Toulouse. Halle aux Grains, le 31 octobre 2014. Claude Debussy (1862-1918) : Nocturnes, triptyque symphonique avec chœur de femmes ; Maurice Ravel (1875-1937) : Shéhérazade, trois poèmes pour chant et orchestre ; Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847) : Les songes d’une nuit d’été musique de scène, op61 (extraits) ;
Marianne Crebassa, mezzo-soprano ; Chœurs du Capitole, chef de chœur : Alfonso Caiani ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction : Pierre Bleuse.
Pierre Bleuse a sauvé un programme ambitieux en acceptant de relever le défit de diriger, en urgence, un copieux concert programmé de longue date et que le chef Josep Pons, retenu au delà de Pyrénées, n’a pu honorer de sa présence.
Au delà du sauvetage qui lui vaudrait toute notre sympathie et notre admiration il est indéniable que Pierre Bleuse, violoniste de grand talent, venu assez récemment à la direction d‘orchestre, a conquis par sa grande musicalité. Encore prudent dans sa gestuelle et très concentré il a montré une belle qualité de clarté des plans sonores, un intéressant dosage des nuances et surtout une capacité à laisser chanter l‘orchestre dans une sorte de liberté permettant à la musique quelque soit son style de se développer.
Les trois nocturnes de Debussy ont ainsi évoqué pour Nuages une texture ouatée et ferme dans une légèreté très poétique avec des choeurs bouches fermées d’une subtile évocation. Fête a caracolé avec puissance et joie dans une très belle fermeté rythmique. Dans Sirènes le dosage entre le chœur a moins fonctionné car les nombreuses sirènes avaient des accents quelque peu wagnériens. Mais quel hédonisme sonore !
La toute jeune mezzo-soprano Marianne Crebassa dès son entré sur scène a irradié de sa douce présence. Avant tout un timbre rare par sa couleur mordorée nous a envouté puis une diction claire et enfin une musicalité délicate avec de très beaux phrasés. Cette toute jeune cantatrice est promise à un bel avenir d’autant que sa personnalité artistique semble attachante dans son écoute et son partage avec l’orchestre et le chef.
L’Orient évoqué dans ces trois mélodies sur des poèmes de Tristan Klingsor, a été ce soir avant tout poésie de l’imagination débarrassée d’une couleur locale trop appuyée. Les musiciens de l’orchestre ont rivalisé de subtilités et la direction souple de Pierre Bleuse a crée un climat de liberté propice à une magnifique musicalité partagée. Le public de s’y est pas trompé quia a chaleureusement applaudi. Le pari de Pierre Bleuse était gagné : il a su transférer sa sensibilité musicale de violoniste à la direction d’orchestre.
En deuxième partie de programme le chœur est revenu pour de très larges extraits de la musique de scène du Songe d’une nuit d‘été de Mendelssohn. Deux cantatrices sont venus se joindre à l’orchestre afin de compléter les forces nécessaires à une belle réalisation de ces pages magiques. Julie Wischniewski et Anne Magouët, sopranos, avec beaucoup de gout et de musicalité ont abordé leurs airs et duos féériques. Le climat de poésie nocturne a semblé particulièrement inspirer Pierre Bleuse qui a su trouver des phrasés variés et des nuances subtiles. Il a également lâché toutes les forces orchestrales dans une marche nuptiales enthousiasmante. Mais c’est bien le climat si particulier de ces pages de Mendelssohn si évocatrices de la nature dans sa beauté et son mystère qui a dominé cette interprétation. Pierre Bleuse a également sut mettre des touches d‘humour bien venues. Le chœur a apporté de belles couleurs et une présence pondérée cette fois.
Un très agréable concert sur le thème du voyage et du rêve qui a permis de découvrir deux talents à suivre. Nous espérons les retrouver bientôt.
Hubert Stoecklin
photo P.Bleuse de Clément Debeir
Compte rendu rédigé pour Classiquenews.com