Pierre Rigal reprend son Micro pour cinq dates exceptionnelles, du 5 au 9 février au Théâtre Sorano – Toulouse
Événement du Festival d’Avignon en 2010, épopée lyrique et drôle, Micro, écrit pour cinq danseurs / rockeurs dont Pierre Rigal lui-même, raconte la confusion des corps en prise avec un rock convulsif, organique, tripal et tribal.
« L’être humain est un animal musical, le rocker est un monstre musical. » Pierre Rigal
Pop star fantasmée, dans Micro, l’artiste réinvente avec bonheur les codes du rock …
Un homme fait naître de son imagination un groupe pour orchestrer un concert hybride, lui donnant une animalité inédite, détournant les codes, la façon de jouer des instruments. Les images qui fusent alors – Rigal n’est jamais à court d’idées – sont directement issues de la scène rock. Le chorégraphe n’en omet aucune. « Il a étudié de près les rockeurs sur scène, leurs gestuelles, leurs attitudes, et s’amuse d’abord à les retranscrire dans une forme non dénuée d’ironie : les glorieuses, quand le chanteur se cambre, micro à la main, ou qu’il arrache sa veste pour la faire tourner au bout de son bras ; les naïves, quand il invente tout un théâtre d’objets en s’interrogeant sur la manière de manipuler les instruments et leurs maîtres, voire de brancher batteries et guitares. Il explore aussi la tragédie du rock, ses excès, ses paradis artificiels où les héros sombrent dans la dépendance après avoir vu naître des créatures hallucinantes dans la transe, les fumées et les lumières sourdes de la scène. Les musiciens surgissent des machines, puis le son naît de l’influx électrique et les chansons apparaissent. Le créateur fabrique son rêve, flirtant avec l’imagerie du rock (le sacré, l’idolâtrie, l’autodestruction, la « sex-attitude »), non sans humour et poésie. Jusqu’à ce que l’ensemble lui échappe… » La danse y est enflammée et sensuelle, soutenue généreusement par les riffs du trio furieux de Moon Pallas.
Et si les musiciens se plient à la danse, jouant de la guitare à quatre pattes, se laissant prendre dans des pas de deux et esquissant des ensembles à quatre qui leur vont très bien, c’est bien Pierre Rigal qui mène le concert. Il fait de ses musiciens des instruments. Il est partout, tout le temps, il a tout de la bête de scène : muscle d’acier, énergie en fusion, charisme et beauté.
Micro, un concert dansé ? Assurément. Cette pièce est bien un véritable hommage à cette musique et à ses musiciens, qui prend au début un drôle de ton décalé. Mais un hommage au rock sans rock, ce n’est pas possible. Très vite, la pièce se transforme donc en concert, qui se regarde autant qu’il s’entend, où chacun est à la fois danseur et chanteur. Place au rock, à la sueur. Sur scène, le danseur et chorégraphe et rocker est assisté de trois musiciens et une musicienne – performeuse à tout faire. Ils décortiquent leurs instruments, et s’éclatent à en jouer autrement, à l’envers ou sans les mains. Et au milieu, il y a le danseur. D’abord curieux, il va petit à petit se fondre dans le groupe, rejoindre leur jeu, pour finalement devenir leur chef d’orchestre et les dominer. A moins que la musique ne reste maîtresse de la situation ? Même les amplis éteints et les musiciens écroulés, elle ne peut pas se contenir et ressort par une vocalise ou un écho. Bien avant la danse, la musique est ainsi la reine de cette pièce
Puis les 16 et 17 février, sa toute dernière création, Théâtre des opérations sera accueillie au Sorano avec le CDC Toulouse-Midi-Pyrénées et le festival Made In Asia. Un conte atmosphérique et visuel avec neuf danseurs coréens.
Pour cette nouvelle création, Pierre Rigal s’est inspiré de La jetée, court-métrage mythique de Chris Marker. Il travaille sur les mouvements de masse en réunissant neuf danseurs rencontrés en Corée et possédant une haute formation technique, alliant classique et contemporain. Le chorégraphe met en lumière les notions de groupe et, à contrario, les notions d’individu, lorsque celui-ci est isolé, au sein d’une communauté d’êtres étranges et nomades, comme un conte atmosphérique et visuel.
« La guerre ou, plus largement, la confrontation ne sont pas les thématiques uniques de la pièce. Il faut rajouter à ces deux notions leurs opposés complémentaires que sont l’amour, l’harmonie, la douceur. » Pierre Rigal.
Sur le plateau, règne un climat d’après la catastrophe où circulent d’étranges communautés. Histoire fictive de civilisation qui évoque, sous la forme du jeu, les chocs des sociétés et les heurts du temps. Théâtre des hostilités, des négociations, des amours, des révolutions, des événements. Pourquoi l’être humain est-il inexorablement attiré par la rupture, le conflit, la violence ? Comment bascule-t-il dans le chaos et puis, plus tard, comment revient-il dans la civilisation ? C’est cette question qui sera mise en avant avec décalage, détournement et même drôlerie. Sur le projet, Pierre Rigal aura trouvé des danseurs « très volontaristes, d’une énergie foisonnante. J’aime ça, mais j’aime aussi les contrastes, je leur demande donc des moments de lenteur, de géométrie immobile. » Entre le natif de Toulouse et les coréens, il vaut mieux une interprète. Gi-Hye est devenue son assistante sur le spectacle.
Michel Grialou
Théâtre Sorano
Centre de Développement Chorégraphique
Made In Asia
Crédits photos : Nation Group/ Sungjin Jung