Parfaite osmose pour ces Fiançailles !
Voilà une reprise magnifique. Déjà en 2011 entre le Capitole et l’Opéra Comique les publics et la critique avaient plébiscité ce spectacle. La reprise avec une distribution presque identique retrouve ce théâtre total qui nous avait tant séduit. La mise en scène, les décors, les costumes et les lumières en parfaite harmonie permettent aux spectateurs de rêver toutes oreilles ouvertes et yeux comblés. Le parti pris minimaliste des décors permet au théâtre de se développer à l‘infinie. Lorsque Don Jérôme enferme à clef sa fille, la fausse porte prend des allures de vraie prison. Les lumières de Paul Payant poétisent la scène nue permettant à l’imagination de chaque spectateur de recréer un monde. Du grand art permettant à la fois de voir tous les artifices du théâtre et pourtant d’y croire totalement comme un enfant. Le jeu des acteurs est fin. Par exemple Garry Magee sait très bien jouer l’amoureux sincère et touchant et prendre de la distance avec son personnage pour en révéler le coté factice. Les deux pères indignes et trop affairistes ne ménagent pas les effets comiques avec plus de voix pour Mikhail Kolelishvili et plus de théâtre pour John Graham Hall.
La Duègne entièrement comique d’Elena Sommer est inoubliable. Vladimir Kapshuk en Don Carlos joue sur les deux tableaux de la sensibilité amoureuse et du comique avec une allure romantique irrésistiblement décalée au milieux de la poissonnerie. Les jeunes femmes, Anastasia Kalagina en Louise et Anna Kiknadze en Clara, sont les plus rouées et mènent au final l’action en suivant leurs désirs, aussi belles actrices que parfaites chanteuses.
La distribution est sans failles jusque dans les plus petits rôles, chaque voix est typée et s’harmonise avec la personnalité théâtrale du rôle . Le chœur joue bien plus que d’ habitude et chante admirablement. Les danseurs sont épatants aussi drôles que virtuoses.
Un grand concert symphonique à l’opéra !
SI le théâtre est roi la musique est une souveraine absolue. Tugan Sokhiev qui vit cette partition avec passion en communique toute la fougue à son orchestre. Prokofiev permet des effets de couleurs irisées. Les associations d‘instruments originales et les nuances ciselées font exulter les instrumentistes, surtout les musiciens de scène acteurs épatants ! Mais la qualité la plus rare vient de l’humour avec lequel le chef rend perceptible la satire contenue dans la partition. En contre point, les rares moments lyriques semblent d’une infinie délicatesse. L’équilibre fosse/scéne est parfait. Les voix toujours compréhensibles et l’orchestre très présent, comme un vrai orchestre symphonique. Et le final de l‘opéra a une folie digne de Rossini. Ciselé comme une horlogerie suisse par un Tugan Sokhiev heureux et des musiciens virtuosissimes. Un Grand succès a été obtenu au rideau final pour toute l‘équipe venue saluer.
Les Toulousains ont été enchantés de retrouver une production si réussie et son chef chéri aussi heureux que doué dans la fosse. Pas étonnant que le Bolchoï l’ai choisi, car il s‘agit d’un vrai maestro di scena !
Toulouse.Théâtre du Capitole. Le 15 mai 2015. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Les fiançailles au couvent, Opéra lyrico-comique en quatre actes et neuf tableaux; Livret du compositeur assisté de Mira Alexandrovna Mendelson, d’après le livret d’opéra-comique de Richard B. Sheridan : La Duègne ou Le double enlèvement ; Création au Théâtre Kirov de Leningrad le 3 novembre 1946 ; Production Théâtre du Capitole / Opéra-Comique de 2011. Mise en scène, Martin Duncan ; Décors et costumes, Alison Chitty ; Lumières, Paul Pyant ; Chorégraphie, Ben Wright. Avec : John Graham Hall, Don Jérôme ; Gary Magee, Don Ferdinand ; Anastasia Kalagina, Louise ; Elena Sommer, la duègne ; Danil Shtoda, Don Antonio ; Anna Kiknadze, Clara d’Almanza ; Mikhail Kolelishvili, Isaac Mendoza ; Vladimir Kapshuk, Don Carlos ; Alexander Teliga, Père Augustin ; Vasily Efimov, Frère Elustaphe / Premier masque ; Marek Kalbus, Frère Chartreuse/Deuxième masque ; Thomas Dear, Frère Bénédictine / Troisième masque ;Chloé Chaume, Lauretta ; Catherine Alcoverro, Rosina ; Claude Minich, Premier novice / Pablo ; Emmanuel Parraga, Deuxième novice / Pedro ; Alfredo Poesina, Lopez ; Carlos Rodriguez, Miguel. Chœur du Capitole, direction, Alfonso Caiani ; Orchestre National du Capitole ; Direction musicale : Tugan Sokhiev.
Publié par Hubert Stoecklin sur Classiquenews.com
Toutes les photos sont dues au talentueux Patrice NIN