Vous auriez tort de faire la fine bouche devant l’apothéose du ballet romantique que constitue Giselle et ce, depuis sa création un certain 28 juin 1841. Sur la musique d’Adolphe Adam, Kader Belarbi, directeur du Ballet du Capitole, donne une version comme dépoussiéré de ce fameux ballet, mais toujours avec tutus, et heureusement. Une nouvelle version respectueuse de la tradition, avec le regard de ce que nous sommes aujourd’hui.
Il vous reste quelques représentations pour juger vous-même, si vous trouvez encore quelques places car, figurez-vous, que les ballets dits classiques n’ont pas complètement dits leur dernier mot. Vous aurez aussi l’intelligence de consacrer quelques euros pour l’achat du programme qui, comme d’habitude, vous sera d’une aide précieuse pour une meilleure approche encore du spectacle qui vous attend. Investissement impératif. Vous ferez en même temps abstraction des commentaires qui voudraient qu’à tout prix, pour les fêtes de Noël et Nouvel An, il faudrait sur scène, un ballet relatant une histoire gaie, gaie, gaie, et non pas celle d’une malheureuse qui meurt dès la fin du premier acte !!
Avant que je n’oublie, et pour éviter ce qui peut avoir été dit et écrit par plus compétent que moi, vous ne pouvez faire l’impasse sur le blog, de deux articles qui vous attendent, l’un signé d’Annie Rodriguez du 17 décembre, et l’autre de Jérôme Gac, du 13 décembre. Je ne veux donc pas répéter, et faire plutôt dans le court. Mais, signaler cependant :
Que Kader Belarbi, chorégraphe et metteur en scène, sait de quel ballet il parle, il le connaît par cœur, l’a dansé évidemment, dans des chorégraphies différentes, ce qui ne l’a pas empêché de vouloir en savoir davantage, côté musique d’abord, d’où ses nombreuses recherches, réintégrant avec habileté des séquences musicales passées à la trappe, ce qui lui permet d’envisager, avec un culot de bon aloi, un premier acte bien plus intéressant qu’à l’ordinaire tout en conservant toute la féerie attendue de la deuxième partie. Ce deuxième acte est toujours tout en tutu et voiles blancs tandis que le premier fait référence sans s’en cacher aux peintures d’un certain Pieter Brueghel l’Ancien. « Ces costumes faits de toile grossière, rustique et très colorés doivent servir de repoussoir aux longs tutus vaporeux en tulle de soie blanc de l’acte II, et ce, afin de marquer encore plus le contraste entre réel et féerie, monde paysan et domaine des ombres. » Olivier Bériot, costumier.
Le metteur en scène chapeaute tout ce qui est décors, costumes et lumières. « Pas de vendangeurs qui sautent en l’air sous des couronnes de fleurs, mais de gros vignerons qui foulent la terre, affirme-t-il. J’ai tout descendu, j’ai voulu quelque chose de plus rude, presque grossier. » Et les décors et costumes sont à l’avenant. Le contraste entre les deux actes n’en sera que plus saisissant, présentant ainsi un plus que le public apprécie fort. D’autre part, la direction du chef d’orchestre suisse, Philippe Béran, à la tête de l’Orchestre National du Capitole, me semble tout à fait en accord avec le responsable de cette nouvelle production.
A ce jour, je n’ai pu voir les deux distributions qui concernent surtout les deux rôles principaux, celui de Giselle, bien sûr, et du Prince Albrecht. Mais, au bilan, et en usant du bouche à oreille, les deux donnent entière satisfaction, et les spectacles sont une réussite au fil des représentations. A vous, attitudes et arabesques, sissonnes à profusion. Toutes les figures des Wilis emportent l’adhésion et sont saluées à plusieurs reprises par le public, y compris leur reine, Myrha, dansée par Ilana Werner, nouvelle recrue du ballet qui devait bien avoir un peu le trac, tout comme d’autres visages nouveaux pour cette saison.
Quant aux pas de deux de Giselle et Albrecht, ils devraient vous arracher des soupirs multiples de satisfaction, et on conseillera beaucoup de prudence à tous les couples qui se lanceront dans portés et sauts chez eux.
N. B. On n’oubliera pas que Giselle devient wili en raison de son amour inconditionnel et immodéré de la danse. Enfin, les Wilis sont des jeunes filles mortes avant le jour de leurs noces. C’est d’ailleurs pour cela qu’elles reviennent parées de vêtements de noces – les tutus donc et voiles – qu’elles n’ont pu arborer de leur vivant.
Michel Grialou
« Giselle », jusqu’au 31 décembre,
au Théâtre du Capitole,
place du Capitole, Toulouse.
Tél. : 05 61 63 13 13.
photos © David Herrero