L’aventure continue ! Pour sa sixième saison, le cycle des Présences Vocales affirme sa vocation et ses convictions au service de la création contemporaine. Son succès, qui a atteint une sorte de maturité exemplaire, permet à cette nouvelle édition d’afficher une palette de styles, d’écoles et d’époques d’une fructueuse richesse. Une fois encore, l’événement culturel réunit quatre institutions majeures de Toulouse et sa région qui mettent en commun leur savoir-faire et leurs spécificités. Ne cessons pas de le répéter, l’élargissement du répertoire aux productions d’aujourd’hui n’est pas seulement souhaitable, il est une nécessité, un élixir de jouvence contre la sclérose ! Il faut donc saluer l’initiative du collectif éOle, d’Odyssud, du Théâtre du Capitole et du Théâtre Garonne qui éclaire le paysage culturel de la région.
Pour les responsables de ces institutions, l’objectif est de susciter une synergie entre ces organismes dans le but de promouvoir la création musicale et son accès par un public le plus large possible. Ces acteurs culturels constatent qu’il n’existe pas UNE musique contemporaine, mais une floraison de voies diverses dans laquelle chaque œuvre est un monde en soi. Ce partenariat propose pour cette saison 2014-2015 un cycle de cinq manifestations originales.
Vendredi 14 novembre 2014 à 20 h 00, à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines : Pendulum Choir – Il s’agit là d’une œuvre chorale où les membres du chœur, placés sur des plateformes inclinables, forment un ensemble mouvant, un corps sonore vivant dont les chanteurs sont les particules organiques. La machine permet de faire basculer les interprètes de façon linéaire ou circulaire dans toutes les directions jusqu’à un angle de 45°. Ainsi les chanteurs se frôlent, se contournent dans de subtils mouvements puis, soutenus par des sons synthétiques, brisent leur cohésion et éclatent en envolées lyriques ou dans des rituels sombres et obsessionnels. Pour rendre la relation entre les chanteurs et la machine encore plus organique, les voix a cappella sont transformées par un système en temps réel qui capte et analyse le son en fonction de sa fréquence et de son amplitude. Partition à la fois musicale et « plastique », Pendulum Choirest conçu comme un grand poumon, une architecture de flux, une puissante allégorie du souffle.
Dimanche 1er février 2015 à 17 h 00, au Théâtre Garonne : Ensemble Belcanto – L’Ensemble vocal féminin Belcanto, fondé en 1986 par Dietburg Spohr, pour lequel de nombreux compositeurs ont écrit, se produit dans le monde entier. Son dernier enregistrement propose une version inhabituelle et passionnante du drame liturgique « Ordo Virtutum »de Hildegard von Bingen (1098-1179). Luigi Nono (1924-1990) dédie un chant intense, comme suspendu dans le silence, aux disparus d’Argentine ; Mathias Spahlinger (né en 1944) compose un requiem à la mémoire de Salvador Allende, d’une force presque documentaire, ne laissant pas trouver l’apaisement à moindre frais. Musique qui ne renonce pas à réfléchir sur son temps et à y intervenir avec ses moyens propres. Certains poètes aussi, du cœur du monde, lancent de redoutables questions. Un des plus dérangeants d’entre eux, W. S. Burroughs, inspire à Olga Neuwirth (née en 1968) une musique sauvage et belle. Wolfgang Rihm (né en 1952) recueille, en un rituel vocal magique, les rythmes hallucinés du poète-chaman Antonin Artaud.
Vendredi 20 mars 2015 à 20 h 00, au Théâtre Garonne : Ensemble Accroche Note – Accroche Note est un ensemble de solistes formé autour de Françoise Kubler et Armand Angster. La souplesse de l’effectif lui permet d’aborder la musique instrumentale et vocale du XXe siècle ainsi que les musiques improvisées. Démultiplier les sortilèges de la voix au moyen des technologies d’aujourd’hui afin de découvrir en elle des ressources insoupçonnées du chant. Techniques différenciées d’échantillonnage pour chacun des cinq chants d’amour sumériens chez François-Bernard Mâche (né en 1935) ; sons de synthèse interactifs chez Philippe Manoury (né en 1952). Kaija Saariaho (née en 1952), quant à elle, enveloppe le chant d’une partie électronique composée d’éléments vocaux en trois langues et de sons concrets. Pierre Jodlowski (né en 1971) enfin, organise sa pièce entre narration (ombre) et poésie (chant), alternance dynamisée par la scénographie ; la musique laisse la place aux bruits, aux bruissements et aux souffles.
Du Dimanche 12 à 15 h au vendredi 17 avril 2015 à 20 h, au Théâtre du Capitole : Massacre, de Wolfgang Mitterer – Rares sont les compositeurs de notre temps à s’être autant intéressés à la scène que Wolfgang Mitterer (né en 1958). Ce compositeur autrichien, qui n’hésite pas à puiser dans les textes les plus divers, contemporains ou anciens (comme ici avec Marlowe), aime à retravailler la matière musicale héritée des grands maîtres du passé, comme Bach ou Schubert, tout en se jouant des techniques modernes les plus dissemblables, musique électroacoustique, électronique, instruments classiques ou encore travail avec DJ. PourMassacre, son opéra sur les atrocités de l’intransigeance religieuse, il a lui-même écrit son livret, inspiré de Massacre à Paris (1593), ultime pièce du dramaturge anglais Christopher Marlowe. Ou la nuit de la Saint-Barthélemy comme paradigme de toutes les atrocités commises au nom de Dieu.
Mardi 5 mai 2015 à 20 h 30, à la Cathédrale Saint-Etienne : Iberia, Choeur de chambre les éléments, direction Joël Suhubiette – C’est dans la péninsule ibérique que le chœur de chambre les éléments nous convie à un nouveau parcours musical à travers le temps, de l’Espagne médiévale, à Burgos, au monastère Santa María Real de las Huelgas, à celle de la Renaissance avec Francisco Guerrero à la cathédrale de Séville ou Tomás Luis de Victoria à la Chapelle impériale de Madrid. Le voyage nous transporte également jusqu’au Portugal, à la Chapelle Royale de Lisbonne et au couvent des carmélites où les deux plus grands compositeurs de l’âge d’or de la polyphonie portugaise, Filipe de Magalhães et Manuel Cardoso, officient en tant que maîtres de chapelle. Aux côtés des chefs-d’œuvre des anciens, des compositions d’aujourd’hui : une poignante polyphonie sur un texte du mystique espagnol saint Jean de la Croix composée par Jonathan Harvey, musicien décédé il y a peu (2012), et deux créations mondiales d’œuvres commandées spécifiquement pour ce programme par les élémentsau compositeur portugais Antonio Chagas Rosa (né en 1960) et au compositeur espagnol Iván Solano (né en 1973).
Voici, n’en doutons pas, un programme qui attirera tous les curieux de musique nouvelle, de musique vivante.
Serge Chauzy
Une Chronique de Classic Toulouse
Renseignements et réservations :
– Odyssud : 05 61 71 75 15
– Théâtre du Capitole : 05 61 63 13 13
– Théâtre Garonne : 05 62 48 54 77
– Collectif éOle : 05 61 71 81 72