre révolutionnaire misérablement détournée par des tyrans qui ont pour nom Staline, Lénine, Mao Tsé Tong et d’autres encore en activité…. C’est sur ces quatre années que nous propose de revenir Raoul Peck. Sous forme d’un biopic assuré, maîtrisé, romanesque au besoin, serti de magnifiques éclairages, deux jeunes acteurs allemands se donnent la réplique dans des joutes oratoires dont on peine parfois à appréhender la densité. Peu importe d’ailleurs.
L’essentiel est dans la confrontation/fusion de ces deux intelligences hors normes, dans les débats novateurs qu’ils imposent à une communauté abasourdie, au système d’idées qui plaide pour un partage de la plus-value issue du travail humain et pour la lutte inévitable et fatale à venir. Dire que de telles idées font écho à notre temps tient de l’euphémisme… Ce choc de titans est confié à deux jeunes comédiens, absolument épatants : August Diehl (Karl Marx), remarqué récemment dans Diamant noir d’Arthur Arari en 2016, et Stefan Konarski (Friedrich Engels) aperçu dans le Valerian de Luc Besson en 2017.
Un brin didactique certes, comment en serait-il autrement ? mais absolument passionnant !
Robert Pénavayre
Le jeune Karl Marx – Réalisateur : Raoul Peck – Avec : August Diehl, Stefan Konarski, Vicky Krieps, Olivier Gourmet…
Raoul Peck – Un talent au service de l’Homme
Le jeune Raoul tourne à peine la page de ses 10 ans lorsqu’il fuit la République liberticide qui l’a vue naître, celle d’Haïti. Direction le Congo. Il va ensuite se transformer en étudiant globe-trotter et parcourir les USA, la France et l’Allemagne. Ses débuts professionnels se font dans les milieux du journalisme et de la photographie. Suit très rapidement la réalisation de nombreux courts métrages documentaires dont les sujets ne s’éloignent jamais de l’Histoire et de la politique. Puis vient le temps d’un premier long. Ce sera, en 1988, Haïtian Corner. Il entre ainsi de plain-pied dans le monde du 7ème art et ne s’en absentera que deux ans (1995/1996) pour devenir Ministre de la Culture de la République d’Haïti. En 1994, il se voit décerner le prix Nestor Almendros pour l’ensemble de son travail en faveur des Droits Humains. Tout en continuant son activité créatrice, il est depuis 2010, Président de la Fémis.