Le succès de ce cycle qui a atteint une sorte de maturité exemplaire permet à sa 7ème édition d’afficher une palette de styles, d’écoles et d’époques d’une fructueuse richesse. L’événement culturel et musical réunit, une fois de plus, les quatre institutions majeures de Toulouse et sa région qui s’engagent ainsi dans une démarche salutaire d’élargissement du répertoire aux productions d’aujourd’hui. Cette entreprise collective n’est pas seulement souhaitable, elle représente une nécessité, un élixir de jouvence contre la sclérose ! Saluons donc une fois encore l’initiative du collectif éOle, d’Odyssud, du Théâtre du Capitole et du Théâtre Garonne qui éclaire le paysage culturel de la région.
Pour ces quatre institutions, il ne s’agit pas de créer une entité supplémentaire au déjà riche panorama musical toulousain. L’objectif est de susciter une synergie entre ces organismes dans le but de promouvoir la création et d’habituer le public le plus large possible aux langages nouveaux ou différents. En définitive, cette succession d’événements aussi divers que stimulants permet de constater qu’il n’existe pas UNE musique contemporaine, mais une floraison de voies diverses dans laquelle chaque œuvre est un monde en soi. Ce partenariat propose pour cette saison 2015-2016 un cycle de cinq manifestations originales.
Le Château de Barbe-Bleue, dans une récente version de concert donnée à Toulouse
– Photo Classictoulouse –
2, 4, 6, 9, 11 octobre 2015, Théâtre du Capitole
* Le Château de Barbe-Bleue, de Béla Bartók (1881-1945) – Opéra en un acte et un prologue sur un livret de Béla Balázs, créé le 24 mai 1918 à l’Opéra de Budapest
* Le Prisonnier (Il Prigioniero), de Luigi Dallapiccola (1904-1975) – Opéra en un acte avec prologue sur un livret du compositeur, d’après Villiers de l’Isle-Adam, créé en concert le 1er décembre 1949 à Turin (création scénique : 20 mai 1950, Florence)
Ces deux courts opéras, à la fois métaphysiques, humanistes et politiques tentent d’analyser les effets de l’espoir sur l’esprit humain. Judith, chez Bartók, souhaite faire entrer la lumière dans la demeure de son époux. Elle est la face lumineuse de l’attente et de l’enthousiasme qui pense pouvoir vaincre les inquiétudes – sans imaginer que des effets plus sombres pourront en résulter. Le héros du Prisonnier de Dallapiccola est aussi guidé par l’espoir que manie avec habileté l’homme de foi. Là encore, la lumière et l’espérance se retourneront contre celui qui s’en nourrit. Ces deux chefs-d’œuvre ont marqué leur époque par leur style si unique et personnel. À la mise en scène, Aurélien Bory, artiste phare de la scène contemporaine internationale.
François Sarhan, compositeur de L’Nfer, un point de détail
20 novembre 2015, Théâtre national de Toulouse
* L’Nfer, un point de détail, de François Sarhan (né en 1972). – Pour narrateur, ensemble et électronique (création à l’Arsenal de Metz en 2006) avec l’ensemble SCENATET.
C’est la soirée popart de François Sarhan, créée à l’Arsenal de Metz en 2006, où elle avait fait polémique. Ni spectacle, ni pur concert, mais un plateau de variétés : le studio Radio-Sarhan. Sur ce plateau, huit musiciens et des micros, de la musique de chambre librement mêlée à du rock, des ordinateurs, des échantillons, de la parole, des corps pris par la parole, de la musique prise par la parole. Dans une atmosphère fiévreuse et sarcastique, qui évoque les grandes heures du rock expérimental et semble invoquer le spectre de Zappa, une partition très serrée explore dans le détail les rythmes, hésitations, suspensions et reprises de la voix parlée ordinaire. SCENATET est reconnu comme l’un des ensembles les plus novateurs et expérimentaux dans les pays scandinaves.
Erwan Keravec, sonneur de cornemuse
5 février 2016, Théâtre Garonne
* Vox / Nu Piping # 2, Cornemuse et voix
– Erwan Keravec, Beñat Achiary Improvisations
– Philippe Leroux Le Chant de la pierre (2014)
– José Manuel López López No time (2014)
– Erwan Keravec, Beñat Achiary Improvisations
– Oscar Strasnoy Hanokh (2013)
Erwan Keravec, Sonneur virtuose, travaille à de nouvelles formes musicales affranchies de la culture traditionnelle de son instrument : « J’imaginais une musique pour cornemuse qui n’ait d’autre fonction que celle d’être écoutée ». L’ambition de créer un nouveau répertoire se concrétise par la commande de pièces solistes à huit compositeurs contemporains. Son duo d’improvisation avec Beñat Achiary révèle le rapport quasi charnel et puissant unissant la voix et la cornemuse et l’amène à prolonger ce premier travail par une série de pièces écrites pour soprano, baryton et cornemuse. « J’ai sollicité quatre compositeurs très différents, connaissant parfaitement la voix mais pas la cornemuse. Leur perception de l’instrument exploite la diversité sonore qu’il est capable de produire. »
Philippe Leroux, compositeur de Quid sit musicus ? © Pierre Raimbault
5 mars 2016, Théâtre du Capitole
* Quid sit musicus ?, de Philippe Leroux (né en 1959)
Pour 7 voix, 2 instruments et électronique – Commande Ircam-Centre Pompidou – création le 18 juin 2014 à l’Ircam (Espace de projection / Paris) lors du festival Manifeste. Avec l’Ensemble Solistes XXI.
Avec Quid sit musicus ?, il semble que Philippe Leroux ne nous fasse pas seulement le don d’une page majeure de l’art vocal d’aujourd’hui, mais aussi celui d’une démultiplication de nos sensations auditives, une « oreille augmentée », par allusion au papier augmenté d’un crayon Bluetooth utilisé par le compositeur pour la conception de cette œuvre. Nous n’aurions peut-être nul besoin d’une telle oreille si nous vivions dans un paysage musical homogène, sans passé ni « ailleurs ». Mais, aujourd’hui, compositeurs et auditeurs partagent la même possibilité de parcourir en tous sens l’histoire et la géographie musicale, et celle de côtoyer des sons de toute nature, acoustiques ou électroniques. Formé à l’électroacoustique (avec Pierre Schaeffer), à la composition instrumentale (avec Ivo Malec) et à l’analyse musicale (avec Claude Ballif) au Conservatoire de Paris, tout autant qu’au chant grégorien, Philippe Leroux fonde son art sur le déploiement d’une telle richesse référentielle.
Le compositeur Arvo Pärt © Kaupo Kikkas
23 mai 2016, Odyssud Blagnac
* Arvo Pärt : 80 by 8, d’Arvo Pärt (né en 1935)
La musique envoûtante et mystique d’Arvo Pärt par ses interprètes d’élection.
– Alleluia Tropus (2008)
– Morning Star – Prayer above the tomb of Saint Bede in Durham Cathedral, pour chœur mixte a cappella (2007)
– Most Holy Mother of God, pour quatre voix a cappella (2003)
– The Deer’s Cry, pour chœur mixte a cappella (2007)
– Solfeggio, pour chœur mixte a cappella (1963)
– Seven Magnificat Antiphonen, pour chœur mixte a cappella (1988-1991)
-Missa Syllabica, pour chœur mixte a cappella (1977-1996)
– Virgencita, pour chœur mixte a cappella (2012)
– Kontakion & Ikos ; Ode IX ; Prayer, extraits de Kanon Pokajanen, pour chœur mixte a cappella (1997)
Inventeur d’une musique épurée et prenante, Arvo Pärt a su toucher la sensibilité d’un large public, envoûté par sa musique à la fois familière et étrange, mystique et sereine. Né en 1935 en Estonie et chrétien orthodoxe, il a tout d’abord vécu sous l’oppression soviétique. Après une longue période d’étude de la musique ancienne, il invente à partir de 1976 une musique singulière, qu’il nomme le tintinabulisme, par référence au tintement de trois cloches dont les accords parfaits flottent dans l’air longtemps après avoir été émis. Il est considéré comme l’une des grandes figures du minimalisme aux côtés de Reich ou Adams. Sa musique a fait l’objet d’une centaine d’enregistrements et est utilisée dans de nombreux films et chorégraphies. À l’occasion de ses 80 ans, son interprète d’élection Paul Hillier dirige ici les huit magnifiques chanteurs de son choeur Theatre of Voices dans un programme d’hommage intitulé 80 by 8. Il propose un vaste panorama de 50 ans de musique vocale sacrée, depuis les chefsd’oeuvre anciens que sont Solfeggio (1963) ou la fameuse Missa syllabica (1977), jusqu’à quatre remarquables créations de ces dix dernières années.
Serge Chauzy
une chronique de Classic Toulouse
Renseignements et réservations :
– Odyssud : 05 61 71 75 15
– Théâtre du Capitole : 05 61 63 13 13
– Théâtre Garonne : 05 62 48 54 77
– Collectif éOle : 05 61 71 81 72