Pour attendre qu’un concert débute on peut se ronger les ongles, faire connaissance avec sa voisine, consulter son smartphone ou… regarder le plafond. Le Chagall de l’opéra de Paris est pour cela un idéal, mais il est à Paris. Heureusement à Toulouse nous avons la chapelle des Carmélites, écrin intimiste qui semble taillé pour la programmation de Musique en dialogue aux Carmélites. Dans le splendide ciel peint, un Moïse pas commode côtoie un Roi David un peu loin de sa lyre. Autrement plus suave est le spectacle qui coule sous nos yeux : la comédienne Marie-Christine Barrault, le pianiste Denis Pascal et la violoncelliste Marie-Paule Milone nous embarquent dans une aventure musicale sous le signe de la fameuse note bleue de George Sand. Il sera question de couleur ce soir. D’emblée, le bleu et le rouge ont été mutés : des jolis bouquets de violette ornent la scène et parachèvent le régal du regard.
Chopin chambriste, Chopin improvisateur qui s’épanouissait après minuit, Chopin angoissé qui nous embarque avec lui, Chip-Chip intime ; nous entendons le compositeur sous toutes les coutures, jusqu’à cette phrase de Boukourechliev rapportée par Marie-Christine Barrault : « avec Chopin je ne suis plus objet mais sujet ». Nous faisons le tour du sujet en 14 pièces et autant d’extraits littéraires. Pastilles.
Un moment c’est l’évocation de l’oiseau de Rimbaud qui résonne dans le Nocturne en Ut# mineur. Denis Pascal a un véritable don pour la phrase, c’est bien un volatile gracile au chant finement articulé qui sonne tristement dans la chapelle. Autant de lyrisme sans chanteuse… c’est une réussite que l’on doit au miracle de cette fameuse note bleue, au lieu si coloré, aux évocations millimétrées et envoûtantes de Marie-Christine Barrault. Le chant c’est aussi la subtilité de Marie-Paule Milone. Aussi à l’aise dans les partitions originales (la sonate pour piano et violoncelle) que dans les transcriptions, elle dégage une vibration d’un rouge terriblement… romantique.
Plus tard c’est la genèse du 15ème prélude, celui de la « goutte d’eau » (ah ! le malheur de ces pièces du grand répertoire qui sont techniquement faciles…) : le texte proposé est magnifique, je suis presque heureux de réentendre la musique, non pas comme la vision apaisée d’une pluie fine aux doux tons gris, mais comme une angoisse profonde devant la mort.
Ailleurs, nous partons avec Delacroix à la découverte des mélanges des couleurs, de ce bleu et ce rouge qui nous offrent le violet au point de leur fusion. Denis Pascal enchaîne alors avec le Nocturne op 48 aux quatre couleurs affirmées : première partie mate aux tons gelés, seconde partie chorale et luisante d’arpèges, troisième partie aux oranges déchiquetés par violence des octaves, quatrième partie épaisse, lourde, sombre, où la mélodie est brouillée dans un univers multicolore.
Soufflons un peu… je me projette maintenant dans le deuxième concert du cycle des Musiques en dialogue aux Carmélites. Le chant, cette fois-ci nous l’aurons pour de vrai, avec les évocations de Pauline Viardot, de la Malibran et un Liszt toujours enjôleur… Un concert tout autre, et en même temps qui dessine une profonde cohérence dans le cycle aux Carmélites. A dimanche ?
Thibault d’Hauthuille
Chapelle des Carmélites
1 rue du Périgord, 31000 Toulouse
Site web de Musique en dialogue aux Carmélites : www.musiquendialogue.org
Billetterie en ligne sur : https://musiquendialogue.festik.net/
Réservations à l’Office de Tourisme de Toulouse
www.toulouse-tourisme.com
0 892 18 01 80