Exposition Georges Artemoff à la Galerie Moulins
4, rue du Rempart Saint-Étienne
jusqu’au 04 décembre
Le peintre et sculpteur Georges Artemoff (1896-1965) fut l’une des figures de proue de la peinture à Toulouse dans les années cinquante, et aussi l’un de celles de l’École de Paris, auprès de ses amis Chaïm Soutine, Modigliani, et Zadkine.
Avec sa culture cosaque et sa peinture « à couper au couteau, véritable foyer de couleurs, Georges Artemoff laisse une œuvre qui commence maintenant à être enfin reconnue, car l’histoire de la peinture étant faite par les marchands d’art, avec qui Artemoff entretenait des relations détestables, il aura réussi à se fâcher avec la terre entière et le reste du monde en plus, ce qui ne favorise pas forcement une carrière.
Mais Georges Artemoff se moquait vraiment de sa carrière comme de sa première vodka. Violent dans sa peinture à couper au couteau, violent envers lui-même, tendre et romantique jusqu’aux larmes, tel était Georges Artemoff. Chasseur et gibier à la fois.
Il aura été longtemps négligé malgré des expositions au Conseil Général en 1992, au musée de Gaillac, au musée Goya de Castres.
«J’ai toujours travaillé seul, dans un isolement farouche. Ce que je voulais avant tout, c’était d’avoir un dessin très fort» (Artemoff).
Son destin fut fort et dense en effet et ses toiles sont maintenant reconnues, grâce au travail admirable réalisée par sa fille Marie Artemoff-Testa.
De son temps il fut célébré, ainsi par Joë Bousquet :
« Toute la vie d’Artemoff est dans son art. Il est facile d’observer, en premier lieu, comment sa main tente, à travers mille détours, une métamorphose de la matière. Ne croyons pas qu’il suffise à un peintre aussi doué de transporter des objets dans un nouvel éclairage.
C’est la réalité même qui change ici de densité et de structure, comme s’il s’était proposé d’en transmuer la substance.
Ce don, de beaucoup le plus significatif entre tous ceux qui distinguent l’œuvre de qualité est aussi celui qu’un œil non exercé décèlera le plus aisément.
Artemoff nous aura imposé deux vérités élémentaires ; vérités que nous connaissions tous, que nous connaissions trop ; il nous en manquait la patiente expérience. »
Dans la peinture de Georges Artemoff les formes sont pleines et hiératiques, totems de la douleur ou de l’attente, et tout est muet jamais on ne peut imaginer que ses tableaux vont prendre la parole.
Un grand silence coloré tombe de ses tableaux.
Semeuses, moissonneuses ou vierges perdues dans les blés avec la maternité des sillons et des saules, une étrange atmosphère russe nous parle des icônes de la vie.
Toute cette force est figée dans l’épaisseur du temps et de la toile. Artemoff est une violence sacrée, une passion sensuelle et incarnée. Sa peinture sait étreindre jusqu’au fond le corps de ses modèles, de ses représentations.
Les grandes orgies de ses couleurs fortes sont un hymne tragique à la vie. Il ne savait que vivre, que transmettre du charnel et du spirituel.
Que dire de sa peinture ?
Fauve au milieu de sa peinture fauve, feulante à grands coups de couleurs où le rouge transparaît le plus souvent.
Il dresse des feux contre le gel des fruits fragiles de ses nostalgies.
À l’enterrement du peintre, des femmes aux seins nus s’enlacent, leurs ventres semblent pleins de rosée, les regrets restent deux pas derrière , les têtes sont coupées, qui les ramassera ?
Le saint buveur a toute l’amertume de l’absinthe des jours en lui et il regarde ailleurs, dans un costume de Pierrot en espérant inerte que la terre s’arrête de tourner. Le mal de tête de l’amour hante ses femmes érigées en tour de chair.
Son plus bel autoportrait est la figure du Cavalier blessé.
Finies les longues courses au vent des plaines infinies de l’Ukraine, seul un cheval peut comprendre la douleur d’être tombé à terre sans qu’un homme ne se penche sur vous, ne vous éponge les lacs cachés de larmes . Un tout petit trou que l’on ne voit pas et tout s’écoule hors de soi.; Le cavalier bleu des pays lointains est devenu le cavalier blessé de l’exil.
La galerie Moulins, qui vient de s’agrandir, a toujours été fidèle à Artemoff.
Elle nous présente cette fois-ci aussi bien des toiles majeures,- le saint buveur, la toute dernière nature morte, des portraits de modèles…-, que des sanguines et des études préparatoires.
On peut avoir une très bonne approche de l’œuvre de ce grand peintre grâce à ce bel accrochage, allant des œuvres gravées, aux toiles ruisselantes de peinture, jusqu’aux dessins.
Toute l’énergie de sa peinture est rendue par un très bel accrochage, et un éclairage remarquable.
Puisse cette belle exposition susciter enfin chez les décideurs la volonté jamais encore réalisée de monter enfin un musée Artemoff en Midi-Pyrénées et ainsi de réparer une profonde injustice.
Gil Pressnitzer
Pour en savoir plus voir : Esprits Nomades
Galerie Moulins
4, rue du Rempart Saint-Étienne
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