Un coffret-voyage par Etienne Bours & Jean Pierre Urbain
(Le Chant des Fleuves : Une collection discographique du label Accords Croisés)
Misi Sipi, en Algonquin, signifie « le père des eaux ». Un nom venu d’un autre temps, un mythe, un Dieu peut-être, il coule des grands lacs jusqu’au Golfe du Mexique. Ses eaux s’en vont caresser tous les rivages musicaux qui firent l’histoire des musiques américaines. Il colle dans les vases du blues, il sue dans les bayous des musiques cajun et zydeco, il se gonfle du souffle des jazzmen de New Orleans, il déborde d’enthousiasme sous le rock et la soul de Memphis, il bruisse des vagues old time, bluegrass, folk, rock et rap des villes et des campagnes qu’il traverse. Il est le grand fleuve musique par excellence.
Etienne Bours
On frappe ici les trois coups d’une petite série de billets consacrés aux actualités d’Etienne Bours, spécialiste des musiques du monde (pour ne retenir qu’une de ses spécialités en rapport avec mon propos), co-auteur chez Accords Croisés de cet incontournable coffret discographique consacré aux musiques actuelles qui bordent le Mississippi. Plus récemment, Etienne vient de signer chez Fayard un livre qui fait déjà référence sur le thème de la musique irlandaise, un travail de fou, documenté comme une thèse de docteur, et qui se lit comme un roman.
Vous aviez peut-être suivi sur ce blog la longue interview d’Etienne Bours lors de la parution de son livre Pete Seeger, un siècle en chanson, premier livre en français relatant l’histoire de ce songwriter-militant de légende, qu’il avait eu la chance de rencontrer chez lui.
Du Mississippi à l’Irlande, on en a pour quelques semaines à s’immerger dans les eaux musicales de sacrées cultures, vigoureuses d’une vitalité qui ne doit pas grand-chose aux subventions. Avec Etienne, on peut parler musique des heures et des heures, ce que je fais depuis des années sans voir le temps passer. Premiers échos depuis son bureau aux dix mille cd !
Scott Dunbar © William R.Ferris Collection #20367
« Ça rock sur le fleuve et ça roll sur la route, mais ça bouge toujours vers le nord »
Qui, dans sa ville ou son bout de campagne, ne va de temps à autre mettre à flot ses rêveries, et laisser l’onde du fleuve, de la rivière, ou du ruisseau qui serpente l’envahir de son murmure, laver son regard, et regonfler son cœur? Aux flots caressants ou tumultueux des eaux douces, de tous temps l’Homme a confié ses histoires et rincé sa peau.
Mississippi, Le Chant du Fleuve, parle de musique vivante, plus que de tradition. La musique d’aujourd’hui y suit toujours la même dynamique: du creuset du Delta, au sud, elle remonte vers les villes du nord par le fleuve, et par son double de bitume la highway 61.
» Il se passe beaucoup de choses très emblématiques dans le sud aujourd’hui encore : Bentonia, Clarksdale, la Louisiane… C’est-à-dire, ce sont des musiques qui sont restées proches de leurs racines sans renier pour autant tous les apports venant du Nord et des mouvements musicaux du XX siècle. Mais dire que le blues du sud a disparu serait une aberration. Il y a là une musique terriblement organique, enracinée, proche des gens, vivante… Des choses se passent à Chicago évidemment et je cite d’ailleurs le directeur du label Stax à Memphis qui disait que finalement on peut voir Chicago comme un faubourg de Memphis.
Le blues est né dans le sud, le cajun aussi, comme le zydeco, et le jazz, un certain gospel également… Et tous ces styles sont encore complètement épanouis dans leurs régions d’origine. Les villes du nord sont surtout le reflet de tout ça. On pourrait vraisemblablement faire une anthologie du rap en parlant davantage de St Louis. Minneapolis prendrait plus d’importance dans un ouvrage orienté rock, sans doute. Mais on a voulu choisir ce qui était le plus emblématique du Mississippi. Historiquement parlant mais aussi socialement et, sans aucun doute : musicalement !!
Pierre David
un article de la Maison Jaune
www.accords-croises.com (pour info)
Distribution Harmonia Mundi (aussi dans ses boutiques)