Concerts autour de l’ornementation
à la Chapelle Sainte-Anne dimanche 25 novembre
Concert organisé par le Comdt en partenariat avec l’Espace Croix-Baragnon
Le but de ce concert, était la mise en valeur de la musique ornementée dans les musiques vocales et ainsi sertie de liberté sonore. Ces notes subtiles ajoutées aux notes principales, et qui donnent liberté, variations, embellissement, du texte d’origine, sont aussi bien présentes dans la musique savante que dans la musique traditionnelle ou populaire.
Cette technique bien apparente dans la musique baroque, et déjà en tant que notes d’agréments bien avant déjà dans la musique du Moyen Âge et de la Renaissance, permet une grande souplesse d’interprétation. Mais on retrouve cela également dans les musiques populaires (musique irlandaise, des vallées pyrénéennes, de la Corse, ou d’ailleurs). Le tout est de savoir orné de « manière sensée » pour éviter de dénaturer la composition, ce qui hélas est souvent à l’œuvre aujourd’hui encore dans la musique baroque.
Le Centre Occitan des musiques et danses traditionnelles de Toulouse a consacré ainsi un cycle autour de cette question. Sous l’impulsion de sa directrice Maïlis Bonnecase, il ne se contente pas de sauvegarder et de valoriser, il s’ouvre à bien des cultures savantes et populaires refusant de se laisser emprisonner sur son clocher occitan, et il propose bien des rencontres enrichissantes.
Sous le titre « L’ornementation dans les musiques vocales savantes et de tradition orale : entre héritage et liberté », sous l’égide de Pascal Caumont et de Jean-Louis Comoretto, le Comdt a organisé deux concerts à la Chapelle Sainte-Anne, merveilleux écrin.
La démonstration sonore des stages a été proposée lors du concert du dimanche 25 novembre avec, pour la musique savante, le groupe musical Scandicus mené par Jérémie Couleau, formation à voix d’homme spécialisée dans la musique allant du chant grégorien jusqu’à la Renaissance.
Jean-Louis Comoretto, contre-ténor émérite, a codirigé cet ensemble et ajouté l’ornement de sa voix aux six autres voix du groupe. Le groupe Vox Bigerri, bien connu maintenant à Toulouse, assurait la partie de musique populaire avec ce chœur d’hommes de six chanteurs consacré aux polyphonies des Pyrénées. On a parlé de « voix minérales » les concernant, on peut aussi y voir celles de gaves bondissants. Ces voix parfois râpeuses conviennent aussi parfaitement au répertoire des liturgies corses célébrées par A Filetta.
Alternant le long du concert, sauf à deux reprises où ils s’unirent, les deux ensembles emplirent la Chapelle Sainte-Anne de leurs chants ornés. L’ensemble Scandicus a chanté, et fort bien, dans son arbre généalogique avec Dufay, Sermisy, Desprez, Asola… La plupart des techniques d’ornementation (appoggiature, trille, trémolo, vibrato…) étaient doucement incluses dans l’interprétation habitée de ces musiques.
L’arrivée par le fond de la chapelle du chœur Vox Bigerri, avec le chant Alegria de la vallée d’Ossau, fut un moment frappant. Son répertoire a mis en valeur certes la Bigorre et le Béarn, mais aussi l’Italie et la Corse. On doit signaler l’utilisation intelligente des lieux par une scénographie efficace, faisant chanter une partie des ensembles dans la tribune de l’orgue, dans l’étagement de l’autel, et en répartition variable dans l’autel.
L’équilibre sonore en était magnifié.
Et quelle émotion quand Yves Rechteiner a fait résonner à nouveau l’orgue italien de tribune, voulu et porté par le cher Xavier Darasse en 1980, et trop rarement joué. Quel dommage que ce ne fut qu’une brève illumination sonore. Si on peut considérer qu’il s’était s’agissait plutôt de deux concerts juxtaposés entre musique savante et musique populaire, que mélangés, aussi la rencontre entre les ornementations entre ses musiques vocales ne sautait pas à l’oreille de façon évidente.
Aussi le grand moment du concert fut dans l’échange du Salve Regina du Rouergue qui fut ovationné et bissé, et dans une passion anonyme. Les deux ensembles étaient fusionnés et la même technique d’ornementation était démontrée dans le chant polyphonique commun, entre tradition orale et tradition écrite.
Concert rare et subtil qui fait amèrement regretté de ne pas avoir entendu celui de samedi avec le lutin Xavier Vidal, et le Falstaff de la musette, Jean-Christophe Maillard.
Gil Pressnitzer
COMDT – Centre Occitan des Musiques et Danses Traditionnelles