L’opéra d’Agostino Steffani « Niobé, Regina di Tebe » est interprété à Toulouse en version de concert, à la Halle aux Grains, par le contre-ténor Philippe Jaroussky, la soprano Karina Gauvin et le Boston Early Music Festival Orchestra, dans la saison des Grands Interprètes.
Homme d’église et ambassadeur auprès des princes allemands, le compositeur italien Agostino Steffani (1654- 1728) était reconnu jusqu’à présent pour sa musique de chambre. L’opéra occupa pourtant l’essentiel de sa carrière de musicien, comme le révéla la diva Cecilia Bartoli lors d’un enregistrement récent dédié à Steffani. Fortement influencé par le style de Lully, son premier ouvrage « Marco Aurelio » est créé en 1681 à Munich, où il venait de prendre ses fonctions de directeur de la musique de chambre. Trois autres œuvres composées sur des livrets de son frère Ventura Terzago virent ensuite le jour, puis deux sur des textes de Luigi Orlandi : « Alarico il Baltha » en 1687, « Niobe, regina di Tebe » en 1688. Ce dernier ouvrage met un terme à sa carrière bavaroise. Nommé ensuite maître de chapelle pour l’opéra à la cour du prince électeur de Hanovre, il écrit jusqu’en 1696 près d’un opéra par an. Appelé enfin à Düsseldorf, il entame alors une carrière ecclésiastique et diplomatique parfois obscure – notamment en tant que conseiller secret du prince électeur Jean-Guillaume de Neubourg-Wittelsbach – mais trouve le temps d’écrire encore trois opéras. Puisant autant dans le style français que dans l’italien, il fut une source d’inspiration pour Cavalli ou Haendel.
« Niobé, Regina di Tebe » a été redécouvert ces dernières années à l’occasion de représentations scéniques en Europe – à Londres avec Véronique Gens, à Lisbonne, Schwetzingen, Luxembourg – dans une production de Lukas Hemleb. Au cours d’une tournée européenne, l’œuvre sera présentée à Toulouse en version de concert à la Halle aux Grains, dans la saison des Grands Interprètes. L’affiche réunit un duo prometteur : le contre-ténor Philippe Jaroussky (photo) chante le rôle du roi Anfione ; la soprano canadienne Karina Gauvin tient le rôle-titre et retrouve le Boston Early Music Festival Orchestra avec lequel elle entretient une fructueuse collaboration.
Tiré des « Métamorphoses » d’Ovide, le livret s’inspire de l’histoire de l’orgueilleuse reine de Thèbes qui vit ses sept enfants tués pour s’être moquée des dieux. Son époux Amphion, qui lui avait cédé le trône, met alors fin à ses jours, et Niobé se change en pierre d’où coulent des larmes éternelles. Niobé est la fille de Tantale, dont elle reçut le courage en héritage. Fils de Jupiter, Amphion était un souverain éclairé et un musicien doué. Ces prestigieuses origines en font un couple d’essence davantage divine qu’humaine.
Conformément au modèle français, les opéras de la période munichoise de Steffani sont truffés de ballets, « Niobe, regina di Tebe » en est un bel exemple. Par la présence appuyée de trompettes et de percussions, l’œuvre se pare d’une ampleur extraordinaire au regard des précédents opus du compositeur. «Les audaces ou trouvailles musicales abondent, le récitatif est vif, les airs sont plutôt courts, d’une coupe d’une très grande liberté, les mélodies inventives, et l’orchestration incroyablement originale. L’ouvrage alterne un certain comique et le drame le plus noir, des passages enlevés et de longues et tristes plaintes. Les airs, récitatifs et ensemble, s’enchaînent sans coupure, dans un flot musical ininterrompu», constate Colin Timms dans son ouvrage « Polymath of the baroque: Agostino Steffani and his music »(1).
Jérôme Gac
une chronique du mensuel Intramuros
Jeudi 22 janvier, 20h00, à l’Opéra royal, Château de Versailles,
place d’Armes, Versailles. Tél. 01 30 83 78 89.
Samedi 24 janvier, 19h30, au Théâtre des Champs-Élysées,
15, avenue Montaigne, Paris. Tél. 01 49 52 50 50.
Jeudi 29 janvier, 20h00, à la Halle aux Grains,
place Dupuy, Toulouse. Tél. 05 61 21 09 00.
(1) Oxford University Press, 2003
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P. Jaroussky © Simon Fowler
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