Cinq cent vingt-septième œuvre conçue par un homme de trente et un ans, véritable tableau-bouffon dramatique de l’Eros, œuvre maîtresse de son auteur : grâce à Don Giovanni, Wolfgang Amadeus Mozart entre dans le petit groupe des Immortels de l’Histoire de la Musique.
“Avant tout pour moi est l’opéra“
W. A. Mozart, 1782
L’œuvre est créée à l’Opéra italien Ty de Prague le 29 octobre 1787. L’intérêt particulier de son action apparaît dans l’opposition permanente entre style tragique et comique. D’une écriture miraculeuse où chaque note participe à la caractérisation, des personnages, des lieux et des temps de l’action, la musique dessine, le jour et la nuit, le rire et la cruauté, le divertissement et le tragique, le désespoir, l’amour, la mort et la vengeance, la noirceur, mais guère d’innocence, enfin, la dérision : un vrai dramma giocoso annoncé déjà par le titre du livret de Lorenzo da Ponte : Il dissoluto punito o sia il Don Giovanni.
Jusqu’au choix du registre grave – baryton – pour le héros d’un sujet qui débute par un crime et se termine par la damnation éternelle du meurtrier grâce à une puissance extra-terrestre, sous la forme du Commandeur. Entre temps, la loi du désir aura régenté la plupart des personnages qui se livrent à une étonnante partie de cache-cache, entre eux, mais aussi avec eux-mêmes, qui veulent et ne veulent pas, voudraient être là, et ailleurs, plus fortunés mais libres, tel Leporello, le valet du maître, serrées par des bras qu’elles savent déjà perdus, amoureuse de l’assassin de son père – Donna Anna – ou de l’infidèle notoire – Donna Elvira – ou par devoir envers le seigneur – Zerline. Une confrontation avec trois personnages féminins entièrement différents dont Mozart fait des figures musicales pleines de vie. Quant à Don Ottavio, le promis de Donna Anna, il n’est là qu’au titre de faire-valoir de Don Giovanni, même si ses airs pour ténor sont parmi les plus beaux de l’époque.
Ce sera le héros qui, constamment, cautionnera le versant “giocoso“, utilisant sans cesse l’arme de la dérision, les pirouettes du rire, joyeux, ou désespéré ?
Un héros qui pourtant n’entonne que trois airs, en un mot qui ne chante pas mais avance, renverse tout sur son passage, poussé par la musique qui le soutient, accompagne ses rugissements, aiguillonne son désir permanent, et l’achève net avant qu’il ne soit consommé.
A la tension succède une phase d’apaisement, dans de formidables ellipses qui dérobent à Don Juan son plaisir ! Don Juan est un jouisseur qui n’a pas de temps à perdre. Il séduit avec l’énergie de la convoitise et de la concupiscence. Dans chaque femme, c’est le sexe féminin tout entier qu’il convoite. C’est là que repose la force d’idéalisation sensuelle qui lui permet à la fois d’embellir son butin et de séduire celui-ci. Il a envie d’expériences toujours renouvelées, puissante machine à réagir, à séduire, à se rebeller, qui n’est pas prêt à subir un échec, et Donna Anna sera son premier, et alors tout va partir de travers. La machine s’est enrayée. Tout bascule. Les facettes du rôle principal sont nombreuses et le classe parmi les plus difficiles du répertoire sur le plan de l’interprétation scénique.
Chaque nouvelle confrontation avec ce grandiose drame musical et ses personnages caractérisés par leur richesse impose obligatoirement de faire un choix pour ne retenir qu’un des nombreux aspects de cette œuvre. On peut à peine s’imaginer une mise en scène et une interprétation musicale susceptibles de rendre avec justesse toute la richesse de cette extraordinaire partition. C’est bien là que s’illustre la qualité sans égale de cet opéra qu’E.T.A. Hoffmann décrira à juste titre comme « l’opéra des opéras ».
Michel Grialou
DIRECTION MUSICALE
Daniel Barenboïm
MISE EN SCÈNE
Robert Carsen
DISTRIBUTION
Don Giovanni : Peter Mattei
Donna Anna : Anna Netrebko
Don Ottavio : Giuseppe Filianoti
Donna Elvira : Barbara Frittoli
Leporello : Bryn Terfel
DURéE DU SPECTACLE : 3h15 / 2 actes dont 1 entracte de 20 minutes
Scala de Milan – Diffusé au Cinéma UGC Wilson le Jeudi 07 Juin à 19h45