Après le réel succès de Belshazzar en 2011, le Théâtre du Capitole poursuit son exploration des grands opéras de Haendel avec Orlando, un pur enchantement aux mille subtils coloris et mille émotions. Cette coproduction signée Eric Vigner est donnée à Toulouse avant de poursuivre sa route jusqu’à l’Opéra Royal de Versailles. A la tête de son Ensemble Matheus, Jean-Christophe Spinosi mène les opérations et plonge dans la folie avec son enthousiasme habituel !
Du compositeur, Chales Burney écrira en 1785 : « L’apparence générale de Haendel était lourde et amère ; mais quand il souriait, c’était son excellence le soleil, éclatant d’un nuage noir. Il y avait un soudain éclair d’intelligence, d’esprit et de bonne humeur qui rayonnait de son visage et que j’ai rarement vu chez un autre. »
Georg-Friedrich Haendel n’est pas que le compositeur du fameux oratorio Messiah. Voilà bien plus de trente ans que la révolution baroque a bien profité au caro Sassone et l’a rétabli dans son rang de principal compositeur d’opéra et d’oratorio de la première partie du XVIIIè siècle. Il fut sans doute l’un des musiciens qui s’intéressèrent le plus à la voix, composant d’innombrables airs, duos, cantates, motets, deux passions, pas moins d’une quarantaine d’opéras, sans compter ses pastiches, d’Agrippina (1709), son premier à succès à Deidamia (1741) en passant par Orlando (1733), peut-être le dernier à avoir enthousiasmé son public, avant de se lancer dans quelques vingt-cinq oratorios quand il se rendra compte que, financièrement, l’opéra ne peut plus être féerie, l’œil ne pouvant plus être flatté autant que l’oreille. Pas d’exclusivité au niveau des partitions de chacun de ses ouvrages. On emprunte à l’un précédemment écrit, mais tout aussi bien à un ouvrage d’un confrère ! C’est l’usage et la notion de plagiat n’est pas encore à la mode.
Qu’est-ce qu’un opéra ? En fait, c’est l’un des exemples les pus frappants de la restitution par la musique de ces passions extrêmes et il doit être considéré comme l’une des plus grandes innovations de la musique baroque. Tous ses opéras sont construits sur le même modèle, à partir des mêmes éléments de base : des récitatifs semplice – on dira plus tard secco – qui font progresser l’action et relient les arias, des duos, de rarissimes ensembles et des chœurs qui, en général, interviennent assez parcimonieusement pour conclure les actes. Rien n’étant alors plus beau qu’une belle voix, Haendel put compter sur les voix les plus remarquables de son temps comme celles des castrats Senesino, Carestini, Caffarelli, Nicolini, Bernacchi, Guadagni, mais pas Farinelli, ou des sopranos rivales, Francesca Cuzzoni, Faustina Bordoni, des contraltos Dotti et Merighi, des ténors Borosini et Fabri, des basses Carli, Boschi…
Orlando, opera seria en trois actes sur un livret anonyme d’après Carlo Sigismondo Capece inspiré des livres XIX à XXXVIII de l’Orlando furioso ou “Roland furieux“ (1516) du poète italien Ludovico Ariosto dit l’Arioste, créé le 27 janvier 1733 au King’s Theatre de Londres.
Pendant ce temps, Pergolèse crée La Servante maîtresse, opéra-bouffe à Naples, Rameau le Hippolyte et Aricie à l’Académie Royale de musique, Telemann sa Musique de table (Tafelmusik) à Hambourg, et un peu plus tard en octobre, Haendel toujours, l’oratorio Athalia d’après la tragédie de Racine
Jean-Christophe Spinosi est à la direction musicale
Eric Vigner signe la mise en scène, la scénographie et les costumes
Kelig Le Bars est aux lumières
Un conseil : si vous devez suivre les surtitres pour essayer de comprendre ce qui se passe sur scène, vous n’allez profiter ni des voix, ni de la mise en scène. Ce serait donc dommage !! Alors, tant pis pour l’histoire, vous lirez le Roland furieux de l’Arioste chez vous, après, mais vous pouvez vous y plonger avant ! Le spectacle dure, entr’acte compris, 2h 40. La production a quelque peu élagué la partition de départ pour rendre l’œuvre plus “attractive“ pour le public actuel.
C’est l’une parmi les intrigues les plus invraisemblables jamais mise en musique par Haendel, même si on note l’absence de faits marquants dans le déroulement d’une action qui restera pauvre en rebondissements. Les coupures permettent de se débarrasser de scènes qui ne font pas avancer particulièrement l’action, rendent l’ensemble plus…alerte, sans toutefois “tordre le cou“ à l’ouvrage. L’histoire met en scène un couple d’amoureux, la fière Angelica, reine de Cathay, et le charmant prince africain Medoro. Orlando, un noble chevalier, aime Angelica qu’il a sauvée en son temps, pendant que Medoro a un faible pour Dorinda, une bergère innocente. Tiraillés entre le désir et le devoir, l’ambition et la passion, ils sont victimes de mensonges, jalousies, frustrations… La fameuse scène de la folie, c’est pour Orlando, à la fin de l’acte II.
David DQ Lee contre-ténor Orlando, follement épris d’Angelica
Adriana Kučerová soprano Angelica, la femme qu’il aime et qui le trahit
Kristina Hammarström mezzosoprano Medoro, le prince africain
Sunhae Im soprano Dorinda, la bergère innocente
Luigi De Donato basse Zoroastro, le mage, le mentor et le rédempteur d’Orlando
Ensemble Matheus
Angelica et Medoro, tableau faussement attribué à Toussaint Dubreuil (1561-1602). Medoro est en train de graver leur nom sur les lauriers afin de déclarer leur amour au monde entier. C’est en entrant dans le bois qu’Orlando aperçoit les noms gravés, et se met à la poursuite d’Angelica qui s’enfuit dans une grotte……
Robert Penavayre : « En incluant l’Orlando Paladino de Haydn et l’Orlando Furioso de Vivaldi, vous aurez dirigé trois œuvres se rapportant à ce personnage. Parlez-nous de ce héros chevaleresque. »
« C’est un personnage qui me touche personnellement beaucoup. Il est enthousiaste et sensible. Sa chute le rend profondément humain. J’ai beaucoup d’empathie pour lui et je souffre avec lui. Le fait que des compositeurs comme Haydn, Vivaldi et Haendel aient su transformer cette blessure amoureuse en musique est totalement fascinant. C’est l’un des grands sujets de l’Arioste. C’est un héros car il acquiert une sorte de sagesse en triomphant de l’amour, mais en fait, j’aurais aimé qu’il arrive à reconquérir Angelica. Ce serait une autre histoire bien sûr, mais je « m’orlandise » tellement dans cet ouvrage que j’en aurais bien changé le dénouement. » Jean-Christophe Spinosi
Michel Grialou
Les 10, 12, 14 et 16 novembre, au Théâtre du Capitole
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