Directeur musical de l’ensemble vocal et instrumental A Bout de Souffle, Stéphane Delincak dirige « Platée », de Jean-Philippe Rameau, dans une mise en scène de Patrick Abéjean à Blagnac, en ouverture des Rencontres des Musiques anciennes organisées par Odyssud.
Stéphane Delincak est le pianiste des spectacles du quatuor Acide Lyrique qui parodie allègrement le genre du récital. Avec trois spectacles à leur actif, les trois chanteurs et le pianiste ne se sont pas seulement produits dans la région, ils ont aussi beaucoup tourné dans l’Est de la France, en Suisse et en Belgique. C’est au Théâtre Jules-Julien qu’ils ont fait leurs débuts, en 2004, lors d’une soirée dédiée au cabaret. «Nous avions préparé 3 airs, le directeur du théâtre Luc Montech nous a poussés à aller plus loin. Il nous a fait confiance en programmant aussitôt un spectacle qui n’était pas encore créé». Stéphane Delincak a débuté l’apprentissage du piano dès l’âge de 7 ans : «j’ai abandonné le conservatoire à cause du succès d’Acide Lyrique». Après le bac, il suit des études de musicologie à l’université de Toulouse – Le Mirail et forme aussitôt l’ensemble vocal A Bout de Souffle. L’ambitieux projet qu’est « Platée » a vu le jour en 2010 au Théâtre Jules-Julien : dix-huit musiciens, huit chanteurs et un chœur composé de quarante choristes sont mobilisés pour la production de cet opéra de Jean-Philippe Rameau créé à Versailles en 1745.
Il avait déjà dirigé dans ce même théâtre « Didon et Énée », opéra de Henry Purcell dans lequel le chœur a un rôle central. «C’était une première expérience, un essai qui a soudé les gens. Le chœur est devenu un groupe», constate Stéphane Delincak qui avait préalablement donné cette œuvre lors d’un concert au musée des Augustins. L’ensemble y a en effet ses habitudes pour chaque fête de la musique. En dix ans, il a alterné répertoire sacré et profane, de Jean-Sébastien Bach à Francis Poulenc, du « Magnificat » de Vivaldi au « Requiem » de Mozart, et toujours de Purcell « les Funérailles de la reine Marie » et quelques extraits de « The Fairy Queen ». Il a un goût particulier pour la musique baroque «parce qu’il y a une simplicité dans l’expression des sentiments et une évidence.» Il ne connaissait pas « Platée » qu’il a découvert sur les conseils de Patrick Abéjean, dans une captation de la mise en scène de Laurent Pelly à l’opéra Garnier. Stéphane Delincak a eu un coup de foudre pour cet opéra. «C’est vraiment la naissance de l’opéra comique français. C’est une parodie de la tragédie lyrique, mais avec la même dimension que la tragédie. C’est hypermoderne, avec un rôle principal de ténor travesti en nymphe. Il y a une grande rapidité dramatique, c’est presque du Mozart.»
Il a naturellement confié la mise en scène à Patrick Abéjean. Un choix justifié par son «oreille de musicien. Le but de cette création est de faire comprendre le sens de l’œuvre. Ce n’est pas une reconstitution historique parce que c’est une histoire très moderne. Pour Patrick, la confrontation entre les Dieux qui détiennent le savoir et les ploucs qui sont représentés par la grenouille Platée est le reflet de l’opposition entre Paris et la Province. Platée est une nymphe, c’est-à-dire une demi-déesse, décrite comme idiote, amoureuse d’un petit roi. Les Dieux détiennent les codes et le pouvoir.» Côté distribution, il a bien sûr fait appel à la mezzo Stéphanie Barreau – déjà présente dans « Didon Énée » – qui n’est autre que la diva d’Acide Lyrique. Le contre-ténor Paul Crémazy – qui a travaillé avec Christophe Rousset – interprète le rôle titre. «Je le connais depuis mon passage en tant qu’artiste supplémentaire dans le chœur du Capitole. C’est un excellent chanteur pour ce rôle difficile, et un bon comédien». On entendra aussi, dans son premier rôle d’opéra, la soprano Cécile Larroche qui chante avec l’Orchestre de chambre de Toulouse, et l’ancien rugbyman – pilier droit du Stade toulousain – Omar Hasan, aujourd’hui reconverti en baryton. Colorée et pétillante, cette production est à l’affiche des Rencontres des Musiques anciennes organisées par Odyssud à Blagnac.
Jérôme Gac
Lundi 23 avril, 20h30, à Odyssud, 4, avenue du Parc, Blagnac. Tél. 05 61 71 75 15. Conférence introductive à 19h30.
Samedi 23 juin, 21h30, à l’abbaye de Sylvanès (12). Tél. 05 65 98 20 20.