Le succès du cycle des Présences Vocales fondé à l’initiative du collectif éOle, d’Odyssud, du Théâtre du Capitole et du Théâtre Garonne, doit beaucoup à la diversité de ses offres musicales et vocales. Après les incursions dans la musique électronique de Pierre Henry et l’évocation du madrigal à travers les âges, la programmation de cette saison propose une sorte d’hommage à l’œuvre « historique » qui portait en elle la modernité au début du XXème siècle, Pierrot Lunaire, d’Arnold Schönberg. C’est le Théâtre Garonne qui accueille ce spectacle.
Cet hommage prend la forme d’un diptyque dont les deux volets puisent leurs racines dans le même recueil d’Albert Giraud. Œuvre dédiée à une diseuse de cabaret qui en fit la commande au compositeur, louée par Stravinski, Ravel et Puccini, Pierrot lunaire de Schönberg s’est vu qualifier d’« inépuisable ferment du futur » par Pierre Boulez. À des coloris instrumentaux originaux se mêle une écriture vocale fondée sur leSprechgesang, forme de déclamation située entre le chant et la parole. Un an après la création de ce Pierrot lunaire, un certain Max Kowalski compose une œuvre pour piano et voix puisant dans le même recueil de poèmes d’Albert Giraud qui a servi à Schönberg. Si sa proximité au célèbre opus intrigue, le contraste est cependant saisissant entre l’œuvre de Schönberg, sorte de « cabaret noir » d’une grande diversité d’expression et celle de Kowalski, plus légère, salonarde, quelque peu maniérée. En 1992, Johannes Schöllhorn l’orchestre pour une formation identique à celle du Pierrot Lunaire de Schönberg ; la musique de Kowalski ne s’en trouve pas seulement instrumentée, et bien que persiste la légèreté, les contours en sont avivés, les contrastes accentués, le personnage de Pierrot y apparaît plus piquant et humoristique. Les deux œuvres sont ici présentées au cours d’une même soirée, afin que soit restitué leur lien de parenté avec l’humour grinçant et nostalgique du cabaret expressionniste.
L’interprétation de ces deux œuvres est assurée par l’ensemble L’Instant Donné et la soprano Marion Tassou.
L’Instant Donné est un groupe instrumental singulier. Dédié à l’interprétation de la musique de chambre d’aujourd’hui, principalement non dirigée, il fonctionne depuis 2002 de manière collégiale. Si la géométrie du groupe varie en fonction des œuvres jouées, les interprètes sont fixes : neuf musiciens membres (flûte, hautbois, clarinette, harpe, piano, percussion, violon, alto, violoncelle), ce qui n’empêche pas d’accueillir régulièrement des invités (les voix de Marion Tassou et Natalie Raybould, l’ensemble vocal EXAUDI).
L’Instant Donné est l’invité de nombreux festivals français et étrangers ainsi que des salles de premiers plans.
En résidence au Théâtre Garonne, il reçoit l’aide de l’ONDA et le soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Ile de France – Ministère de la Culture au titre de l’aide aux ensembles conventionnés, de la SACEM, et de la SPEDIDAM. Pour ce programme, l’ensemble est constitué de Mathieu Steffanus, clarinette, Cédric Jullion, flûte, Saori Furukawa, violon, Nicolas Carpentier, violoncelle et Caroline Cren, piano.
La soliste des deux pièces la soprano Marion Tassou, est une artiste passionnée de l’art vocal dans sa diversité, de la musique ancienne au répertoire contemporain. Née à Nantes et diplômée en 2008 du Conservatoire national supérieur de musique de Lyon, elle aborde tous les répertoires. A l’opéra, elle a chanté Le Carnaval et la Folie de Destouches (Vénus), Orphée et Eurydice (Eurydice), Don Giovanni (Zerlina), Die Zauberflöte (Pamina), La fiancée vendue (Marienka), La Vie Parisienne(Pauline), Le Pierrot Lunaire de Schönberg et Dialogues des Carmélites(Blanche de La Force). Elle est membre de l’Académie de l’Opéra-Comique à Paris pour la saison 2013/14.
Serge Chauzy
Une Chronique de Classic Toulouse
Théâtre Garonne
mardi 18 février 2014 à 20 h 00