Toulouse. Théâtre du Capitole, le 7 octobre 2014 ; Giuseppe Verdi (1813-1901) : Un Ballo in Maschera, opéra en trois actes. Vincent Boussard, mise en scène ; Vincent Lemaire, décors ; Christian Lacroix, costumes ; Guido Levy, lumières ; Avec : Dmytro Popov, Riccardo ; Vitaly Bilvy, Renato ; Keri Alkhema, Amelia ; Elena Manistina, Ulrica ; Julia Novikova, Oscar ; Aymery Lefèvre, Silvano ; Leonardo Neiva, Samuel ; Oleg Budaratschkyi, Tom ; Choeur et Maitrise du Capitole (chef de choeur Alfonso Caiani); Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction Daniel Oren ;
Le lever de rideau annonce une belle soirée d’opéra. Les cordes suraiguës sont subtiles, le canapé sur lequel dort Riccardo avec une élégance très inhabituelle pour un ténor et la plastique gourmandes du page oscar, vraie femme et non adolescent incertain, promettent une lecture de l’oeuvre pensée. Le beau portrait du monarque suspendu en fond de scène fait passer le souffle de l’idéal des Lumières cher au XVIII iéme siècle. Le choeur d’ hommes est bien nuancé. Le réveil du Comte déguisé en Monarque fonctionne à merveille entre rêve et réalité, et situe bien l‘idéalisation de cet homme de pouvoir animé par de bons sentiments. C’est en effet Dmytro Popov en Riccardo qui tient tout au long de l’opéra ses promesses. Longue voix de ténor spinto, aux couleurs magnifiques, au grain noble et capable de nuances sur toute la tessiture avec des piani aigus de rêve, ce chanteur fera courir les foules. Il est excellent acteur , il a une belle allure tant dans la légèreté que le drame.
Quand on sait la difficulté du rôle saluons bien bas une incarnation magistrale tant scénique que vocale, car cela tient presque du miracle. Au firmament il restera pourtant bien seul. Car son Amelia est bien loin de son aisance scénique. Il faut dire à sa décharge qu‘elle a été abandonnée à son triste sort par le metteur en scène et le costumier. Une petite robe noire en imperméable transparent pour la scène du gibet! Et rien dans ses attitudes qui trahissent l‘effroi peint par l‘orchestre ! Seuls le dernier costume du bal lui sied un peu. Mais aucune direction d’acteur même lors de la mort de Riccardo. La voix de la soprano Keri Alkhema est toutefois celle d’une grande et puissante Amelia. Voix corsée capable d’allégements, avec des forte puissants et des sons piani délicats elle sait admirablement phraser ces deux airs sublimes. Avec une émotion poignante dans le deuxième. Le duo d‘amour restera comme une merveille de fusion vocale en plénitude de beau son. En Renato le baryton verdi Vitaly Bilvy reste à un niveau de prise de rôle honnête sans trouver l’honneur ombrageux du personnage. Et non Renato n’est pas un simple méchant de mélodrame ! C’est un noble coeur tout fait d’abnégation qui souffre d’aveuglement et se laisse gagner par la mort quand l‘amour le menait jusqu’alors. Une belle voix un peu raide qui gagnera, nous l‘espérons en souplesse et en intelligence théâtrale avec l’expérience. Et un Chanteur qui renoncera aux effets de volume en fin d ‘air terminé fortissimo… ( O Dolcessa perdutta! )
Le page Oscar semble avoir occupé metteur en scène et costumier qui en font un personnage intéressant. Vocalement Julia Novikova a une voix plus corsée que bien souvent sans rien abandonner des vocalises légères du rôle. Avec Riccardo ils forment le couple théâtral qui fonctionne le mieux.
Ulrica est scéniquement une sorcière de salon plus élégante qu’effrayante et vocalement plus mezzo que contralto. Mais l‘habileté du jeux d’Elena Manistina et sa belle voix cuivrée retiennent l’attention.
Le choeur est à la hauteur des très belles pages écrites par Verdi. Admirablement préparés par Alfonso Caiani ils rivalisent avec les meilleures maisons d’opéra. L’orchestre du Capitole est superbe de couleurs instrumentales. La direction de Daniel Oren est brutale, sans phrasés. Il semblerai que le chef ai voulu ignorer l’admirable construction dramatique de l’ouvrage, tout attaché à ses oppositions kaléidoscopiques passant si abruptement du monde léger d’Offenbach au drame le plus sombre. En ce sens il y a un vrai accord avec la mise en scène de Vincent Boussard et les costumes de Christian Lacroix : tout dans les effets d’oppositions, rien dans une vision dramatique construite. Dommage ….
Les décors et les lumières se font oublier, clair de lune absent dans la scène du gibet, moment attendu s’il en est…
Au final il restera le portrait idéalisé du Monarque des Lumières incarné par Dmytro Popov en Riccardo. Pas assez de la subtilité de ses rapports avec les autres personnages et un orchestre sous employé.
Hubert Stoecklin
article écrit pour Classiquenews.com