Le Théâtre du Capitole confie à Aurélien Bory une nouvelle production du « Château de Barbe-Bleue » de Bartók et du « Prisonnier » de Dallapiccola. Dirigés par Tito Ceccherini en ouverture de la saison de l’opéra toulousain, les deux ouvrages y sont pour la première fois présentés en version scénique.
Confiée au Toulousain Aurélien Bory, dont c’est la première incursion dans la sphère lyrique, une nouvelle production du Théâtre du Capitole réunit deux courts ouvrages : « Le Château de Barbe-Bleue » de Béla Bartók et « le Prisonnier » de Luigi Dallapiccola. La mise en scène d’Aurélien Bory s’appuie sur les créations du plasticien Vincent Fortemps et du scénographe Pierre Dequivre. La direction musicale est assurée par le chef d’orchestre milanais Tito Ceccherini. Ce dernier retrouve la fosse du Capitole où il créa en 2014 « les Pigeons d’argile » de Philippe Hurel. S’il a déjà dirigé à plusieurs reprises le chef-d’œuvre de Bartók, notamment en Autriche, il abordera pour la première fois « le Prisonnier ».
Créé en 1918, « le Château de Barbe-Bleue » est l’unique opéra du compositeur hongrois. L’ouvrage est représentatif de la technique d’écriture de Bartók, lequel s’employait de manière permanente à jongler avec les rapports proportionnels de durée comme outil de construction et d’équilibre de sa musique. La Sonate pour deux pianos et percussion, le « Divertimento », « Contrastes », certaines pièces de « Microkosmos », ou encore la « Musique pour cordes, percussion et célesta » ont pour point commun avec « le Château de Barbe Bleue » ce souci de fusionner musique et rapports mathématiques par l’utilisation du nombre d’or.
Membre de la troupe de l’Opéra de Francfort, la mezzo-soprano suisse Tanja Ariane Baumgartner fait ses débuts sur la scène du Capitole dans les rôles de Judith et de La Mère. Après « Rigoletto » et « la Dame de pique », la basse roumaine Bálint Szabó (photo) retrouve la scène toulousaine pour interpréter Barbe-Bleue. Situé dans une salle du château, le livret du poète symboliste Béla Balázs confronte Barbe Bleue à la jeune fille qu’il vient d’enlever pour en faire sa nouvelle épouse. L’obscurité des lieux incite celle-ci, malgré l’interdiction de Barbe Bleue, à ouvrir les sept portes du château pour y faire entrer la lumière.
Selon Aurélien Bory (photo), «Béla Balázs a écrit un livret fascinant, qui place la lumière au premier plan. Les sept portes suivent la décomposition de la lumière. Judith veut ouvrir les portes pour faire entrer le vent et la lumière dans ce château – qui n’est autre que Barbe-Bleue lui-même. Elle veut faire toute la lumière de façon à respirer à nouveau, à faire taire la rumeur étouffante. Elle veut connaître Barbe-Bleue, et cette connaissance est un acte d’amour. Barbe-Bleue préfère l’opacité et le silence. Il cache dans son cœur les femmes qu’il a aimées et qu’il a rendues muettes. Barbe-Bleue et Judith sont d’une certaine manière l’histoire de l’échec de l’amour. Le point central est évidemment le motif de la porte. Même si je voulais que ces portes rappellent l’architecture d’un château, j’ai pensé à une structure légère qui puisse être sensible au vent. J’ai ainsi imaginé un mobile de portes encastrées, dont la forme évoque le spectre lumineux, l’arc en ciel.»
Créé en 1949, premier opéra sériel italien, « le Prisonnier » s’impose alors dans le paysage musical de la péninsule comme un tournant à une époque de réaction esthétique. Situé dans l’Espagne de l’Inquisition, le livret est un manifeste contre les totalitarismes : alors qu’une révolte dans les Flandres pourrait mettre fin au pouvoir absolu du roi d’Espagne, un prisonnier de l’Inquisition entend son geôlier lui chanter une vieille chanson célébrant la liberté. Trouvant la porte de la cellule ouverte, le Prisonnier s’évade mais le Grand Inquisiteur le rattrape.
Selon Aurélien Bory, «dans « le Prisonnier », la question est bien celle de la liberté, ou plutôt celle de l’illusion de la liberté qui renvoie effectivement à la question de la condition humaine. Dallapiccola place dans à peu près chaque scène une apparition, une illusion. Le Prisonnier flotte et souffre dans ces illusions. Il cherche mais ne parvient pas à regagner le réel. L’Inquisiteur est celui qui l’en empêche. Comme le rêve de la Mère, le discours du Geôlier, le couloir, tout est illusion. Et l’opéra finit sur une terrible désillusion. Cette réflexion sur l’illusion m’a amené à choisir l’artiste Vincent Fortemps comme collaborateur. Son travail de dessin en direct, qui se forment et s’effacent au fil de l’action convient parfaitement à la suite d’illusions dans cet opéra. De plus, « le prisonnier » est traversé par de multiples références à Victor Hugo, qui était lui-même un dessinateur étonnant. Dont Vincent Fortemps ne manquera pas de s’inspirer.»
Le rôle-titre sera tenu par le baryton turc Levent Bakirci. Membre de la troupe du Staatheater de Nuremberg, il fera ses débuts sur la scène du Capitole. Déjà apprécié maintes fois à Toulouse depuis 1999 (Offenbach, Poulenc, Monteverdi, ou dernièrement dans « Les Pigeons d’argile »), le ténor Gilles Ragon sera l’interprète du Geôlier et de L’Inquisiteur.
Jérôme Gac
« Le Château de Barbe-Bleue » &
« Le Prisonnier », du 2 au 11 octobre,
au Théâtre du Capitole,
place du Capitole, Toulouse.
Tél. 05 61 63 13 13.
Rencontre avant la représentation, 19h00.
Débat et démonstration,
samedi 26 septembre, 17h30 ;
Conférence, jeudi 1er octobre, 18h00,
au Théâtre du Capitole (entrée libre).
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Photos :
A. Bory & B. Szabo © Patrice Nin
A. Bory © Aglaé Bory