L’opéra de Haendel « Alcina » est donné par l’Accademia Bizantina dirigée par Ottavio Dantone à la Halle aux Grains, en version de concert avec la soprano Inga Kalna dans le rôle-titre et le contre-ténor Philippe Jaroussky.
À la Halle aux Grains, la saison des Grands Interprètes accueille une version de concert de l’opéra de Haendel « Alcina », avec la soprano lettone Inga Kalna dans le rôle-titre. Elle sera entourée, dans le rôle de Ruggiero, du contre-ténor Philippe Jaroussky – un an après sa fabuleuse performance dans la « Niobé, Regina di Tebe » de Steffani – et de l’Accademia Bizantina dirigée par Ottavio Dantone. Après « Orlando » et « Ariodante », c’est le dernier des opéras du compositeur inspiré de « Orlando furioso » de l’Arioste. Enchanteresse maléfique, la magicienne Alcina séduit grâce à son art, attirant sur son île des chevaliers qu’elle transforme aussitôt en bêtes sauvages ou en rochers. Éprise de Ruggiero, elle sera finalement abandonnée par celui-ci.
Pour le poète Yves Bonnefoy, «l’Arioste est avant tout un artiste, il cisèle ses vers, ses strophes, il se voue au bonheur de la belle forme, et ce faisant oublie ce rapport au temps, à la finitude, que la poésie enseigne, il rêve, irrésistiblement sa musique se fait une partition pour la voix d’Alcine, l’enchanteresse. Sur quoi, et comme malgré tout il sait bien que les rêveries sont aisément les complices des mensonges du pouvoir soit religieux soit civique, il cherche à gérer la contradiction entre lucidité poétique et plaisir à imaginer, et d’ailleurs y réussit remarquablement.»(1)
Comme « Ariodante » trois mois plus tôt, « Alcina » fut créé au Covent Garden de Londres en 1735, pour les mêmes chanteurs. Chef-d’œuvre lyrique de Haendel, il ne cesse d’enchaîner des airs admirables pour constituer un passionnant portrait de femme amoureuse – assurément le plus fouillé de toute sa production. Haendel confia au castrat Giovanni Carestini le rôle de Ruggiero, dont les airs virtuoses lui valurent d’être acclamé par le public de Covent Garden. Le compositeur Hasse affirmait alors que «celui qui n’avait pas entendu Carestini ne connaissait pas la manière de chanter la plus parfaite».
Il est peu fréquent aujourd’hui de confier le rôle de Ruggiero à un contre-ténor. Philippe Jaroussky l’a interprété l’été dernier sous la direction d’Andrea Marcon, au Festival d’Aix-en-Provence: «Moi qui suis contre-ténor, j’ai accepté ce rôle car il peut correspondre à ma personnalité, dans le contraste de cet homme-enfant mené par le bout du nez. […] En tout cas, je suis heureux que, castrat à part, le cast original soit respecté. Ce n’est que la deuxième ou la troisième fois que Ruggiero est interprété par un contre-ténor. En général, c’est une mezzo qui tient le rôle. Il est vrai que nous sommes dans un monde de femmes. […] Le livret est très fort, ces transformations sont déjà prévues au XVIIIe. Tout comme la sexualisation, avec ces métaphores sur le premier air d’Alcina: ma fontaine, ton bosquet, tu m’as montré ta rivière… Ce sont les codes de l’époque. Dans la musique baroque, il y avait ce jeu d’interversion en permanence, qu’on a ensuite perdu avec la période romantique», confessait-il alors au quotidien Libération.
Jérôme Gac
Lundi 8 février, 20h00, à la Halle aux Grains, place Dupuy, Toulouse. Tél. : 05 61 21 09 00.
(1) « Orlando furioso, guarito. De L’Arioste à Shakespeare », Mercure de France (2013).