Projection dans les cinémas UGC de la mise en scène de « la Vie parisienne » d’Offenbach créée par Laurent Pelly à l’Opéra de Lyon, où fut captée la représentation.
Dix ans après « Orphée aux enfers », sa première production pour l’opéra, Laurent Pelly signait une neuvième mise en scène d’une œuvre d‘Offenbach. C’était en 2007 avec « La Vie parisienne », à l’Opéra de Lyon, juste avant de prendre ses fonctions à la direction du Théâtre national de Toulouse aux côtés d’Agathe Mélinand. Cette production lyonnaise fut d’ailleurs reprise à Toulouse, au TNT, dans le cadre de la saison hors les murs du Théâtre du Capitole, en 2008. Une captation réalisée à Lyon sera projetée dans les cinémas UGC, dans le cadre de la saison Viva l’Opéra !.
Le livret a été transposé par Agathe Mélinand dans le Paris d’aujourd’hui, soit l’une des premières destinations touristiques de la planète. Après avoir été transformée par Haussmann à coups de grandes artères, la capitale était déjà sous les feux des projecteurs du Second Empire puisqu’elle s’apprêtait à accueillir l’exposition universelle de 1867. Pour la première fois dans l’un de ses opéras bouffe, Jacques Offenbach y tendait un miroir à ses contemporains. Laurent Pelly s’applique à recréer ce procédé avec les spectateurs du XXIe siècle dans la France bling-bling de Sarkozy.
Ce pauvre baron de Gondremark (excellent Laurent Naouri), fraîchement débarqué de sa Suède avec la ferme intention de s’en «fourrer jusque-là !», évolue donc d’une gare parisienne en grève vers une soirée où le champagne coule à flot, avant de se vautrer dans un restaurant couru par le tout Paris à la recherche d’une mondaine à séduire. Le metteur en scène orchestre cette visite chaotique avec une folie non retenue. Tout concourt à faire de ce spectacle une fête : de l’impressionnante scénographie de Chantal Thomas aux chorégraphies dépravées de Laura Scozzi, en passant par l’audace des chanteurs disposés à toutes les cabrioles.
Comme toujours, Laurent Pelly signe les costumes, moulant tel dandy sexy dans un pantalon slim (Marc Callahan parfait en Bobinet) avant de le déshabiller en robe de chambre, et d’affubler son comparse d’un simple caleçon (Jean-Sébastien Bou en Gardefeu). Le défilé des faux jet-setteurs est l’occasion d’un déballage d’étoffes propice à la parodie d’une société bourgeoise soucieuse des apparences. La fin du troisième acte donne à voir sans complexe une véritable bacchanale : on se demande alors comment Laurent Naouri parvient à chanter et respirer avec un gosier si aspergé de breuvages.
Au petit matin, les éboueurs ramassent ces gens piteusement échoués sur les trottoirs de la capitale. Au quatrième acte, malgré des projets extraconjugaux, le baron finira par retrouver sa baronne dans une ambiance d’after où les clubbeurs s’adonnent aux joies de la luxure à choix multiples. Le Brésilien est alors le maître de cérémonie d’un ballet final iconoclaste et exaltant, expurgé de l’habituel french cancan. La réussite est totale.
Avec cette production, Laurent Pelly trouve une nouvelle occasion d’approfondir la question qui hante la plupart de ses personnages croisés au TNT: la puissance de l’imaginaire face à une réalité trop exiguë. Dans la lignée du « Menteur » de Carlo Goldoni, de l’Alice de Lewis Carroll, du « Roi nu » d’Evgueni Schwartz, de « Jacques ou la soumission » d’Eugène Ionesco, ou des « Talking heads » d’Alan Bennett, le baron et les dandys de « la Vie parisienne » se réfugient dans le monde du fantasme. À leur manière, ils rêvent tous à une nouvelle vie pour réinventer un quotidien insatisfaisant pour certains, insupportable pour d’autres. Ou les vertus du théâtre pour oublier la pauvre réalité de nos existences.
Jérôme Gac
« La Vie parisienne », jeudi 3 décembre,
19h30, dans les cinémas UGC.
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photo: « La Vie parisienne » © Patrice Nin
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