Le phénomène des séries US est considérable ; c’est un univers en expansion et nous allons finir par avoir les yeux comme des boules à facettes. Il y a fascination, elle est souvent due à des procédés et ça ne date pas d’hier. Dans ma jeunesse, je passais un temps fou devant Kojak, Les Mystères de l’Ouest, Le riche et le Pauvre (et même la série d’anticipation française avec Pierre Vaneck, Aux frontières du possible, sorte d’ancêtre de X-Files). Il y avait de bonnes histoires, sans doute, des personnages attachants et des fins ouvertes, mais c’était assez moche.
Certaines séries d’aujourd’hui qui sortent des sentiers battus et des montages hystériques sont devenues aussi satisfaisantes que les meilleurs films de cinéma, en particulier quand on s’intéresse à leur B.O.
Cette année, nous avons découvert Stranger Things qui ravive merveilleusement la nostalgie des années 80 sans qu’on pense une seconde à quelque chose de frelaté : The Thing, Poltergeist, E.T., Les Goonies, Rencontres du troisième type pour les films, Stephen King pour les histoires, mais aussi la passion des jeux de rôle, les petits vélos, la lumière, le grain, les couleurs, Wynona Ryder, comment les gens pensent et sont attifés, les objets qu’ils utilisent à chaque instant, plus vrais que nature, et surtout la musique.
Il y a un radio-cassette qui crache Clash (Should I stay or should I go) à des moments cruciaux ; on entend aussi Foreigner, Echo & The Bunnymen ou Corey Hart. Et la musique originale nous a rendu fou ; les frères Duffey (créateurs de Stranger Things pour Netflix) l’ont confié à un groupe d’Austin (Texas) nommé Survive.
La production les attendait avec une partition à la John Williams (Jaws, Star Wars…). Ils ont trouvé une autre piste.
Leur hommage poussé à John Carpenter, réalisateur de 1997 ou The Fog et compositeur et interprète culte de ses B.O. sur de sombres synthétiseurs (notamment des Moogs), couronne la série. Il est hors de question de zapper le générique ; de toute façon il dure moins d’une minute mais il vous cloue. Mon fils de treize ans en est fan aussi, et pourtant il imagine que je vivais à son âge comme un homme préhistorique.
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https://youtu.be/FpHNlx0pPIU
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Il y a quelques années, j’étais allé chez Music Action, le shop de la musique électronique au bout du Pont neuf, pour qu’on m’explique le fonctionnement des synthétiseurs Moog utilisés par Carpenter et, bien sûr, Tangerine Dream ou Daft Punk.
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https://youtu.be/9IrBjgMrTYQ
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Le site reverb.com a publié deux vidéos particulièrement éclairantes sur l’étrange magie des machines électroniques où le musicien joue avec des oscillateurs, des filtres, des arpégiateurs, les touches d’un clavier et, s’il est doué, comme Dixon et Stein de Survive, les nerfs ou l’imaginaire de l’auditeur. Une sorte de musée rempli de Juno, Roland, Korg, Prophet et Moog vintage.
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Dans le genre, les nappes inquiétantes et douloureuses qui se fondent dans les images de Blade Runner (Ridley Scott/Vangelis), sont pareillement un modèle, et nous attendons de pied ferme Blade Runner 2 dont la réalisation a été confiée au Québécois Denis Villeneuve (Premier Contact).
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Dixon et Stein (Survive) en ont assez, paraît-il, qu’on les bassine avec leur coup de génie de Stranger Things. Pourtant, il vaut mieux, une fois dans sa vie, avoir fait quelque chose de bon plutôt que rien, même si ça colle comme un sparadrap au bout des doigts du capitaine Haddock.
Greg Lamazères