Cosi fan tutte ossia La scuola degli amanti,
Ainsi font elles toutes, ou l’Ecole des amants
La saison d’opéra se termine avec cet opera-buffa en deux actes, troisième volet de la trilogie Mozart /Da Ponte. Sous la direction d’Attilio Cremonesi, dont la baguette « servira de fléau à cette pesée sans fin des passions »,le Théâtre du Capitole présente une production imaginée par Pierre Constant qui a obtenu en 1995 le prix du « meilleur spectacle lyrique » délivré par le Syndicat de la critique.
1789, sa femme Constance vient de mettre au monde un enfant mort-né, il n’a plus de commandes et s’enfonce dans un abîme de silence et un gouffre financier. La période est bien sombre mais c’est alors que notre “divin “ Mozart récupère, coup de chance, un livret de l’abbé Lorenzo da Ponte, que Salieri vient de refuser. Un peu d’air frais financier grâce à Joseph II, et comme dans tous les moments graves, Wolfgang va savoir réagir avec l’élégance des désespérés, et faire naître alors pour l’éternité le plus exquis et simple de ses opéras, le dramma giocoso le plus parfait en termes d’équilibre, parodie et ironie se mêlant subtilement à une musique qui va droit au cœur.
Pourtant l’argument concocté s’appuie sur un sujet bien frivole :deux couples de fiancé(e)s s’essaient à l’échangisme. Les gandins se risquent à un pari stupide, chacun d’eux déguisé devant séduire la promise de l’autre. Dans cette machination périlleuse et perverse menée à bien par deux apprentis sorciers, Don Alfonso, le cynique philosophe des cœurs humains et l’espiègle Despina, type même de la soubrette passée maître dans l’art du travestissement, les oiselles – sœurs – vont se débattre dans la cage de leurs serments. Aux vertiges du jeu, la séduction est permanente, le désir, la tentation du fruit défendu affleurent à chaque scène. Tout est théâtre, illusion pure, jeux d’artifices, fausses moustaches et reniements. Tout est constamment à porte-à-faux, à double sens, pendant qu’au verbiage se superpose la musique la plus tendre, la plus lumineuse.
Le metteur en scène de cette histoire irréaliste, artificielle et extravagante va maintenir l’action au XVIIIè siècle tout en s’attachant à mettre en valeur l’extraordinaire intemporalité d’une “tragédie“ bouffonne et immorale, véritable mascarade viscérale et amère dans laquelle l’ambiguïté de l’érotisme apparaît bien invincible. La distribution compte six personnages, sans aucun rôle secondaire, défendus par de jeunes artistes talentueux, car comme au football, si vous ne donnez pas leur chance à ceux qui grimpent, vous ne découvrirez jamais les futures “coqueluches“ des années à venir. Tout de même, on pourra remarquer aux lumières, une star confirmé dans ce domaine, Jacques Rouveyrollis.
Michel Grialou
photo : Danielle Pierre
Théâtre du Capitole – du 17 au 30 juin.