Tous les amateurs de piano connaissent sa maîtrise du clavier devenue fascinante tant l’osmose entre, un son “vrai“, un contrôle absolu des volumes, une intelligence aiguë des transitions, une finesse inouïe du toucher détermine désormais une sorte de qualité-étalon du jeu pianistique.
Le programme ? Debussy, point !!
Né quelque part en Pologne un 7 décembre, déjà un jour faste de notre calendrier pour tous les natifs ! Krystian Zimerman, qui compte au nombre des plus grands pianistes actuels, a commencé sa carrière par un premier prix au Concours Chopin de Varsovie en 1975. « J’étais sans doute le seul concurrent à ne pas venir dans un esprit de rivalité. Je voulais juste faire passer un peu de bonheur, faire que les gens vivent quelque chose. D’ailleurs, si j’ai finalement remporté la victoire, c’est sans doute justement parce que j’étais complètement détaché, en esprit et physiquement, de la situation du concours. »
Zimerman était donc, déjà considéré comme spécialiste de Chopin lorsqu’il rencontra, en 1976, le grand Artur Rubinstein. Celui-ci l’écouta dans les deux premières sonates de Brahms, et en vint à conclure qu’en fait, il était un spécialiste de Brahms. Mais Zimerman se moque bien des étiquettes, comme de tout jugement en général. Et il ne permet aucune ingérence dans le choix de son vaste répertoire qui s’étend de Bach à Szymanowski, même s’il doit mécontenter les organisateurs de concerts : « A combien de gens pensez-vous que j’ai dû m’adresser avant d’en trouver deux ou trois qui soient d’accord pour que j’interprète le Concerto n°1 de Bartok ? »
Zimerman s’intéresse de très près à la facture de piano et au réglage des instruments (« Il n’y a que comme ça que je peux arriver à la sonorité que je veux »), et il voyage toujours avec son propre piano de concert. Il peut répéter et régler son instrument la journée entière avant de se produire en soirée. Il est tout aussi pointilleux à l’enregistrement : pour la Sonate en si mineur de Liszt, il a fallu dix ans avant que le résultat ne lui donne satisfaction. Zimerman décrit ainsi le processus de l’interprétation au piano : « Quand je joue, mon moi est comme partagé en deux : mon moi pensant qui invoque continuellement sa vision de l’oeuvre, et un moi manuel qui est responsable de la réalisation pianistique idéale. »
Zimerman donne au maximum cinquante concerts par an, outre la musique de chambre et les cours supérieurs. La critique est unanime : l’homme, qui fuit toute publicité, apporte à son public une révélation nouvelle à chaque concert. Certains se souviennent, par exemple, des 24 Préludes de Claude Debussy au Festival de Salzbourg de 1991 : « Zimerman allie le culte de la beauté pure à une conception dramatico-épique et perçoit, caché sous un langage sonore si intellectualisé de Debussy, un langage de l’âme… Mais il évite aussi le risque d’une interprétation purement illustrative de ces Préludes, qui peuvent devenir un kaléidoscope de scènes de genre. » Avant Zimerman, personne encore n’avait fait éclore dans Debussy, un univers poétique aussi achevé, fait de spiritualité et de sentiment, de clarté et de magie, de délicatesse et de rage.
Comme presque tous les disques de Zimerman, l’enregistrement de ces fameux Préludes a accumulé les prix.……
Michel Grialou