Après des tas d’escales et divers lieux de vie depuis 1945 c’est désormais officiel, la très ancienne mais toujours fringante compagnie du Grenier de Toulouse a enfin un toit en dur. La Maison du Grenier, ce bel endroit flambant neuf sera ouvert au public le 16 septembre à Tournefeuille, commune d’adoption de la troupe qui réunit ce jour-là son forum des associations …
Pierre Matras / Stéphane Battle et l’équipe du Grenier de Toulouse : Marie-Odile Aubrun, Nathalie Quirin et David Gaborit.
Happy end
Stéphane Batlle et Pierre Matras codirigent le projet artistique depuis une quinzaine d’années avec un enthousiasme qui a certainement beaucoup joué dans l’issue positive qu’ont obtenu leur efforts. Après le Toulouse des débuts, ils ont été hôtes d’un temps au Moulin de Roques puis nomades un peu incertains : alors que tout le monde s’interrogeait sur le statut SDF assez indigne réservé à une compagnie qui accompagna tout de même avec panache les débuts de la décentralisation du temps de son fondateur Maurice Sarrazin, la ville de Tournefeuille a su rendre hommage à son potentiel et accueillir la troupe dans des conditions plus que positives comme le soulignait l’an dernier Pierre Matras : « La ville de Tournefeuille nous accompagne formidablement : nos créations sont accueillies en résidence à l’année depuis 2012, on a 100 % de la recette et ils nous prêtent le Théâtre de l’Escale gratuitement, tout en nous finançant à hauteur de 10 000 euros sur une coproduction par an. Par ailleurs, la mairie a mis à notre disposition un terrain pour y bâtir la Maison du Grenier : les travaux démarrent et on vise l’ouverture en septembre 2017 ». Et bien nous y sommes : la Maison du Grenier ressemble à un très élégant cube noir architectural qui abrite plusieurs espaces en un : salle de répétition, « boîte à créer » où verront le jour les nouvelles créations de la compagnie, lieu de recherche pour phosphorer tranquille ou à plusieurs et lieu de formation pour tous les publics, la Maison du Grenier fleure bon le rêve éveillé pour des artistes qui ont connu l’itinérance plus ou moins subie.
Un lieu « couteau suisse »
Ce sera également une « ruche à comédiens », abritant L’Ecole d’Art Dramatique du Grenier de Toulouse dont les premiers cours démarrent dès le 25 septembre avec la comédienne et metteuse en scène Laurence Roy. Ouverte à tous les âges, les cours de l’Ecole affichent d’ores et déjà complet ou presque, faisant intervenir la plupart des membres de la troupe bien connus du public : Laurent Collombert, Muriel Darras, Stéphane Batlle font partager les secrets de la pratique de leur art aux enfants comme aux adultes, aux amateurs comme aux professionnels et lors de Masters Class accessibles à tous.
Enfin, l’endroit va être également mis à la disposition d’autres compagnies régionales et nationales pour y travailler sereinement. Comédiens mais aussi musiciens, chanteurs, danseurs, artistes de cirque, etc pourront bénéficier des qualités techniques du lieu qui peut aussi être loué par des entreprises ou des particuliers pour y loger le séminaire ou la soirée de leur choix : bel espace événementiel de 176 m2 le lieu spacieux et moderne dispose d’une qualité phonique de premier choix et d’une configuration modulable à sa convenance. Idéal pour les conférences, réunions et petites réceptions la Maison bénéficie de tout le confort et des services techniques et de maintenance nécessaires. Cuisine équipée, sanitaires, loges, un espace de réunion avec accès Internet et un espace de convivialité ouvert sur un jardin paysager, on peut y prévoir sur demande, des déjeuners et repas d’affaire avec les partenaires restaurateurs et traiteurs de la compagnie.
Cette polyvalence de possibilités a sans nul doute accompagné la diversité d’objectifs de la compagnie qui a su dès ce « nouveau » départ tournefeuillais faire la preuve de ses nombreuses compétences : les comédiens du Grenier cumulent pour la plupart les casquettes d’acteurs et de metteurs en scène, mais aussi de formateurs en développement personnel. Ils ont acquis en parallèle au fait de jouer d’autres cordes à leur arc, en phase avec la politique de mécénat mise en place : coaching, communication, gestion du stress, prise de parole en public, etc, le Grenier a su mettre en avant ses talents pour nourrir des partenariats et développer un solide appui du mécénat d’entreprises régionales qui soutiennent la compagnie et ont participé à l’édification du lieu, soit par des fonds, soit par des échanges concrets de matériel, soit par de l’achat de prestations pour ses employés.
Et la saison dans tout ça ?
On l’a dit la Maison abritera toutes les nouvelles créations de la Compagnie, mais cette année sera suffisamment chargée puisqu’il va falloir mener de front la mise en route de ce bel outil et la reprise de quelques grands best of de la compagnie, ce qui constitue une façon d’entrer sans précipitation dans l’exercice et de s’approprier les multiples engagements du lieu. Pas de créations proprement dites cette saison donc, Pierre Matras resitue la démarche en qualifiant les reprises de leurs grands standards de « re-créations » : « c’est à dire que l’on adaptera certains de nos plus grands succès spécialement pour Tournefeuille et pour faire venir les gens au théâtre. On prend toujours plaisir à redonner à voir des pièces qu’on a beaucoup jouées avec des comédiens qu’on adore. Et à se retrouver très nombreux sur scène dans des grosse machines scéniques pleines de bonne humeur où se mêlent les anciens et les nouveaux qui sont venus enrichir la troupe».
Vol au dessus d’un nid de coucous ouvrira donc les festivités tout le mois d’octobre ou presque, seize personnes sur scène : il n’en fallait pas moins pour incarner la galerie de personnages inoubliables du film aux cinq Oscars porté au cinéma par Jack Nicholson alias Patrick Mc Murphy. Dans un registre plus rigolo, tout imprégné de la finesse d’écriture de Sacha Guitry, Désiré qu’il incarna lui-même au cinéma en 1937 dix ans après avoir écrit la pièce, met en selle un valet de chambre « désiré et désirant » qui tombe amoureux de toutes ses patronnes et se fait virer. « S’il me fallait résumer Désiré en quelque lignes et d’un seul trait, je dirais que c’est l’histoire d’un homme dont le physique, l’assurance et la profession, précisément héréditaire, ne sont pas tout à fait en accord avec ses goûts et sa mentalité. Fils, petit-fils, arrière-petit-fils de domestique, il éprouve à obéir une véritable volupté – et d’ailleurs il le dit lui-même : « servir, c’est quelque chose de merveilleux. C’est avoir le droit d’être sans volonté… » Mais, hélas! Toute médaille a son revers et il n’a de goût réel que pour ses patronnes – et ce serait le drame de sa vie si je n’avais pas préféré en faire une comédie qui parfois est une comédie bouffe. » Pierre Matras est donc Désiré tout décembre et il porte l’habit comme personne.
Le temps de quitter son costume de domestique et d’enfiler celui du jeune Oscar, et Pierre Matras deviendra en janvier l’enfant malade mais si profondément vivant de la pièce d’Eric-Emmanuel Schmitt Oscar et la dame rose. Oscar habite à l’hôpital des enfants où il fait la rencontre de Mamie Rose, avec laquelle il va converser sur les choses de la vie jusqu’au jour où elle lui suggère d’envoyer directement ses réclamations à dieu. Commence alors une drôle de correspondance…
« Cher Dieu,
Je m’appelle Oscar, j’ai dix ans, j’ai foutu le feu au chat, au chien, à la maison (je crois même que j’ai grillé les poissons rouges) et c’est la première lettre que je t’envoie parce que jusqu’ici, à cause de mes études, j’avais pas le temps. »
On rit beaucoup, on pleure aussi et on réfléchit simplement à la fin de ce spectacle très émouvant sur ce qui fait vraiment le sel de la vie. La pièce a été jouée plus de cent fois, toujours avec un succès énorme. Elle sera là jouée seulement deux jours, les 20 et 21 janvier, à la salle Nougaro qui devient l’une des salles partenaires du Grenier cette année.
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Autre émotion, différente bien sûr, liée aux personnages et au texte magnifique de Rostand : Cyrano de Bergerac se savoure quelle que soit l’époque. Evidemment il faut des comédiens solides pour prendre leur place derrière les Sorano et autres Depardieu de notre panthéon, mais Laurent Collombert s’attaque à ce gros morceau de répertoire sans sourciller. Histoire de se détendre ensuite le Grenier reprend aussi cette année les soirées très spéciales pour nous faire découvrir ses comédiens sous un nouveau jour. Ils ne reculent devant rien et ont par le passé déjà chanté avec un orchestre, présenté une tombola et leurs personnages se sont même fait psychanalyser sous vos yeux mais ce coup-ci ils se mettre en danger en interprétant les sketches les plus célèbres de vos humoristes préférés. Exercice difficile que de faire partager l’humour de gens qu’on adore et qui font pour beaucoup partie de nos références ! Mais rien n’arrête le Grenier qui fera son one man show, deux soirs à l’Escale.
Humour toujours, s’il y a un incontournable, intemporel, standard absolu, c’est bien Un fil à la patte que l’on peut revoir sans modération. Deux ouvreurs accueillent et placent les spectateurs. Enfin le rideau s’ouvre sur… rien. En lieu et place d’un décor majestueux, le public découvre, médusé, deux pauvres malles abandonnées sur scène. Une lettre leur apprendra que tous les comédiens du Grenier de Toulouse ont quitté le projet. Dans un acte désespéré, un des ouvreurs force son collègue à jouer les acteurs de circonstance pour « montrer » au public ce qu’il a vu des répétitions. Et de « fil » en aiguille, ils vont, presque malgré eux, interpréter tous les personnages de cette folle comédie.
Dans Biographie de la faim en avril, la fantasque écrivaine à chapeaux Amélie Nothomb raconte avec humour ses vingt premières années, sa passion pour le sucré et ses voyages à travers le monde, d’Asie en Amérique : en adaptant ce roman, la comédienne Laurence Roy a choisi de camper seule en scène les personnages de cet univers sous le regard de Lucie Muratet (metteuse en scène d’Oscar et la dame rose). A venir ensuite la reprise de L’histoire extraordinaire de Basile Vincent, une fantaisie burlesque à la sauce Tex Avery très rythmée où Pierre Matras est comme un poisson dans l’eau. Enfin pour clore cette belle saison, le Portrait de Dorian Gray fait revivre le héros mythique d’Oscar Wilde, incarnation du pacte diabolique que passe un beau jeune homme pour obtenir la jeunesse éternelle. Mis en scène par Stéphane Batlle, c’est une belle conclusion à la saison, en attendant les créations toutes fraîches que nous réservera 2017/2018…
Cécile Brochard
Mécénat & Relations aux Entreprises
Sandrine Marrast
sandrine.marrast@grenierdetoulouse.fr
Tel. : 05 31 22 10 15