Maxime Lachaud a écrit l’encyclopédique « REDNECK MOVIE », et il fait partie des 7 ouvrages que devra départager pour la seconde année le jury du GROPRIX LITTERAIRE, qui succédera à LA FIN DU MONDE A DU RETARD, de J.M.Erre.
Je vous parlais du 1er GroPrix ici. Le jury est toujours composé de Manu Jardin, Gerard Trouilhet, Benoit Delépine, Jean-Pierre Bouyxou, Patrick Raynal, Noël gloup gloup Godin. Le livre « REDNECK MOVIE » (Edition Rouge Profond) est l’ouvrage le plus complet sur la culture redneck. Vous ne savez-pas ce que c’est ? Présentation avec ce teaser, avant que son auteur Maxime Lachaud réponde à mes questions :
Peux-tu te présenter ?
Conçu il y a quarante ans sur une vigne de Grenache, je commence à me faire ma culture en rednecks à l’adolescence à l’aide des bouquins et des films. Depuis la majorité, je m’évertue à répandre les cultures étranges sous toute forme que ce soit (télé, radio, écriture, expositions, festivals, fanzines…). J’ai été persuadé très tôt que c’est en se plongeant dans les ténèbres que l’on peut apporter un peu de lumière en ce monde.
D’où te vient cette passion pour les redneck, et plus particulièrement sur les redneck movies ?
C’est venu par les écrivains du Sud des États-Unis d’abord : William Faulkner, Erskine Caldwell, Flannery O’Connor, Cormac McCarthy, Harry Crews, Joe R. Lansdale… Puis très jeune j’ai vu des films comme Délivrance ou Baby Doll qui m’ont beaucoup marqué. À partir de là, j’ai commencé à collecter tout ce qui se rapprochait de la culture des péquenauds du Sud profond. Puis bien plus tard, alors que je travaillais sur un livre sur Harry Crews, j’ai découvert tout ce cinéma indépendant des années 1960 et 1970 qui approvisionnait les drive-in régionaux en centaines d’œuvres poisseuses et brutales, mettant en scène des personnages dégénérés, consanguins, sexuellement déviants, parfois cannibales. Bien entendu, j’ai été intrigué, et à partir de là, j’ai amassé une grosse documentation sur le sujet (livres, VHS, imports, articles, objets…).
Combien de temps cet ouvrage t’a-t-il demandé ?
Les premières lignes ont été écrites en 2004, puis le projet a muté pour se finaliser aux alentours de 2013. Au début, il était assez proche du dictionnaire et très imposant. J’ai ensuite décidé d’aller vers une approche plus fluide et narrative, et de réduire le nombre de films abordés, même si l’ouvrage peut toujours être lu comme un dictionnaire pour qui le souhaite.
Le sous-titre « ruralité et dégénérescence dans le cinéma américain » laisse supposer un jugement péjoratif alors qu’à la lecture, on ressent un réel attachement pour ces personnages. Pourquoi ce choix ?
La ruralité et la dégénérescence sont deux aspects fondamentaux qui caractérisent le redneck. Il ne faut pas oublier que ce terme est une insulte à la base. Si une personne se fait traiter de « redneck », elle ne va sûrement pas l’apprécier. Le terme conjugue tout un tas de clichés péjoratifs. C’est pourtant l’aspect irrécupérable, marginal, brut de décoffrage, qui a amené des générations de pauvres sudistes, descendants de mineurs des Appalaches ou de revendeurs d’alcool frelaté de l’état de Géorgie, à s’identifier à la figure du « redneck » et d’en revendiquer l’héritage et tout le folklore qu’on lui associe (le goût pour les armes à feu et les jeux de boue, la culture country, les pickup trucks customisés, les drapeaux confédérés, le moonshine, etc.).
Qui aurais-tu aimé rencontré pour ce livre ?
Hélas, de nombreux cinéastes ou comédiens sont décédés pendant la rédaction de cet ouvrage. Le réalisateur de Preacherman par exemple, un petit succès de drive-in du début des années 70, est un personnage fascinant et énigmatique. Cela m’a pris du temps pour trouver sa véritable identité et de me rendre compte qu’il était devenu une référence dans l’écriture théâtrale et la comédie musicale américaine, bien éloignée des films de rednecks qu’il avait faits en début de carrière et sous pseudonyme. Hélas, quand j’ai pu retrouver sa trace, je suis tombé sur ses anciens collègues de travail et sa veuve qui pleuraient son décès. Ces situations sont toujours très délicates. J’aurais aussi rêvé de rencontrer des acteurs comme Dub Taylor ou George Buck Flower ou un cinéaste comme Ron Ormond, mais ils sont tous morts et enterrés depuis longtemps à présent.
Depuis la publication de ton livre, j’essaie de voir quels films en salle auraient pu y figurer. Je pense à American Sniper et True Detective. Quels films aurais-tu rajoutés ?
Bien sûr, la liste est infinie. Le redneck fait partie intégrante de la culture américaine. D’ailleurs, dans le film de Clint Eastwood que tu cites, il y a un passage fort intéressant où sa future femme parle de lui comme d’un redneck et le sniper s’en défend aussitôt, en utilisant des arguments (le rodéo notamment) qui le rattachent définitivement à cette culture. La série True Detective dans sa première saison est aussi un très bon exemple. Mais la liste peut être longue car au bout du compte les productions régionales continuent à exister, même si elles ont du mal à se faire distribuer, et les documentaires axés sur les white trash, comme ceux de Sean Dunne ou Roberto Minervini de nos jours, ont un peu repris le flambeau, même si leur regard anthropologique est on ne peut plus éloigné du cinéma d’exploitation. Le redneck reste une figure obligée du folklore étatsunien et peut être utilisé à loisir pour désigner une Amérique que l’on aime à haïr et dont on peut se moquer à loisir.
Le plus beau compliment qu’on t’ait fait au sujet de ton ouvrage ?
Le plus beau compliment n’a pas été fait avec des mots. Un beau matin au courrier, j’ai reçu un drôle de paquet emballé dans du carton pour compotes. À l’intérieur se trouvait un alcool fait avec un alambic maison et offert par un lecteur. Comme du bon vieux moonshine à 60 degrés. Inutile de dire que la mixture est sublime et qu’elle rend complètement dingue. À consommer avec une extrême précaution. Pour l’occasion l’alcool a été nommé le « Redneck 31 ». Les personnes intéressées peuvent me contacter pour une dégustation !
Pour conclure, 2 critiques de l’ouvrage : à gauche celle de Stéphane du Mesnildot pour Les Cahiers du cinéma et à droite celle de Gérard Biard pour Charlie Hebdo (cliquez dessus pour les agrandir). Bonne lecture !