Et ce n’est pas tout car on aurait pu aussi titrer en compte-rendu de ce concert mémorable du 13 octobre :
Sur un tempo de Michel Bouvard aux manettes de l’orgue de Saint-Etienne, le chef japonais Kazuki Yamada fait swinguer l’Orchestre National du Capitole de Toulouse dans Poulenc
Vous l’avez compris, les absents ont eu tort de ne pas être, présents !
Essayons d’être un brin ordonné et pas trop prolixe, même si c’est un concert à compliments. Une réalisation technique “impeccable“ a permis de nous faire apprécier, assis à la Halle, le très brillant et plein de poésie à la fois Concerto pour orgue, orchestre à cordes et timbales, en sol mineur de Francis Poulenc, créé à Paris en 1939, avec à l’orgue de la Cathédrale Saint-Etienne, l’organiste Michel Bouvard, l’écran nous permettant de nous rendre compte de la complèxité de l’instrument, le musicien jonglant avec une apparente facilité plutôt déconcertante ! entre ses 4 claviers pour les mains, un autre pour les pieds, sans oublier les pédales, les 2 assistantes se distrayant avec un certain jeu de…jeux ! A la Halle, dans une coordination parfaite, le chef mène cordes et timbales avec un bonheur total, ce qui nous donnera droit à un “bis“, à savoir, le passage le plus volontairement swing du concerto.
Auparavant, Jean-Sébastien Bach était à l’honneur dans une pièce pour orgue seul, la Fantaisie et fugue en sol mineur, la plus connue et la plus élaborée. A l’honneur en suivant, Xavier Darasse avec une pièce pour orchestre, Instants passés qui nous valut un vaste kaléidoscope de percussions se mêlant tour à tour aux autres pupitres plus traditionnels pour donner une pâte sonore d’ensemble caractéristique se retrouvant dans des instants ou longs ou courts, en un mot, sa « musique (qui) n’est que le reflet de ce que je perçois de la vie. »
Avec ces trois moments, c’était le choc de la première partie du concert.
Vint la seconde. Et là, sans vouloir faire trop d’humour noir, ce fut comme un tsunami. La Symphonie fantastique d’Hector Berlioz n’est pas une page inconnu de la plupart des présents. On croit connaître par cœur ses cinq mouvements, on croit ne jamais plus l’entendre aussi bien interprété, dirigé, …Et là, au fil des mesures, on est juste un brin cloué au fauteuil par cette lecture passionnée, virevoltante tout en restant rigoureuse, une exemplaire construction de cette « ardeur intérieure » que voulait le compositeur. On se demande pourquoi ces instants de grâce, presque de volupté, ces déchaînements sonores mais si maîtrisés, de la poésie, de la verve, de la fièvre jusqu’à l’énivrement, ces articulations nouvelles devenant évidentes, ces interventions superlatives des solistes, comme ce cor anglais sur un tapis de velours d’altos, le dialogue cor anglais-hautbois, cette clarinette, mais encore ces cordes, pure soie ou vrombissantes pour les plus graves. Les yeux fermés, on pourrait penser que c’est Gergiev, dans ses meilleurs moments, qui les dirige. Impossible de détailler une telle interprétation.
Kazuki Yamada a entendu le message venu d’outre-tombe : « J’aime à faire de temps en temps craquer une barrière en la brisant au lieu de la franchir. » Il semble aussi avoir fait sien le jugement porté sur Berlioz par Darius Milhaud pour l’appliquer à la lettre : « Il y a chez Berlioz une puissance, un déchaînement magnifique. Mais cette violence du génie est contrôlée, organisée, assujetie à une maîtrise prodigieuse, à un goût sans défaillance. Je tiens qu’il y a plus d’invention, de force créatrice, dans quelques mesures du compositeur, si reconnaissables, avec leur inmitable sonorité, (…). Son œuvre est inépuisable de trouvailles, de découvertes, d’audaces savantes. »
Dirigeant de plus sans partition, ce jeune chef japonais a subjugué l’auditoire, et l’orchestre, apparemment complètement sous le charme. Ce dernier fut d’ailleurs époustouflant d’un bout à l’autre du concert. Un grand moment, et une chance pour certains musiciens invités quand on sait que pas mal de leurs confrères titulaires sont occupés par Rienzi. Trois rappels de la part de l’ONCT en personne, les musiciens tapant du pied et, ou de la baguette, ou des deux !c’est suffisamment rare pour être souligné. Leur enthousiasme, et le nôtre, sauront appuyer le retour de ce talentueux musicien à la baguette.
Une Fantastique rare.
Michel Grialou
Toulouse les Orgues
Orchestre National du Capitole